TRIBUNE 
La chaîne de valeur support de l'avantage concurrentiel
par André Leynaud
BPMS.info (25 juin 2003)
         
 
Au début des années 80, constatant la domination du marché du Conseil par les cabinets américains, nous avions décidé de fusionner Gamma International, avec le groupe HAY. Cette fusion m’a donné l’occasion d’aller souvent aux USA et de rencontrer de nombreux professionnels du management, parmi lesquels Richard Nolan réputé pour ses visions novatrices de l’informatique qu’il considérait comme un facteur majeur de renouvellement des stratégies d’entreprises. Il citait à l’appui de sa thèse, l’exemple d’American Hospital Supply (AHS) qui avait doublé sa part de marché en intégrant tout simplement ses clients à son système d’information.

American Hospital Supply, vendait (vend toujours je suppose) des matériels techniques et domestiques aux hôpitaux. Sa part de marché stagnait autour de 40% depuis plusieurs années ce qui préoccupait ses dirigeants. L’Amérique connaissait alors une période d’inflation et la fréquence des augmentations de tarifs était supérieure à celle de refonte du catalogue qui, de ce fait, n’était jamais à jour. Les acheteurs des hôpitaux s’en plaignaient comme ils se plaignaient des ruptures de stocks et des livraisons partielles inévitables dans ce type d’activité. AHS eut alors l’idée d’installer sur les bureaux des acheteurs d’hôpitaux, des terminaux analogues à ceux qu’elle utilisait dans ses propres services. Les acheteurs pouvaient ainsi commander en direct, réserver sur stock, calculer instamment les engagements de dépenses. Quant aux commerciaux d’AHS, ils n’avaient plus à saisir les commandes et n’étaient plus encombrés par les innombrables réclamations de leurs clients. En quelques mois la part de marché d’AHS avait doublé.

J’ai été comme les Américains à l’époque, inspiré par cette histoire et dès mon retour en France je me suis attaqué, avec une équipe de trois ingénieurs, à la recherche de nouveaux cas. Nous en avons inventorié, analysé et synthétisé 200. Nous avons visité les plus intéressants et découvert que la plupart des réussites n’avaient pas fait long feu. Dans tous les cas la raison était la même : la chaîne de valeurs n’avait pas suivi l’évolution de l’offre.

Dans une offre orientée « service », la chaîne de valeur conditionne en permanence la création de l’avantage concurrentiel. Chez GrandOptical par exemple, le client voit en même temps : les montures, l’opticien et la chaîne de montage qui le livrera en une heure. Si la chaîne de montage était défaillante ou déconnectée de l’offre, l’effet de différenciation disparaîtrait.

Dans une offre orientée « produit » au contraire, l’avantage concurrentiel repose sur le produit lui-même. C’est sa conception et non sa réalisation qui est porteuse de l’avantage concurrentiel. On peut donc installer la chaîne de valeur en Chine et vendre le produit en France, sans que cela nuise à la performance concurrentielle de l’offre.

Les entreprises qui changent de mode de différenciation, passant en général du produit au service, doivent donc réfléchir simultanément à l’offre nouvelle mais aussi à la chaîne de valeurs qui portera son avantage concurrentiel. C’est un moment délicat pour les dirigeants qui doivent changer non seulement d’offre mais aussi de culture.

La solution que j’ai finalement retenu, après plusieurs années de tâtonnements, a consisté à réunir les principaux responsables de la chaîne de valeurs (9 à 15 personnes) dans un « groupe de travail » présidé par l’un de ses membres, le consultant s’ajoutant à ce groupe pour représenter le « client ». Le consultant ne connaît rien au produit (ne doit rien connaître au produit), mais doit être un professionnel du service, c’est-à-dire de la culture opposée à celle des autres membres du groupe.

Le consultant installe alors son « camp de base » au point de contact offre-client, là où les clients s’approprient l’offre actuelle l’entreprise. Il discute avec chacun, les regarde autant que possible en situation d’usage du produit et teste auprès d’eux les idées de services susceptibles de les séduire. Il réunit chaque vendredi, dès la première semaine, le groupe de travail et présente sa vision du modèle tel qu’il l’imagine après quatre jour au point de contact. La discussion est en général houleuse mais le plus souvent constructive. Le consultant repart alors sur un autre camp de base, toujours au point de contact et ainsi de suite pendant cinq à six semaines, à l’issue desquelles les grandes lignes du modèle sont dessinées avec le consensus du groupe qui a participé à chaque étape de sa conception.

La Direction Générale ne participe pas au groupe de travail, mais reçoit les projets successifs. Elle peut ainsi réagir sans pour autant perturber le groupe.

Le projet qui sort du groupe de travail au bout de six semaines, comporte la définition de l’offre service destinée à encapsuler le produit et les processus leaders qui concourent à sa réalisation. Nous appelons processus leaders ceux qui aboutissent au point de contact offre-client et conditionnent directement la réalisation de l’effet de différenciation. Les autres processus, qui alimentent les processus leaders, sont appelés « processus feeders ».

Le projet final consiste alors à affiner l’offre service et surtout à construire dans le détail les différents processus:
- Cartographier les processus « leaders » et « feeders »;
· Définir les acteurs opérationnels intervenants sur les processus;
· Définir les ressources humaines et techniques nécessaires aux acteurs;
· Définir précidément les indicateurs de performances qu’ils doivent respecter;
· Concevoir le système d’information;
· Etablir tableau de bord qualité, destiné au contrôle et à la maîtrise des performances à respecter par les acteurs pour obtenir l’effet concurrentiel escompté au point de contact offre-client.

 

 
 André Leynaud
 
 
 

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