14/06/01
En
avalant Remedy, Peregrine vise la moitié du marché de
la gestion de parcs
Depuis lundi 11 juin,
date de l'annonce par l'éditeur américain
Peregrine
Systems du rachat en cours de son concurrent frontal
Remedy
Corporation, de nombreux articles de presse tentent
d'expliquer la stratégie de rapprochement des deux
acteurs par une complémentarité des cibles.
Respectivement, le premier adresserait le segment grands
comptes, et l'offre du second serait davantage tournée
vers les PME. Ainsi, d'après Michel Simion, directeur
marketing France de Peregrine Systems, "nous ne sommes
pas si concurrents que cela de Remedy car leur offre s'avère
plus pertinente auprès des PMEs."
PME/grands comptes: une complémentarité
de façade
"Faux", rétorque Philippe Schmitt, directeur
marketing Europe du Sud de Remedy, "et il suffit
pour s'en convaincre de regarder notre parc installé."
En effet, lors d'un récent entretien avec Arnaud
Chain (lire
l'interview parue en février), le directeur
général Europe du Sud de l'éditeur
qui se prépare à être absorbé
nous citait quelques grands noms parmi les références
de Remedy. En France, il s'agit par exemple de sociétés
comme le PMU, Alcatel CIT, la Banque de France, EDF-GDF,
Bouygues Telecom, Bull, Esso, la RATP, Renault et La Poste.
Et s'il peut effectivement s'agir de filiales pour certaines
d'entre elles comme le suggère le directeur marketing
de Peregrine, celui de Remedy nous confirme que certains
de ces contrats ont bel et bien visé l'implémentation
des outils de helpdesk et de gestion de parc à
grande échelle.
Peregrine
veut mettre la main sur la technologie ARS
Pour mieux comprendre
la stratégie de fusion des deux acteurs leaders
sur le marché de l'ITSM (gestion des ressources
informatiques), il faut donc regarder ailleurs. Et sur
les autres aspects, Peregrine et Remedy parviennent tout
à fait à s'accorder.
Tout d'abord, au centre de l'opération se situe
la technologie ARS (Action request system) qui fait figure
de noyau central pour les remontées d'alertes au
sein des produits Remedy. A la pointe de la technologie,
ce langage de quatrième génération
est livré avec un kit de développement et
un moteur de workflow intégré. Pour Philippe
Schmitt, "la vraie complémentarité
se situe là, entre notre technologie ARS et celle
de Peregrine qui porte le nom Asset Center." Et là,
Michel Simion fait chorus : "ARS sera packagé
dans notre offre et nous nous intéressons de près
aux développements sur la version 5.0."
Ensuite, Remedy apporte un deuxième axe de complémentarité
avec son offre de CRM orientée service client (gestion
des interactions dans les centres d'appels et hotlines),
complètement absente du catalogue de Peregrine.
"Dans ce domaine, nous sommes effectivement dans
le pur complémentaire", affirme Michel Simion.
"Nous allons continuer à fournir ces offres
comme un plus pour les clients. Mais notre métier
reste celui de la gestion et de l'acquisition d'infrastructures."
35 %
plus 25 % = 50 % ( ! ) de parts de
marché
Mais le maître
mot de cette opération de rachat reste avant tout
la volonté de Peregrine Systems de s'imposer comme
le leader incontesté du marché de l'ITSM.
Depuis un an et demi, l'éditeur a mené pas
moins de 15 acquisitions. Parmi les plus importantes,
l'on peut citer celles des concurrents Harbinger et Tivoli
Service Desk (branche de Tivoli/IBM), et de l'éditeur
Extricity spécialisé dans les technologies
EAI pour s'équiper des connecteurs applicatifs
en interne. "En France, selon certains analystes,
nous représentons 30 à 40 % de
parts du marché ITSM, et Remedy se situe à
environ 25 %", explique Michel Simion. "Après
la fusion, nous pouvons estimer que nous couvrirons près
de 50 % du marché français." Mais
il faut préciser que les deux éditeurs comptent
un certain nombre de clients en commun.
Une opération qui frise
la création d'un monopole ?
De fait, lorsque l'on se demande pourquoi l'argument de
complémentarité PME/grands comptes est revenu
si souvent dans la presse, quelques clefs permettent d'y
voir plus clair. En effet, avant d'être finalisée,
l'opération doit être approuvée d'ici
la fin août par les autorités américaines
et notamment la SEC en charge du contrôle des opérations
financières. Et la création d'un tel géant
pourrait soulever des doutes quant à une acceptation
par la commission anti-trust. "Notre objectif est
de constituer une société au chiffre d'affaires
d'un milliard de dollars", indique Michel Simion.
"Fin 2000, Remedy pesait près de 200 millions
de dollars et Peregrine aux alentours de 600 millions
de dollars."
Du reste, Remedy France poursuit toujours sa stratégie
comme si de rien n'était. Comme nous le confie
Philippe Schmitt, "aujourd'hui même, notre
stratégie continue sur les programmes en cours,
et notamment notre campagne marketing." Pourtant,
l'objectif de Peregrine consisterait, à terme,
à faire disparaître la marque Remedy et à
renommer ses offres comme dans le cadre de ses autres
acquisitions.
Mais fort heureusement, les concurrents de Peregrine et
Remedy ne s'appellent pas seulement PS'Soft/Qualiparc
et Staff&Line.
D'autres géants sont présents sur ce créneau,
comme Hewlett-Packard
avec son offre OpenView et Computer
Associates avec Unicenter. L'opération vise
peut-être à la création d'un véritable
géant, mais il n'est pas seul. Et l'argument de
complémentarité des cibles, s'il visait
effectivement à contrer l'idée de monopole,
pourrait ne pas s'avérer nécessairement
justifié.
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