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Loïc Dachary (FSF France) : "La licence GPL interdit la distribution de logiciels dérivés sous licence propriétaire"
Le trésorier de la Free Software Foundation France clarifie ici les mécanismes d'intégration de portions de code source libres au sein de logiciels tiers non GPL et vice-versa.  (21/12/2004)
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Dossier Logiciels libres / Open Source
Faisant suite à notre article du 24 novembre dernier sur la possible sortie en 2005 d'une version 3 de la licence GNU GPL, le trésorier de la FSF France (Free Software Foundation) apporte ici certains points de précision sur le caractère non-contaminant de la licence GPL.

JDN Solutions. Quel est le mécanisme prévu par la licence GNU GPL quand des portions de code source libres sont intégrées dans un logiciel tiers non GPL, et vice-versa ?
Loïc Dachary. L'auteur d'un logiciel choisissant de publier son oeuvre originale sous licence GNU GPL exprime ainsi les droits qu'il offre à tous. Au contraire d'un auteur publiant sous licence propriétaire, il permet à l'humanité de faire ce que bon lui semble. A une seule condition : ne pas nier cette liberté aux autres.

Concrètement, cela signifie que si vous obtenez un logiciel sous licence GNU GPL, il vous est explicitement interdit de le distribuer sous une licence plus restrictive. L'auteur d'un logiciel sous GNU GPL dit sans ambiguïté qu'il n'est pas dans ses intentions de voir son oeuvre distribuée par d'autres à des conditions moins libérales. Si vous créez un logiciel dérivé d'un logiciel propriétaire d'une part et d'un logiciel sous GNU GPL d'autre part, vous serez dans l'impossibilité de le distribuer. La licence propriétaire et la licence GNU GPL ont des termes contradictoires et distribuer un tel hybride vous amènerait à contrevenir aux termes de l'une ou de l'autre.

La section 2b de la licence GNU GPL exprime cela en termes juridiques. A travers elle l'auteur dit que si vous avez reçu une copie du logiciel "vous devez prendre les dispositions nécessaires pour que tout ouvrage que vous distribuez ou publiez et qui, en totalité ou en partie, contient ou est fondé sur le Programme - ou une partie quelconque de ce dernier - soit concédé comme un tout, à titre gratuit, à n'importe quel tiers, au titre des conditions de la présente Licence". C'est la traduction en français de "You must cause any work that you distribute or publish, that in whole or in part contains or is derived from the Program or any part thereof, to be licensed as a whole at no charge to all third parties under the terms of this License".

Si vous êtes dans l'impossibilité de vous conformer à cette obligation, alors il ne vous est pas permis de distribuer une oeuvre dérivée du logiciel sous GNU GPL, comme le rappelle la section 4 de la GNU GPL : "vous ne pouvez copier, modifier, concéder en sous-licence, ou distribuer le Programme, sauf tel qu'expressément prévu par la présente Licence", soit en anglais : "You may not copy, modify, sublicense, or distribute the Program except as expressly provided under this License". En bref, le mécanisme prévu par la licence GNU GPL est d'interdire la distribution de logiciels dérivés sous licence propriétaire.

Avec la GNU GPL, le titulaire des droits sur un logiciel se trouvant incorporé dans un programme libre se voit-il appliquer, au mépris de l'article 1165 du Code civil *, les stipulations d'un contrat auquel il n'aurait pas souscrit ?
Non. Les termes de la GNU GPL ne peuvent être interprétés dans ce sens et ils n'ont pas été rédigés avec cette intention. Seuls deux juristes francophones, Christophe Caron et Paul Van den Bulck ont soutenu l'existence de cette aberration juridique.

Christophe Caron dans un article au Dalloz de juin 2003 - no 23, 1556-1559 - écrivait : "en d'autres termes, le titulaire des droits sur un logiciel qui se trouve incorporé dans un programme libre est censé se voir appliquer, au mépris de l'article 1165 du code civil, les stipulations d'un contrat auquel il n'a pas souscrit".

Il est cependant difficile d'accorder du crédit à un raisonnement qui dit explicitement comprendre (cf section 2 de la GNU GPL) :

... as part of a whole which is a work based on the Program, the distribution of the whole must be on the terms of this License, whose permissions for other licensees extend to the entire whole, and thus to each and every part regardless of who wrote it.

comme signifiant :
... comme partie d'un ensemble cohérent dont le reste est basé sur un Programme soumis à la Licence, ils lui sont également soumis, et la Licence s'étend ainsi à l'ensemble du produit, quel qu'en soit l'auteur.

alors qu'une traduction plus fidèle serait :
... comme partie d'un tout, lequel constitue un ouvrage fondé sur le Programme, la distribution de ce tout doit être soumise aux conditions de la présente Licence, et les autorisations qu'elle octroie aux autres concessionnaires s'étendent à l'ensemble de l'ouvrage et par conséquent à chaque et toute partie indifféremment de qui l'a écrite.

La différence essentielle ici tient finalement à peu de chose : la traduction incorrecte prétend que la GNU GPL "soumet" les parties indépendantes, qu'elle prétend en changer la licence, d'un tout soumis à la GNU GPL alors que la version anglaise ou la traduction plus fidèle de ce paragraphe ne disent rien de tel. Elles se bornent à expliciter ce que dit l'article 2b commenté plus haut. J'admets volontiers que pour le néophyte tout cela est assez obscur. Mais le juriste est censé ne pas s'égarer dans ces méandres au risque de voir sa réputation ternie.

Paul Van den Bulck a repris la conclusion de Christophe Caron dans un article de JDN Solutions publié le 24 novembre 2004. A l'issu d'un débat sur la liste de diffusion de la FSF France et d'un examen plus attentif de la licence GNU GPL, il a reconnu avoir été induit en erreur. Le passage a été supprimé de l'article à sa demande et son repentir contribue à l'extinction de la légende. Il est probable que l'article de Christophe Caron et la réputation de sérieux du Dalloz continuent à semer la confusion en propageant de fausses conclusions. A ma connaissance il n'est pas dans leurs intentions de publier un erratum.

Y a-t-il des différences entre la version originale de la licence GNU GPL et certaines de ses traductions, notamment en français ?
La licence GNU GPL est une oeuvre de l'esprit dont il est difficile de contester l'originalité. Elle a fait l'objet de thèses dans le monde entier et reste un sujet d'actualité plus de quinze ans après sa première publication. Étant une oeuvre originale, la GNU GPL est donc protégée par le droit d'auteur et ses traductions doivent être autorisées par l'auteur. La Free Software Foundation qui détient les droits d'auteurs de la GNU GPL n'a pas autorisé de traduction à ce jour et je pourrais détailler les raisons de ce refus à l'occasion.

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Au regard de la loi, toutes les traductions de la licence GNU GPL actuellement disponibles sur Internet sont donc des contrefaçons. Cependant, la Free Software Foundation dit publiquement qu'elle ne poursuivra pas les auteurs de telles traductions, à condition que leur caractère non officiel soit parfaitement clair. La majorité des traductions n'ayant pas été faite par des traducteurs ni par des juristes, il est assez naturel qu'elles contiennent des contresens.

* L'article 1165 du Code civil précise notamment que "les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers".
 
 
Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions
 
 
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