Dans le monde de informatique,
le géant parmi les géants se fait appeler
IBM, mais il n'en a pas toujours été ainsi :
il fut un temps où le logo de l'entreprise s'étalait
dans une version longue - International Business
Machines. Un nom au délicieux parfum rétro
qui nous ramène au début du siècle :
IBM est né en 1911, une époque ou les ordinateurs
n'existaient encore que dans l'imagination de quelques
savants.
Et c'est bien plus tard, au sortir de la seconde guerre
mondiale, que Big Blue se tourne vers l'informatique.
Avant cette période glorieuse, International Business
Machines fabrique des tabulateurs - un hybride entre
la calculatrice mécanique et la machine à
écrire. Et les affaires marchent plutôt bien
pour IBM puisque l'entreprise ne compte pas moins de 11 000
employés en 1939. Mais l'âge d'or d'IBM reste
à venir.
Suivant,
puis suivi
Les années
30 sont la décennie des pionniers de l'informatique.
IBM observe avec dédain les laboratoires Bell,
W.Hewlett et D.Packard - et leurs homologues -
écrire les premiers chapitres de l'histoire de
l'ordinateur.
En 1941,
IBM déclare
publiquement qu'il n'y a pas de futur pour l'informatique
électronique. Ironie du sort : trois ans
plus tard, International Business Machines met sur le
marché le Mark 1, un ordinateur qui se fait
remarquer pour son aisance dans les séquences
de calculs complexes.
Big blue met ainsi le
doigt dans un engrenage qui va faire son succès.
En 1949 déjà, l'entreprise compte 27 000
employés ; IBM suit une trajectoire stratosphérique
qui la propulsera à un sommet himalayen de 400 000
employés, quelque trente cinq ans plus tard.
Son armée d'informaticiens, de chercheurs et
de commerciaux est grande à faire pâlir
la concurrence.
La force d'IBM plonge ses
racines dans sa créativité : de 1945
à 1985, IBM participe aux plus grandes aventures
de l'informatique. 1957 est une année faste :
le géant lance le Fortran - un langage qui
s'impose et domine le marché pendant de longues
années. 1957 est aussi l'année du disque
dur, dont IBM pose les bases. L'aventure se poursuit
en 1964, date à laquelle Big Blue dévoile
son System/360 - et avec lui les notions de logiciel
interchangeable et de périphérique.
La disquette ? Une
autre création d'IBM, imaginée l'année
où le monde s'engouffre dans la crise du pétrole.
Mais le plus beau succès de Big Blue reste sans
doute le PC, cet ordinateur individuel qui trône
désormais partout dans les salons et dans les
entreprises. Aujourd'hui encore, tous les Personal Computers
du marché respectent dans les grandes lignes
les spécifications définies par IBM un
beau jour de 1981. Le beau palmarès du géant
bleu se clot ainsi sur une invention dont il se serait
bien passé tous comptes faits, comme nous allons
le voir.
La crise
La période faste s'achève pour IBM au
début des années 80, la croissance du
groupe marque un net coup d'arrêt. Pour le géant,
créer le PC, c'était ouvrir la boite de
pandore : IBM est le spécialiste des gros
systèmes informatiques qui concentrent toute
la puissance d'un parc d'ordinateurs dans une seule
machine colossale. En 1980, la croissance de ces gros
systèmes se tasse, et ce n'est pas un hasard
si la courbe des PC crève le plafond au même
moment. Malheureusement pour IBM, ses ordinateurs personnels
ne parviendront jamais à s'imposer pleinement
sur le marché des PC.
Pour l'éléphant
qu'est devenu Big Blue, les années 80 vont être
celles de l'apprentissage des affres de la concurrence.
Le pachiderme n'est plus capable de fabriquer l'intégralité
des composants de ses PC : il doit passer commande
de circuits intégrés à Intel, et
à bien d'autres entrprises. Idem pour les logiciels.
Big Blue perd pied et affiche -
une décennie durant - de catastrophiques
résultats financiers. L'aiguille ne sort pas
du rouge et finit par sombrer dans des profondeurs abyssales
en 1993. Le géant moribond subit cette année
là une perte de 8 milliards de dollars. Les effectifs
du groupe sont retombés à 250 000
employés, et les plus optimistes en sont réduits
à compter les mois avant que l'édifice
ne s'écroule.
Mais IBM suprend son monde.
Le pachyderme a survécu pendant près d'un
siècle : il est plus vif qu'il n'y paraît.
Son histoire le montre bien : dans les années
50, IBM a su se débarrasser de ses tabulateurs ;
dans les années 80, l'éléphant
a cédé son activité périphériques
au futur Lexmark ; dans les années 90, le
groupe a abandonné le marché des PC grand
public. En cette fameuse année 1993, Big Blue
accouchera donc dans la douleur d'un plan stratégique
aussi brutal que visionnaire. Son initiateur :
Lou Gerstner, le PDG de la dernière chance, est
nommé en 1993.
Opération
de sauvetage
Le redresseur d'IBM commence par "dégraisser
le mammouth". Terminée l'époque du
nombrilisme : IBM doit être pragmatique,
et les employés doivent éviter de recréer
ce qui existe ailleurs. Fini l'emploi à vie :
IBM resserre la vis du management et pose des objectifs
chiffrés à ses employés. Ceux qui
ne s'y conforment pas sont mis à pied et viennent
gonfler la vague des licenciements.
Lou Gerstner se place à
la barre et vire brutalement de bord. Big Blue met le
cap sur les services - avec la création
d'IBM Global Services et de rachat de PWC Consulting.
IBM vise aussi les logiciels - avec les rachats
de Lotus, Tivoli et Rational. Désormais, le géant
ne se contente plus de vendre du matériel :
il conseille, implémente, vend ses ordinateurs
et ses logiciels dans un seul mouvement. Gerstner a
fait d'un archipel de divisions un véritable
continent, unifié et cohérent, que d'autres
géants de l'informatique ne tardent pas à
imiter.
Le plan d'action de Lou
Gerstner est couronné de succès :
fin 2002, IBM a repris du poids, l'éléphant
est sortie de la plus grave crise qu'il ait connu. L'entreprise
compte près de 350 000 employés,
ses bénéfices pour l'année 2001
frisent les 8 milliards d'euros - contre 86 milliards
de CA. Une santé étonnante pour un veil
animal de 91 ans. Si IBM poursuit sur sa lancée,
l'entreprise sera la première du secteur à
passer le cap de la centaine. Et avec quel panache !
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