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Au
début des années 80, constatant la domination
du marché du Conseil par les cabinets américains,
nous avions décidé de fusionner Gamma International,
avec le groupe HAY. Cette fusion ma donné
loccasion daller souvent aux USA et de rencontrer
de nombreux professionnels du management, parmi lesquels
Richard Nolan réputé pour ses visions novatrices
de linformatique quil considérait comme
un facteur majeur de renouvellement des stratégies
dentreprises. Il citait à lappui de
sa thèse, lexemple dAmerican Hospital
Supply (AHS) qui avait doublé sa part de marché
en intégrant tout simplement ses clients à
son système dinformation.
American Hospital Supply,
vendait (vend toujours je suppose) des matériels
techniques et domestiques aux hôpitaux. Sa part
de marché stagnait autour de 40% depuis plusieurs
années ce qui préoccupait ses dirigeants.
LAmérique connaissait alors une période
dinflation et la fréquence des augmentations
de tarifs était supérieure à celle
de refonte du catalogue qui, de ce fait, nétait
jamais à jour. Les acheteurs des hôpitaux
sen plaignaient comme ils se plaignaient des ruptures
de stocks et des livraisons partielles inévitables
dans ce type dactivité. AHS eut alors lidée
dinstaller sur les bureaux des acheteurs dhôpitaux,
des terminaux analogues à ceux quelle utilisait
dans ses propres services. Les acheteurs pouvaient ainsi
commander en direct, réserver sur stock, calculer
instamment les engagements de dépenses. Quant
aux commerciaux dAHS, ils navaient plus
à saisir les commandes et nétaient
plus encombrés par les innombrables réclamations
de leurs clients. En quelques mois la part de marché
dAHS avait doublé.
Jai été
comme les Américains à lépoque,
inspiré par cette histoire et dès mon
retour en France je me suis attaqué, avec une
équipe de trois ingénieurs, à la
recherche de nouveaux cas. Nous en avons inventorié,
analysé et synthétisé 200. Nous
avons visité les plus intéressants et
découvert que la plupart des réussites
navaient pas fait long feu. Dans tous les cas
la raison était la même : la chaîne
de valeurs navait pas suivi lévolution
de loffre.
Dans une offre orientée
« service », la chaîne de valeur
conditionne en permanence la création de lavantage
concurrentiel. Chez GrandOptical par exemple, le
client voit en même temps : les montures, lopticien
et la chaîne de montage qui le livrera en une
heure. Si la chaîne de montage était défaillante
ou déconnectée de loffre, leffet
de différenciation disparaîtrait.
Dans une offre orientée
« produit » au contraire, lavantage
concurrentiel repose sur le produit lui-même.
Cest sa conception et non sa réalisation
qui est porteuse de lavantage concurrentiel. On
peut donc installer la chaîne de valeur en Chine
et vendre le produit en France, sans que cela nuise
à la performance concurrentielle de loffre.
Les entreprises qui changent
de mode de différenciation, passant en général
du produit au service, doivent donc réfléchir
simultanément à loffre nouvelle
mais aussi à la chaîne de valeurs qui portera
son avantage concurrentiel. Cest un moment délicat
pour les dirigeants qui doivent changer non seulement
doffre mais aussi de culture.
La solution que jai
finalement retenu, après plusieurs années
de tâtonnements, a consisté à réunir
les principaux responsables de la chaîne de valeurs
(9 à 15 personnes) dans un « groupe de
travail » présidé par lun
de ses membres, le consultant sajoutant à
ce groupe pour représenter le « client
». Le consultant ne connaît rien au produit
(ne doit rien connaître au produit), mais doit
être un professionnel du service, cest-à-dire
de la culture opposée à celle des autres
membres du groupe.
Le consultant installe
alors son « camp de base » au point de contact
offre-client, là où les clients sapproprient
loffre actuelle lentreprise. Il discute
avec chacun, les regarde autant que possible en situation
dusage du produit et teste auprès deux
les idées de services susceptibles de les séduire.
Il réunit chaque vendredi, dès la première
semaine, le groupe de travail et présente sa
vision du modèle tel quil limagine
après quatre jour au point de contact. La discussion
est en général houleuse mais le plus souvent
constructive. Le consultant repart alors sur un autre
camp de base, toujours au point de contact et ainsi
de suite pendant cinq à six semaines, à
lissue desquelles les grandes lignes du modèle
sont dessinées avec le consensus du groupe qui
a participé à chaque étape de sa
conception.
La Direction Générale
ne participe pas au groupe de travail, mais reçoit
les projets successifs. Elle peut ainsi réagir
sans pour autant perturber le groupe.
Le projet qui sort du groupe
de travail au bout de six semaines, comporte la définition
de loffre service destinée à encapsuler
le produit et les processus leaders qui concourent à
sa réalisation. Nous appelons processus leaders
ceux qui aboutissent au point de contact offre-client
et conditionnent directement la réalisation de
leffet de différenciation. Les autres
processus, qui alimentent les processus leaders, sont
appelés « processus feeders ».
Le projet final consiste
alors à affiner loffre service et surtout
à construire dans le détail les différents
processus:
- Cartographier les processus « leaders »
et « feeders »;
· Définir les acteurs opérationnels
intervenants sur les processus;
· Définir les ressources humaines et techniques
nécessaires aux acteurs;
· Définir précidément les
indicateurs de performances quils doivent respecter;
· Concevoir le système dinformation;
· Etablir tableau de bord qualité, destiné
au contrôle et à la maîtrise des
performances à respecter par les acteurs pour
obtenir leffet concurrentiel escompté au
point de contact offre-client.
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