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ANALYSE |
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Des nanotechnos aux nouvelles technos |
Le nanomètre, c'est l'ordre de grandeur de la taille des molécules et de leurs atomes : les débouchés de leur manipulation précise n'oublient pas les nouvelles technologies, notamment la microélectronique.
(25/11/2004)
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Pas d'informatique quantique sans accès aux échelles de "l'infiniment petit", soit - de manière plus exacte et précise - de l'ordre du millardième de mètre, ce que désigne le terme "nanomètre".
Mais la très active recherche dans le domaine des fameuses nanotechnologies n'est pas limitée à la construction d'un (encore lointain) ordinateur quantique, tout comme d'ailleurs les nanotechnologies ne se limitent pas, loin de là, à produire des applications informatiques.
Pourtant c'est bien dans la microélectronique que les sommes allouées aux laboratoires sont les plus conséquentes :
se développent ainsi notamment des pistes enthousiasmantes pour la miniaturisation sans cesse croissante des processeurs, faisant intervenir en particulier le carbone sous forme de nanotubes.
Quelques données pour fixer les idées. Le chiffre d'affaires (lié aux nanotechnologies) anticipé par le gouvernement américain pour l'industrie électronique aux Etats-Unis s'élèverait à 300 milliards de dollars en 2010. Toutes disciplines confondues, en Europe cette fois, c'est 1,3 milliard d'euros qui a été alloué au volet nanotechnologies du 6e Programme Communautaire de Recherche et Développement (PCRD) qui couvre la période 2003-2008.
De quoi caractériser un marché d'une réelle ampleur. Ironie du sort pour des débouchés si grands, le terme "nano" est dérivé du grec "nannos" qui signifie... nain.
Les nanotechnologies se définissent d'ailleurs simplement : elles désignent toute technique de création/utilisation de matériaux et appareils directement en contrôlant la matière à l'échelle du nanomètre, soit donc à l'échelle moléculaire, d'où l'appellation parfois rencontrée de "technologies moléculaires". Ces matériaux/appareils ont l'avantage d'être de masse très faibles pour une consommation d'énergie qui peut être quasi-nulle (on aboutit donc à des structures pratiquement inusables).
Des nanotubes déformables mais incassables, extraodinairement fins |
Tout l'enjeu est alors d'industrialiser leur production, à savoir passer d'un processus de fabrication qui traite les atomes statistiquement à un processus qui les manipule quasi-individuellement pour les organiser en réseaux spécialisés.
Il s'agit là d'un véritable défi :
cela revient à recomposer des molécules (soit reproduire leur arrangement précis), mais aussi à favoriser la réplication à grande échelle de ce qui a été produit, sans inflation des coûts.
Toutes ces manipulations sont aujourd'hui, de fait, extrêmement coûteuses au stade de la recherche, mais pourraient devenir au contraire relativement bon marché avec les progrès de la robotique moléculaire, à savoir des machines ayant elles-mêmes les dimensions des molécules.
Revenons aux nanotubes : le matériau est ici le carbone, on l'utilise pour former un tube (pour donner une idée, ce tube est plusieurs dizaines de milliers de fois plus fin qu'un cheveu) d'une solidité extrême (on parle de 10 fois la solidité de l'acier) malgré une élasticité très avantageuse (en clair, pliez-le, déformez-le, il ne se cassera pas).
Parmi ses applications possibles la réalisation de transistors organiques repoussant les limites du silicium (pour l'heure, les transistors sont gravés par échauffement, à l'aide de la focalisation de la lumière sur une surface microscopique : la longueur d'onde de la lumière incidente - 90 nanomètres pour le Pentium 3,4 Ghz - est ainsi la limite basse de la taille du transistor), de circuits de refroidissement de composants, d'équivalent du disque dur par des fils magnétiques nanoscopiques servant à stocker l'information, d'écrans plat de meilleure qualité et à meilleur marché...
Des nanorobots autoreproductibles ? |
Reste, encore une fois, à maîtriser non seulement leur production unitaire mais encore leur industrialisation et leur agencement et/ou alignement au sein de dispositifs plus complexes. Aujourd'hui, le coût d'une usine de production de processeurs, par exemple, est presque deux fois plus élevé qu'il y a dix ans, où il était de l'ordre de 1,2 milliard d'euros. L'utilisation de nanotechnologies doit aussi permettre de freiner cette augmentation, voire de réduire la facture.
Autre application marquante des nanotechnologies qui nous concerne dans le cadre de ce dossier, les fullerènes. Là encore, ce sont des molécules organiques car elles se composent de carbone (60 atomes pour être précis, formant une structure creuse qui ressemble à celle d'un ballon de football - par comparaison, le nanotube de carbone se caractérise par une forme cylindrique).
Synthétisées depuis le milieu des années 80, ces molécules sont extraordinairement stables, ce qui en font de bons candidats pour fabriquer des batteries (sous forme de piles à combustible, convertissant donc l'énergie chimique d'une combustien en énergie électrique) à destination des ordinateurs portables ou des téléphones mobiles.
Parlons aussi l'idée du transistor à ADN, dont le principe consiste à utiliser des enzymes spécifiques pour transformer une séquence génétique représentant la valeur 0 en une séquence génétique représentant la valeur 1. Problème : cette transformation prend plus de temps que son équivalent électrique. Avantage : elle peut s'opérer simultanément sur un très grand nombre de molécules.
Evoquons brièvement par ailleurs la spintronique (lire l'article du 27/04/2004), l'une des sous-disciplines des nanotechnologies, qui vise à contrôler le spin des électrons et trouve son application dans les mémoires vives magnétiques. Celles-ci permettrait de conserver en mémoire les informations même si l'ordinateur est éteint, en maintenant pour autant la rapidité d'accès qui sépare la RAM d'un système de stockage longue durée.
Enfin, ne taisons pas la controverse, dernier avatar de l'idée de science sans conscience, qui a jailli avec le développement des nanotechnologies : ces recherches ne va t-elle pas conduire à une dérive prométhéenne, mue par le sentiment que le scientifique manipule directement la nature ?
Verra-t-on le jour où (dans quelques dizaines d'années) les nanomolécules spécialisées créées par l'homme pourront s'autorépliquer, porte ouverte, dans l'imaginaire tout au moins, à toutes les angoisses d'un développement autonome de "nanorobots" échappant à tout contrôle ?
Exagérations ou avertissements par précaution, ces préoccupations sont avant tout le signe du crédit donné à la recherche en nanotechnologies. |
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