04/03/2001
Jérôme
Dilouya, Easynet: "Sans backbone, il est difficile d'apporter
une vraie visibilité à ses clients"
Cette
semaine, l'opérateur IP Easynet
gagne une place dans le top des hébergeurs (voir le
classement
hebdomadaire) avec une disponibilité exemplaire
et des performances correctes légèrement pénalisées
sur le plan national. A la tête d'une équipe
de chefs de produits, son responsable des lignes de produits
Jérôme Dilouya apporte la vision d'Easynet concernant
le marché de l'hébergement et les principales
difficultés rencontrées dans ce métier
en pleine évolution.
JDNet
Solutions : quelles sont les principales tendances du marché
de l'hébergement ?
Jérôme Dilouya : Nous constatons
que de plus en plus d'entreprises se positionnent en purs
hébergeurs, c'est à dire dans l'hébergement
de sites critiques. Or, cette tendance nous paraît pour
le moins étrange car nous avons des difficultés
à comprendre comment un hébergeur de sites critiques
peut offrir des garanties sans maîtriser son propre
réseau IP. Sans backbone, il paraît difficile
d'assurer une véritable visibilité aux sites
web des clients. Nous observons donc que beaucoup de fournisseurs
abandonnent la gestion des réseaux en se reposant sur
des opérateurs. Mais les métiers de l'hébergement
et de la connectivité sont connexes. Il existe une
différence fondamentale entre un acteur avec 2 ou 3
points de peering, et Easynet qui possède à
la fois son propre backbone, ainsi qu'environ 600 accords
au niveau européen. Pour moi, la tendance constatée
actuellement par ailleurs n'a pas de sens.
Du côté de la demande, l'évolution que
nous venons de décrire est moins ancrée au niveau
international pour les sites b-to-b que pour ceux en b-to-c.
Vis-à-vis de ces derniers, qu'ils soient dans le jeu
en ligne ou l'e-commerce, l'interconnexion est évidemment
un plus. En ce qui concerne les clients, la principale tendance
est dans la montée en capacité. Il y a 5 ans,
l'hébergement était partagé pour tout
le monde. Aujourd'hui, le moindre site web correct est pris
en charge sur un serveur dédié. Et quand un
site ne sait pas très bien quelle sera sa fréquentation,
il commence en mutualisé et passe ensuite en dédié.
Près de la moitié de nos clients qui disposent
aujourd'hui de leurs propres serveurs viennent au départ
de nos offres d'hébergement mutualisé.
Et
les plus grandes difficultés que vous rencontrez dans le métier
d'hébergeur ?
Pour
nous, la plus grande difficulté est de faire comprendre
aux clients que la qualité de l'hébergement
correspond exactement à la qualité d'un site.
Certaines sociétés attribuent plusieurs millions
de francs aux développements et ne pensent même
pas placer le dixième de cette somme dans l'hébergement.
Or, le développement est presque annexe car il est
préférable pour l'entreprise d'avoir un site
bien hébergé. Certains clients ne comprennent
même pas l'intérêt d'installer un cluster
sur leurs bases de données. Or, il s'agit autant d'un
problème de culture, que du discours de agences web
qui tentent de mettre en avant leur propre métier.
Enfin, il y a le problème des marges. Tout le secteur
en pâtit et c'est pourquoi beaucoup de nos concurrents
se lancent dans les services à valeur ajoutée.
Car aujourd'hui, plus personne n'arrive à réaliser
des marges sur l'accès ni sur l'hébergement.
Et c'est pourquoi la valeur ajoutée est devenue le
coeur de métier, et se situe au centre des offres produits.
Comment
vous situez-vous dans le débat actuel sur la qualité de service
?
Actuellement, le débat se limite
essentiellement au fait de savoir qui aura les meilleurs taux
de disponibilité et les meilleurs SLA (accords sur
la qualité de service). Or, à mon sens, il s'agit
d'un débat réducteur vis-à-vis de la
qualité elle-même. En général,
les SLA sont sortis par les hébergeurs comme "gri-gris"
contre l'indisponibilité. Dans ce domaine, le concept
d'Easynet est assez simple. Pour nous, un SLA ne peut être
standard, car certains clients veulent d'abord des engagements
sur la disponibilité, et d'autres sur les performances.
A l'égard des premiers, nous nous engageons très
loin avec des taux de disponibilité qui portent également
sur les applications. Or, celui qui s'engage dans ce domaine
doit disposer d'une très bonne vision des applicatifs
en question. Pour s'engager à ce qu'une base Oracle
ne tombe pas plus de 4h par an, il faut disposer des outils
pour mesurer. Mais comme certains clients ne veulent pas que
leur hébergeur ne voie quoi que ce soit, les SLA applicatifs
ne conviennent pas à tous. C'est pourquoi notre approche
consiste à dire "a chaque client correspond un
engagement différent sur la qualité de service".
Du côté des outils, nous nous appuyons sur BMC
Patrol, HP Openview et la plate-forme de supervision de la
base Oracle, que nous combinons à notre manière
pour obtenir une meilleure QoS. En ce qui concerne les prestataires,
nous travaillons avec IPingU, qui s'oriente vers la mesure
applicative de par son historique, et nous sommes en train
de signer avec Witbe. De la sorte, nous n'effectuons pas les
tests nous-même, car nous ne pouvons être en même
temps juge et partie. Nous préférons donc avoir
recours à des prestataires extérieurs qui certifient
notre travail dans une dynamique de transparence.
[Propos
recueillis par François
Morel, JDNet]
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