Management
Communautés de pratique : un partage des connaissances idéal
Les outils de travail collaboratif excellent dans l'art de valoriser les savoirs. A condition de choyer les "communautés de pratique" qui se tissent dans l'entreprise. (Lundi 6 janvier 2003)
     
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Etienne Wenger
La compétitivité d'une enteprise dépend directement de la qualité des connaissances auxquelles ses employés ont accès : être mieux informé que la concurrence est un objectif majeur pour chaque firme. Ce qui explique le succès des outils de partage des connaissances - ou KM. Pour Etienne Wenger cependant - l'un des gourous du collaboratif -, les managers ont une idée bien trop restrictive du partage des connaissances, qui se cantonne souvent à des bibliothèques statiques, des répertoires de documents écrits.

Pourtant, "ce sont les savoirs dynamiques qui font la différence - explique posément E.Wenger dans une article de Systems Thinker. Ce qui requiert la participation de personnes totalement immergées dans le processus de création, raffinement, communication et utilisation des connaissances".

Un mystérieux lieu d'échange

Ces acteurs échangent leurs savoirs - sans même que l'entreprise en soit consciente - au sein de "communautés de pratique". Un lieu d'échange méconnu et pourtant capital pour la circulation des savoirs. Etienne Wenger soutient que ces communautés de pratique sont "la connaissance la plus dynamique et la plus versatile de l'entreprise, une ressource qui constitue le socle de sa capacité à savoir et à apprendre".

Mais quels sont donc ces lieux importants qui se constituent sans que la hiérarchie n'en sache rien ? Ce sont des groupes d'hommes reliés par un intérêt commun : partager les connaissances dont ils disposent sur un sujet précis.

Ce sont des réseaux d'échanges qui transcendent les divisions habituelles de l'entreprise : ils relient couramment des acteurs de business units différents, voire parfois d'entreprises différentes. Une communauté de pratique vit sa vie au loin des business unit : contrairement aux lignes métier, les communautés ne visent pas à exécuter des objectifs productifs, mais seulement à partager des connaissances.

Organismes auto-gérés
Les communautés de pratique ont donc une identité sociale propre, elles partagent des codes de communication communs (vocabulaire, habitudes, etc.). Elles utilisent sans étât d'âme les canaux de communication qui sont à leur disposition pour véhiculer les informations : ce peut être une discussion au cours d'une pause déjeuner, une coup de téléphone, une réunion, un outil de travail collaboratif, etc.

Ces mystérieuses entités sont dotées de leur propre système de régulation, de leurs propres leaders charismatiques, etc. Elles se constituent spontanément autour d'un centre d'intérêt commun, connaissent des débuts tempérés avant de bénéficier d'un pic d'activité.

Une ressource précieuse
Pour les entreprises dont la valeur repose sur la somme des connaissances, il est impératif de choyer ces communautés de pratique, plutôt que de les laisser dans l'ombre, ou de les combattre - explique en substance Etienne Wenger.

Ces lieux excellent en effet dans l'art du partage des connaissances : ses membres savent ce qui doit être communiqué, ils connaissent les dernières évolutions du thème traité, ils propagent l'information de façon vivante, en calibrant les réponses sur les demandes des autres membres. Les communautés de pratique permettent également de personaliser la communication, de donner une identité à la source d'information. Une bouée dans une mer d'informations, en somme.

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Qui plus est, les communautés de pratique sont capables de développer des points de vue qui transcendent les business units, et d'impulser des projets transversaux.

Autant de raison de leur offrir de bonnes conditions d'épanouissement. Le tableau suivant résume les conseils d'Etienne Wenger pour la création d'une atmosphère idéale.

La bonne gestion des communautés de pratique.
1 / Connaître
Constituer un service de veille

Pour contrôler, orienter et améliorer le fonctionnement des communautés de pratique, il faut se donner les moyens humains de les observer, et apprendre à connaître celles qui composent l'enteprise. L'équipe chargée du suivi des communautés de pratique ne sera pas très lourde à mettre en place, elle sera avant tout chargée de répertorier les communautés de pratiques, d'identifier leur mode de fonctionnement, et d'évaluer les retombées de leurs échanges d'informations. Un préalable indispensable avant toute action.

Mettre les acteurs en relation

L'entreprise gagnera à partager ces informations : les communautés de pratique ne sont pas toujours idéalement reliées aux acteurs de l'enteprise. Il faut donc mettre en relation chaque communauté avec les communautés qu'elle ignore, mais qui pourraient enrichir son fonctionnement. Il faut également informer les hommes qui pourraient apporter de la richesse à une communauté qu'une communauté de pratique existe. Il faut enfin développer des connexions plus efficaces entre les unités orientées métier et les communautés de pratique : les ponts entre les métiers et les connaissances sont parfois trop frêles. Ce travail optimisera le partage d'informations.

2 / Valoriser

Leur ménager une place symbolique

Il est souvent profitable de faire rentrer les communautés de pratique dans les valeurs de l'enteprise. Le fait de leur attribuer un nom, et d'en faire la publicité incitera les employés à en faire l'expérience, et à en tirer profit. Le fait de les présenter de façon élogieuse vaincra les réticences de certains.

Respecter les communautés existantes

Une communauté de pratique fonctionne de manière autonome. Dans la presque totalité des cas, elle réagira mal à une prise de contrôle extérieure. Etienne Wenger conseille donc aux managers de ne pas les orienter de façon autoritaire - depuis l'extérieur -, mais plutôt de les pénétrer par l'intérieur, et de soumettre chaque orientation au débat. E.Wenger souligne que la plupart des communautés fonctionnent très bien sans intervention extérieure, et qu'il faut la plupart du temps se retenir de les pénétrer.

De même, il faut respecter les communautés existantes, et éviter d'instaurer des systèmes de partage des connaissances depuis zéro, en ignorant les communautés de pratique déjà existantes. Ce serait commettre une double erreur : tout d'abord, les salariés pourraient s'en trouver contrariés. Qui plus est, un nouveau système de partage des connaissances a tout intérêt à s'appuyer sur les processus déjà existants, qui ne pourront rendre le système de partage final que plus efficace.

Récompenser

Il est difficile de mettre en place des systèmes de récompense. Cependant, Etienne Wenger estime qu'il faut tout de même essayer de renforcer certaines communautés de pratiques avec un tel générateur de motivation. Une astuce permet en effet de tempérer les réticences : il faut en effet glisser le débat sur la récompense de certains participants dans le coeur même de la communauté, et laisser ses acteurs en débattre.

3 / Aider
Libérer du temps

Pour renfocer la participation à certaines communautés de pratique, il faut permettre au salarié de dégager des fenêtres dans son emploi du temps. Ce qui implique de le dégager de certaines de ses obligations.

Eliminer les entraves

Les communautés de pratique entrent en conflit avec d'autres entités dans l'entreprise, dont les intérêts à courte vue divergent avec celui du partage de la connaissance. Il faut donc que l'équipe chargée de faire prospérer les communautés de pratique fasse sauter ces résistances l'une après l'autre. Ce qui implique de modifier la façon dont les agendas sont structurés, de sensibiliser l'encadrement, et d'intervenir en cas de conflit.

Donner des moyens matériels

C'est l'un des rôles majeurs de l'équipe qui suit les communautés de pratique : aménager des conditions matérielles propices à l'épanouissement de ces communautés. Ce qui passe par la fourniture de salles de réunion, le financement de voyages, et bien sûr la mise à disposition de logiciels de travail collaboratif et de KM, avec le support technique et la maîtrise d'ouvrage qui les accompagnent. Mentionnons aussi l'utilité de la mise à disposition d'une expertise en terme d'organisation des communautés de pratique, à laquelle elles pourront faire appel si elles le désirent.

[Nicolas Six, JDNet]
 
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