28/08/01
L'Europe
peut-elle dénaturer le logiciel libre?
(mis à jour le
31/08/2001)
L'Union Européenne a décidé de
se lancer dans la promotion du logiciel libre en finançant
un certain nombre de projets dans ce domaine... Un programme
considéré d'un oeil critique par les promoteurs
de la licence GPL. Loïc Dachary, vice-président
de la Free
Software Foundation Europe (Fondation Européenne
pour le Logiciel Libre), souligne les dérives
que pourrait entraîner une telle initiative et
conseille aux communautés de s'engager dès
maintenant dans le processus européen.
Le
programme Information Society Technologies
La
Commission Européenne a d'ores et déjà
lancé plusieurs projets autour de ce qu'elle
appelle "le
logiciel libre ou Open Source". Deux concepts
que les représentants de l'Union semblent mettre
sur le même plan. Et c'est là où
le bât blesse. En effet, selon les promoteurs
du Libre, ces deux notions sont différentes.
"Le logiciel libre est une véritable philosophie, à
la différence du mouvement Open Source qui refuse cette
idée", expliquait, il y a quelques mois, Loïc Dachary
dans nos colonnes. Selon lui, une application "libre"
est associée à quatre libertés : celle de l'utilisation,
celle de l'étude (avoir accès au code source), celle
de la copie et celle de la modification. Pourtant, c'est
bel et bien un "groupe de travail sur le Logiciel
Libre", que les instances européennes ont
mis en place.
Baptisé
Information Society Technologies (IST), ce programme
a notamment pour objectif dans sa
version 2001 de promouvoir le développement et l'utilisation
de logiciels diffusés sous les licences qu'il
considère comme "compatibles GNU" (GNU
General Public Licence, licence du logiciel libre).
Créé pour l'occasion, le Groupe
de travail européen sur le Logiciel Libre,
vise notamment à mettre en place une structure
pour soutenir ces initiatives autour de la GNU, et ceci
à toutes les étapes du cycle de vie d'un
projet (hébergement, certification, lancement,
diffusion, etc.).
Le site du Service Communautaire d'Information sur la
Recherche et le Développement (CORDIS)
affiche d'ores et déjà 6
projets en cours autour de ce programme. Parmi eux,
on compte notamment un système de contrôle
numérique, un routeur et un pare-feu, ainsi que
plusieurs travaux de réflexion sur le modèle
du Libre et sur certains protocoles de sécurité
dont il dispose. Le tout très marqué Linux...
Il est vrai que l'Union Européenne semble très
sensible à la situation monopolistique de Microsoft
dans le domaine des systèmes d'exploitation.
"Nous
pouvons éviter ces accidents"
"Qui
n'a pas été, au moins une fois, profondément agacé que
des financements soient attribués à des projets dits
"Logiciel Libre" alors qu'ils n'en avaient
que le nom ?" Dès son introduction,
Loïc Dachary donne le ton. Rappelant que
l'Europe s'apprête à sélectionner
de nouveaux candidats dans ce domaine, le
vice-président de la FSF Europe lance un appel
à la communauté du Libre :
"nous pouvons éviter ces accidents en devenant
Experts Externes." Le Fifth Framework Programme
(FP5), cellule gérant les programmes de recherche
1998-2002 du CORDIS, recrute en effet sur son site
des experts externes pour valider les projets proposés.
Et Loïc Dachary d'affirmer que l'organisme ne dispose
pas actuellement d'un nombre suffisant de personnes
ayant une compréhension réelle du mouvement et de sa
logique pour traiter les dossiers.
Reconnaissant que la commission souhaite encourager
les projets Logiciel Libre en raison de leurs qualités
intrinsèques de liberté, d'indépendance et de partage,
il se demande "qui sera à même de juger si un projet
dit Logiciel Libre n'est pas simplement une utilisation
abusive d'un terme à la mode". En effet, si l'Europe
désire être cohérente avec elle-même,
elle devra savoir faire la différence entre un
package du projet GNU (comportant l'ensemble des conditions
citées plus haut) et une licence dérivée.
Selon le vice-président, deux éléments
centraux, qui n'ont pas d'équivalents dans le développement
"propriétaire", ne pourront par conséquent
être jugés que par des personnes impliquées dans
le Logiciel Libre. D'une part, il s'agit de la protection
légale, qui se révèle problématique
dans le cadre de projets impliquant de multiples partenaires
et l'utilisation de composants diffusés sous des licences
variées. Et d'autre part, cela concerne l'organisation
du réseau de développement, et la faculté de
ses membres à s'impliquer et établir un dialogue.
Soulignant que le processus
d'évaluation commence début octobre, le
porte-parole en appelle à la responsabilité
des promoteurs du Libre pour s'inscrire sur le site
du CORDIS.
|