19/06/01
Linus
Torvalds, plus technologue qu'idéologue
On attendait l'ouvrage
depuis quelque temps et sa lecture ne déçoit pas. "Il
était une fois Linux", qui vient de paraître chez Osman
Eyrolles Multimedia, combine deux genres : l'autobiographie,
celle de Linux Torvalds en l'occurrence, et la saga
technologique, celle de Linux bien sûr et du logiciel
libre. La première moitié de l'ouvrage se lit plutôt
comme un roman, qui couvre plusieurs époques clefs :
de l'enfance, passée en partie sur les genoux d'un grand
père friand de mathématiques et d'informatique, à l'adolescence
consommée entre les cours à l'université de Helsinki
et les nuits blanches devant l'écran.
Un background technique s'impose
Là où certains découpent leur existence en fonction
de leur lieu d'habitation, Linus Torvalds, lui, se repère
dans son calendrier personnel en fonction de ses achats
d'ordinateurs, du Vic-20 au PC 386 en passant par le
Sinclair QL. Des acquisitions au fur et à mesure desquelles
l'univers de ce jeune finlandais plutôt asocial se resserre
autour d'une passion : la programmation. Une progression
jalonnée par des révélations comme la lecture du livre
"Operating Systems: Design and Implementation"
d'Andrew Tanenbaum. Le lecteur technophile s'amusera
à identifier parmi ces révélations celles qui ont inspiré
le Linux que nous connaissons aujourd'hui. Précisons
d'ailleurs qu'un background technique minimal s'impose
durant certains chapitres pour suivre les mouvements
de rhétorique du jeune Linus qui, assez tôt, arrête
certains des principes fondateurs du système - le fait
par exemple que Linux s'appuie sur un noyau monolithique
et non sur un micro-noyau. A cette condition, le lecteur
prendra plaisir à découvrir comme un simple
programme d'émulation est peu à peu devenu
un système d'exploitation.
La seconde moitié de cette biographie-saga couvre l'époque
durant laquelle Linux (et Linus) rencontrent le mouvement
du logiciel libre promu par Richard Stallman. Peu à
peu, Linus Torvalds devient l'un des porte-drapeaux
du logiciel libre - malgré lui serait-on tenté de dire
vu son aversion pour les représentations publiques.
Technologue avant d'être idéologue, Linus Torvalds opte
pour le modèle de la licence GPL avant tout parce qu'il
y voit un moyen de garantir la qualité du code produit
et non par conviction politique. C'est le même pragmatisme
qui le conduit à voir plutôt d'un bon il le ralliement
d'acteurs commerciaux (constructeurs et éditeurs) à
Linux. " Existe-t-il une solution plus réaliste pour
pérenniser l'Open source que de passer par un parrainage
des entreprises ? ", argumente-t-il face aux puristes
du libre.
Coup de patte contre Sun et
Apple
Pragmatique avec les acteurs industriels, Linus Torvalds
n'en reste pas moins critique. Et lance au fil des pages
quelques coups de pattes, curieusement moins sur les
choix d'un Microsoft (presque ignoré dans cet ouvrage)
que sur ceux d'Apple (Mach, noyau de MacOS X est qualifié
de "daube") ou de Sun
" En tentant de contrôler l'environnement
Java, Sun Microsystems l'a pratiquement tué. Java reste
un produit raisonnablement correct, mais il n'a certainement
pas pu donner tout son potentiel ", lâche un Linus Torvalds
manifestement agacé par l'ambiguïté de la firme avec
le modèle du logiciel libre.
Des remarques acides toutefois assez rares au fil de
ces 300 pages écrites, bien souvent, le sourire
aux coins des lèvres. Pas vraiment surprenant
de la part d'un nerd pour qui "les humains sont destinés
à devenir des animaux festifs. Et la technologie s'y
adaptera", promet l'intéressé. Vaste programme
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