Pierre Muller est webmestre du site recul-democratique.org.
Sur son site, il met en exergue les dangers que représentent
le recours au vote électronique pour la transparence
d'une élection. Il explique son point de vue suite à
notre analyse sur l'e-vote
(lire l'article
du 27/05/2005)
JDN Solutions. Quel bilan faites-vous
de l'utilisation des machines électroniques lors des élections
françaises ?
Pierre
Muller. Le bilan est assez mauvais. Tout d'abord parce
qu'il n'y a pas eu de débat citoyen sur l'utilisation ou non
de ces machines. Aujourd'hui, les avantages d'un tel système
sont flous, ceux qui nous ont été présentés - à savoir l'économie
de personnel pour le dépouillement et d'argent - restent à prouver
et peuvent en tout cas être résolus autrement.
Dans
le cas du dépouillement notamment, il existe des solutions
de lecture optique des bulletins de vote. Pour économiser
du personnel, si vraiment il y a ce besoin, qu'il faudrait
d'abord démontrer, il existe d'autres moyens organisationnels
d'y arriver. Par exemple, en centralisant le dépouillement
dans un seul bureau de vote puis en utilisant des appareils
à lecture optique. Cette solution a été tentée en Belgique.
Pour l'intérêt financier du vote électronique, il faut d'abord
nous montrer clairement les coûts d'une élection papier pour
savoir de quoi il retourne. Ce retour financier doit aussi
prendre en compte les nouveaux aspects sécuritaires liés à
cette machine. De plus, les dernières élections en Belgique
montrent que le gain de temps obtenu lors de la préparation
du scrutin a été annulé par le temps de vote lui même. Cela
s'explique notamment par le fait qu'une seule machine remplace
plusieurs isoloirs.
Faut-il ouvrir le code source
de ces machines électroniques ?
"Actuellement,
aucune solution agréée par l'Etat n'est
Open Source" |
Tout d'abord, je ne suis pas d'avis qu'il soit nécessaire
de recourir à des systèmes de vote électronique. Mais si vraiment
cela s'avère un mal nécessaire, alors il faut une expertise
des logiciels. Actuellement, parmi les trois solutions agréées
par l'Etat, aucune n'est Open Source. Théoriquement, les règles
du logiciel libre et de l'Open Source devraient s'appliquer
pour que tout le monde ait accès au fonctionnement de l'outil,
ce qui se fait en Australie par l'intermédiaire du logiciel
Evacs.
En Irlande, le gouvernement a désigné un comité d'études
indépendant chargé d'évaluer l'impact des machines à voter
électroniques. Cette commission, qui a examiné les produits
du constructeur Nedap aujourd'hui commercialisé en France,
en a déconseillé l'usage. Dans une urne transparente, il est
facile de constater qu'aucun bulletin n'a été inséré avant
le début du scrutin ce qui n'est pas le cas d'un boîtier électronique,
surtout si son code n'est pas disponible à tous.
Quelles autres solutions préconisez-vous
pour améliorer la transparence du e-vote ?
Aux Etats-Unis, plusieurs Etats poussent à l'impression d'un
bulletin de vote. Certaines machines Indra offrent une confirmation
de vote mais ce n'est qu'une confirmation et non pas ce que
l'électeur a voté. Par conséquence, seule la vérification
sur le nombre de votes est possible, pas sur le type du vote.
Il faut donc une impression d'un bulletin de vote papier que
le citoyen peut contrôler et qui est automatiquement
mis dans l'urne après vérification afin de permettre
un recomptage manuel si besoin.
"Il
faut une impression d'un bulletin de vote standard pour
permettre un recomptage papier" |
En complément à ce système de bulletin, une solution possible
d'amélioration continue du système consisterait à choisir
aléatoirement des bureaux de vote pour effectuer un rapprochement
entre comptage manuel et électronique. Cela limiterait les
tentatives de fraudes et alerterait les éditeurs sur les dysfonctionnements
possibles de leurs solutions.
Le dernier problème relève de la certification. Aujourd'hui,
avant commercialisation, les machines doivent être agréées.
La faiblesse dans tout processus de certification, vient du
fait qu'il faut pouvoir s'assurer par la suite que toutes
les machines déployées ont bien été certifiées et non seulement
le modèle présenté lors de l'étape de validation. Cette tâche
ne doit pas incomber au constructeur.
En Belgique, les sociétés envoient le code source de leurs
logiciels à l'Etat avant le scrutin. L'Etat se charge lors
du scrutin de vérifier aléatoirement des bureaux de vote pour
contrôler que l'image des logiciels présents sur les machines
correspond bien à celle déposée. Ceci montre bien la nécessité
de sécuriser la procédure au maximum, ce qui revient à se reposer
la question de l'intérêt du vote électronique par rapport
au vote papier.
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