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25/07/01

La protection de l'e-book d'Adobe cassée : (encore) une affaire de copyright

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Le Def'Con, grand'messe annuelle des hackers s'est tenue à Las Vegas les samedi 14 et dimanche 15 juillet 2001. Suite à une intervention intitulée "La sécurité des livres électroniques : théorie et pratique", le programmeur russe de 26 ans Dmitry Skylarov a été arrêté à son hôtel par le FBI lundi 16. Motif ? La société Adobe, qui a conçu le système de lecture de livre électronique Acrobat eBook Reader, avait porté plainte contre le jeune hacker et la société moscovite ElcomSoft qui l'emploie. Spécialisée dans les logiciels permettant de recouvrer des données cryptées "lorsque le mot de passe a été perdu", cette dernière commercialisait depuis un mois un programme permettant de décrypter un livre électronique protégé et de le convertir au format PDF (Portable Document File), lisible dès lors par tout utilisateur équipé du logiciel gratuit Adobe Acrobat Reader. Après la musique et la vidéo, voici que le livre focalise à son tour le débat sur le droit d'auteur et la copie des contenus numériques.

"Les logiciels Adobe sont illégaux en Russie"
Les fournisseurs de solutions tels qu'Adobe répondent à une problématique majeure : les éditeurs de livres numériques comptent vendre les ouvrages pour en tirer un bénéfice, comme auparavant. Aussi doit-on leur garantir que les livres, une fois numérisés, pourront être lus exclusivement par leurs acquéreurs. La protection s'effectue donc par chiffrement des données correspondant au contenu du livre, celui-ci n'étant ensuite consultable que par un client s'étant acquitté du droit à les déchiffrer grâce... à un mot de passe. C'est justement ce que permettait, pour 99 dollars, le logiciel développé par Dmitry Skylarov et commercialisé par ElcomSoft, afin (bien entendu...) que les acheteurs d'eBooks ayant égaré leur mot de passe puissent récupérer le contenu de l'ouvrage.

Or ce tour de passe-passe s'appuie en réalité sur une base juridique aussi valable que le droit d'auteur : en Russie, en Allemagne et en Scandinavie, des lois obligent les éditeurs de logiciels à rendre possible la sauvegarde de sécurité pour tout acheteur du produit. Dès lors, le directeur d'ElcomSoft Vladimir Katalov relève le fait que le programme incriminé "ne décrypte que les livres légalement achetés". A ce titre, "il ne peut être utilisé que par son propriétaire légitime", estime-t-il. Il convient évidemment d'objecter qu'après décryptage, le livre converti au format PDF peut être distribué librement et copié à l'infini. Mais Vladimir Katalov souligne en tout cas un nouveau problème de Droit lié à l'internationalité des échanges électroniques : n'autorisant pas la copie de sauvegarde, "en réalité, les logiciels Adobe sont illégaux en Russie"... au moins autant que le logiciel d'ElcomSoft aux Etats-Unis, en effet.


Adobe favorable à la loi... et à la relaxe du hacker
La plainte déposée à la Cour du District de San Francisco par Adobe se fondait sur le Digital Copyright Millenium Act, une loi relative aux droits d'auteurs des contenus numériques votée en 1998. Très controversée, celle-ci trouve avec l'affaire l'une de ses toutes premières mises en application : elle menace en effet de 5 ans d'emprisonnement et 500 000 dollars d'amende quiconque distribue un programme permettant de contourner la protection du droit d'auteur d'un contenu numérique. Mais l'annonce de l'arrestation a vite provoqué une série de réactions en chaîne de la part des défenseurs de la liberté d'expression et d'information sur le Net. L'Electronic Frontier Foundation (EFF), mouvement particulièrement influent dans ce domaine, y a trouvé une nouvelle occasion de fédérer les opposants à une loi américaine qu'elle juge abusive.

La levée de boucliers ne s'est pas faite attendre. Au cours de la semaine dernière, des pétitions visant au boycott des produits Adobe et une liste de diffusion appelant à relaxer Dmitry Skylarov circulaient déjà dans plusieurs pays. Entre autres manifestations, une centaine d'opposants à la loi ont défilé lundi 23 devant les locaux d'Adobe, brandissant les drapeaux russe et américain. Adobe a donc choisi de changer son fusil d'épaule et demandé instamment aux autorités de ne pas poursuivre le jeune programmeur. Le programme n'étant plus commercialisé par ElcomSoft (dont le site lui-même a disparu quelques jours suite à une plainte auprès de l'hébergeur) l'éditeur américain favorable à la loi ne souhaite probablement pas pour autant être à l'origine de la première condamnation fondée sur ce texte. Et encore moins, sans doute, se mettre à dos une partie de la communauté mondiale des développeurs.


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