Stéphane
Menguy, consultant en gestion de parc pour LM Gestion |
Laurent Blondon, directeur
de l'activité migration pour la SSII Sodifrance |
JDN Solutions : Quel est le facteur essentiel d'un projet de migration ?
Stéphane
Menguy : Il vient toujours d'un besoin
exprimé par le service client concerné. Le point essentiel
dès lors, c'est d'avoir identifié ce besoin, savoir d'où on
part et où on va. Les deux personnes les plus importantes
sur la période d'avant-projet sont la DSI d'une part qui représente
la partie technique, la direction financière d'autre part
car c'est elle qui limite ou bloque la migration. Après seulement
vient la direction générale. La première chose à faire alors revient à déterminer quel
sera le nouveau produit, qu'est ce qu'il nécessite en terme
d'infrastructure réseau ou matérielle, et qu'est ce qu'il
apporte de plus. Même dans le cas d'une migration imposée,
il faut s'interroger sur ce qu'apportera le produit en plus.
Laurent Blondon : Pour notre part nous avons développé une certaine
expertise dans la migration d'applications historiques.
Ce sont des applications qui ont dix à vingt ans d'existence
et qui constituent le socle logiciel des grands comptes. Souvent
alors, c'est une rupture technologique qui engendre la migration.
Comme ces socles logiciels traitent beaucoup de données, entre
10 000 à 20 000 programmes généralement non documentés, ces
migrations présentent une grande complexité. Dès lors le facteur essentiel, c'est la maîtrise de l'existant.
Il faut amener cet ensemble vers la cible dans les délais
convenus. Ces migrations n'ont pas d'intérêt du point de vue
fonctionnel, il s'agit juste de remplacer un socle par un
autre. Et il vaut mieux ne pas mélanger les genres.
Comment se déroule la migration
de ce type de projet ?
LB : On procède de manière très automatisée. Après avoir terminé
l'analyse des besoins et dressé la cartographie de l'existant,
nous découpons le projet en lot puis chaque lot est ensuite
réalisé en parallèle afin de terminer le projet dans des délais
raisonnables. Tout ceci peut se faire de façon automatisée.
L'étape suivante se déroule avec le client. Il faut alors
définir les spécifications précises de la migration et lister
les complexités. Le client se retrouve alors à choisir entre
une migration simple où l'enjeu est de sortir de son ancienne
technologie à tout prix ou bien une migration plus complexe
qui donne lieu à une réévaluation du modèle de données.
"Il
faut se poser la question de l'après migration" - Laurent Blondon |
Quel est le point déterminant
qui va arbitrer entre migration et réécriture de code ?
LB : Le critère important, c'est le volume. Plus il est riche,
plus la réécriture est risquée. A partir du moment où le volume
diminue, l'optique refonte devient intéressante. Il faut avoir
des iscussions avec les maîtrises d'ouvrages sur cette question.
Si l'entreprise prend la décision de migrer mais qu'après
il faut faire des évolutions majeures, ça ne se justifie pas,
mieux vaut réécrire l'application. Il faut aussi se poser
la question de l'après migration.
Comment
et quand doit-on intégrer les utilisateurs ?
SM : Lors de l'étude préalable, il est envisageable de contacter
les utilisateurs mais il vaut mieux ne pas trop le faire.
L'idée, c'est de comprendre les problématiques auxquels ils
sont confrontés. Si le processus de migration n'a pas été
initié par les utilisateurs, les introduire dans la phase
d'étude préalable complexifie le problème car ils veulent
introduire de nouvelles choses. Il vaut mieux ne pas faire
de promesses mais écouter leurs attentes.
"Avant
tout, il faut mettre l'accent sur la technique" - Stéphane Menguy |
Mais alors comment s'assurer de
l'adoption de l'outil ?
SM: Je préfère toujours faire en sorte que les utilisateurs ai
déjà testé le produit pour de faux. Chez les américains, ils
font ça avec un laboratoire de déploiement presque aussi complexe
que l'architecture cible. Pour les équipes de migration, l'enjeu
est de se former et d'anticiper les problèmes avant l'heure.
Intégrer des équipes de production peut se révéler intéressant
dans ce cadre. Mais là encore, ça dépend de la taille de l'entreprise et
de sa philosophie. En général, les équipes de production ont
un rôle consultatif. Il n'est pas obligatoire de les intégrer
de bout en bout dans le processus de migration mais de toute
façon, il ne faut pas exclure la technique.
Comment un DSI doit il gérer ses
relations entre ses différents partenaires ?
LB : Le premier problème en matière de communication va être de
réussir à vendre le projet aux maîtrises d'ouvrage. Souvent
lorsqu'il s'agit d'une simple migration, il n'y a pas de gain
direct pour eux. Il est généralement possible de mettre en
avant la valeur ajoutée business du projet qui peut être la
conquête de nouveaux clients ou de nouveaux partenaires par
exemple. Du fait de ce manque d'implication de la maîtrise d'ouvrage,
il vaut mieux que les projets soient fait rapidement. Au niveau
de la recette, il faudra montrer aux utilisateurs qu'il n'y
a pas de régression fonctionnelle ou de régression en termes
de performances. Leur implication dans la migration n'est
nécessaire que pour établir les bons jeux de tests.
Bien gérer ses relations, est-ce
l'essentiel ?
SM : La communication n'est pas forcément l'élément clé d'une migration
réussie. L'essentiel, c'est qu'il y ait au moins une personne
qui voit le processus de bout en bout. Cette personne doit
être capable de choisir un produit, de l'installer, de savoir
quels vont être les plus gros problèmes et comment les éviter
mais aussi savoir remplacer ce quoi doit l'être. Avant tout,
il faut que ça marche ce qui signifie mettre l'accent sur
la technique. Après, que tout le monde soit content, ce n'est pas l'essentiel.
A la direction financière de dire si le projet de migration
est possible ou non. La direction générale, elle, ce qui l'intéresse
c'est combien ça va coûter et combien de temps ça va prendre.
Au directeur informatique de bien planifier sa migration et
de prévenir les personnes concernées à chaque étape du projet.
"Il
est parfois plus sain de repartir à zéro
que de migrer" |
Dans quelle mesure vaut-il mieux
repartir de zéro plutôt que de migrer ?
SM : C'est très variable. Quand il s'agit de développement d'applications,
il est parfois plus sain de repartir de zéro mais ça coûte
plus cher. L'équipe part sur de nouvelles technologies, dispose
de plus de souplesse et bien souvent elle préfère cela à la
reprise d'un ancien code. De plus, il y a rarement de la documentation
disponible sur l'ancien code. En matière de migration de système d'exploitation, deux solutions
existent. La première consiste à changer de machine en même
temps que d'OS. Il est plus facile de déterminer quels seront
les services à installer. Avec une mise à jour sans remplacement
de machines, si un problème survient longtemps après sur une
application quelconque, on ne saura jamais si cela vient ou
non de la migration.
Quels sont les problèmes majeurs
rencontrés lors de ce type de projet ?
SM : Le problème le plus récurrent, c'est la perte de données ou
la fonction qui ne marche plus. Pour éviter cela, il faut
bien tracer les procédures à migrer au niveau du laboratoire
de tests qui doit se faire le plus en amont possible.
|