INTERVIEW 
 
Emmanuel Leprince
Délégué général
Comité Richelieu
Emmanuel Leprince
"Nous souhaitons la mise en place d'un véritable Plan PME"
Le Comité Richelieu s'est constitué pour représenter l'intérêt des PME innovantes. Cette association dénonce la difficulté de ces entreprises à faire entendre leur voix face aux acteurs plus établis. Son fondateur, Emmanuel Leprince, a répondu aux questions des lecteurs.
26/10/2006
 
   
  Nous travaillons avec certains des pôles à vocation mondiale "

Quelle est l'origine du Comité Richelieu ? Qui l'a créé ?
Emmanuel Leprince Le Comité Richelieu a été créé en 1989 par 3 dirigeants de PME et par moi-même, dans le but de renforcer les relations entre les PME innovantes françaises et les grands comptes qui sont, ou devraient être, leurs clients.

Menez-vous des actions avec les pôles de compétitivités ?
Question directe... Réponse : oui. Nous travaillons avec certains des pôles à vocation mondiale. Objectif : y faciliter la participation des PME innovantes.

Quelles nouvelles technologies ? Télécoms ? Biométrie ? Nanotechnologie ?
Oui, et également la santé, les biotechnologies, les technologies de l'information, l'énergie... Nous regroupons des PME "transverses", ou "en râteau", qui maîtrisent une technologie pour servir de nombreux domaines. Contrairement aux grands comptes dont les divisions fonctionnent généralement "en abat-jour", c'est-à-dire en regroupant différentes technologies pour servir un seul marché.

Les PME innovantes ont-elles réellement bénéficiées de ces pôles de compétitivité ?
Je crois que la question cruciale est aussi : les PME vont-elles en profiter ? Les pôles sont des structures récentes montées assez souvent très rapidement par des grandes entreprises. D'où, pour certains d'entre eux, un certain biais en faveur de ces grands groupes...

L'enjeu aujourd'hui est de rendre ce fonctionnement plus équitable. Question 1 : quel est l'objectif stratégique des pôles : émergence de nouveaux acteurs ? Relations entreprises - recherche publique ? Inventaire des acteurs clés d'une région ?... selon la réponse, le rôle des PME est différent.

Selon nous, le but n°1 des pôles devrait être de permettre l'émergence de nouveaux leaders, donc de favoriser le développement des meilleures PME. La présence de grands comptes devrait donc surtout se décliner sous un angle utilisateurs.

Sur votre site, vous vous déclarez favorable à la compétition mais en "refusant la loi du plus fort qui est la règle, source d'injustices et d'inégalités", pourriez-vous nous en dire plus ?
Il s'agit avant tout d'un problème sociologique. La réaction d'une population donnée face à un nouveau produit proposé par une nouvelle entreprise est toujours très réservée : quelques "primo-adopteurs" prêts à se lancer, et une très grande majorité de "pragmatiques" qui ne souhaitent travailler qu'avec des entreprises déjà leaders.

Les PME peuvent donc démarrer, avec quelques clients, mais se trouvent vite devant un plafond de verre qui bloque leur accès à la majorité de leurs clients potentiels. Ce blocage est vécu, selon les domaines, à des tailles allant de 50 à 200 personnes...

   
  Les PME se trouvent confrontées à des acheteurs qui leur demandent d'être déjà leaders"

Qu'est-ce qui empêche, et particulièrement en France, les PME d'atteindre un âge et une taille mature ? De quelle nature est le plafond de verre ?
Elles se trouvent confrontées à des acheteurs qui leur demandent d'être déjà leaders. Un cercle vicieux, renforcé par le fait que l'on retrouve ce comportement également chez les banquiers, les investisseurs, les chercheurs, voire les "ressources humaines clés" : une minorité prête à parier, qui permet le démarrage, mais une majorité qui regarde.

La solution n'est elle pas de miser sur des modèles en rupture, tel l'Open Source ou les applications hébergées ?
Nous parlions déjà de ruptures... malheureusement, rupture ou pas, il faut toujours à un moment passer à un choix à faire par un client, et c'est là que le bât blesse. Ce qui me semble effectivement important, c'est que ce sont les jeunes entreprises qui sont les meilleures porteuses de ces business models de rupture, qui peuvent ensuite permettre de générer de nouveaux acteurs mondiaux.

Comment combattre la concurrence des grands groupes sur le marché de l'emploi ? Les PME se retrouvent en situation de faiblesse...
Je crois que le problème est le même : la majorité des gens ne sont pas prêts à parier sur une entreprise en devenir. Regardez par exemple les résultats des enquêtes montrant l'attirance de la fonction publique. On retrouve le même déséquilibre entre PME et entreprises établies. Une solution ? Nous étudions en ce moment la déclinaison du Pacte PME à des organismes de formation (dont universités et grandes écoles).

Que pensez-vous des stock options comme moyen de rémunération ?
Nous croyons que le problème est plus global : les PME françaises et européennes restent trop petites, stock options ou pas. Cause donc : le comportement, compréhensible, des acheteurs et de tout l'environnement des PME. A problème global, réponse globale : au lieu de continuer à cloisonner les actions de soutien aux PME, il nous semble qu'il faudrait les coordonner.

L'accès au financement est une autre question. Difficile du côté des banques. Et il y a peu d'organismes de financement tiers. Comment faire ?
Ici aussi deux niveaux de réponse. Sur un plan global, je crois que les banques iront plus facilement sur des PME lorsque, en même temps, les acheteurs leur passeront plus de contrats et les investisseurs plus de fonds propres. Plus concrètement, c'est l'idée d'un Pacte PME proposé aux banques : indicateurs sur la part des concours bancaires apportés à des PME, guichets PME innovantes capables de comprendre leur problématique, échange d'expérience entre PME utilisatrices.

Quelles sont les actions et mesures que l'Etat devrait prendre en priorité pour aider les PME ?
Nous avons comparé les politiques PME américaine, japonaise, européenne et française. Aux Etats-Unis et au Japon, les politiques en faveur des PME sont très volontaristes, actuellement centrées sur les PME innovantes, et basées sur un accès renforcé aux marchés publics. Avec, pour chacun, une Agence des PME...

Vous militez pour un small business act à la française. Problème: quand bien même les PME accéderaient davantage aux marchés publics, auraient-elles pour autant le temps de répondre aux appels d'offre ? Il s'agit d'une activité extrêmement chronophage pour une petite entreprise...
Avec plus de contrats, peut être pourriez-vous embaucher les personnes qui vous aideraient à y répondre... Plus sérieusement, je crois que vous avez raison et que de nombreux efforts sont faits pour alléger ces procédures (cf. le nouveau code des marchés publics).

   
  Nous sommes pour un Small Business Act à l'européenne : un accès renforcé aux marchés publics européens pour les PME européennes"

Pensez-vous que les PME font ce qu'il faut pour obtenir des contrats en direct avec l'Etat ?
Je ne sais pas répondre. Je pense toutefois qu'il est nécessaire de mettre en place des mécanismes leur ouvrant plus grand l'accès aux achats publics, particulièrement dans le cas de l'innovation où le fait d'être petit génère une discrimination réelle.

Sur votre site, vous parlez de lobbying : l'effectuez-vous en France ou au niveau européen ? Quels sont vos moyens pour cela ?
Le terme lobbying peut être trompeur. Nous nous réunissons pour formuler des propositions que nous présentons ensuite aux personnes concernées. En France directement, en Europe par le biais de la Fédération européenne des PME de haute technologie que nous avons contribué à créer en 1997.

Que pensez-vous de l'action du ministre de la Défense en matière de soutien aux PME ? Quels sont les points forts et les points faibles de cette action ? Quelles sont vos éventuelles propositions d'amélioration ?
Nous pensons que cette action est louable. Le sujet est difficile puisque ce ministère doit diminuer ses coûts d'acquisition, ce qui l'amène à réduire le nombre de ses fournisseurs. Le sujet est donc de trouver les moyens de l'aider à ne pas couper le lien avec les meilleures PME innovantes à cette occasion.

Un point fort récent : une séparation nette entre les actions de soutien à un tissu en difficulté et celles qui visent à augmenter la compétitivité des industries d'armement en améliorant leur appel à des PME innovantes.

Etes-vous pour un small business act à la française pour les entreprises informatiques (et pour les autres aussi d'ailleurs) ?
Nous sommes pour un Small Business Act à l'européenne : un accès renforcé aux marchés publics européens pour les PME européennes. Passant par des indicateurs sur la part des PME, des objectifs PME établis selon les domaines, des programmes publics R&D réservés aux PME et des moyens donnés aux acheteurs d'inciter leurs grands maîtres d'oeuvre à incorporer des produits ou services de PME dans leurs grands programmes.

Aujourd'hui, qu'attendez-vous des politiques ? Quelles attentes avez-vous pour les présidentielles pour défendre les PME de haute technologie ?
Un véritable Plan PME dont l'objectif serait de permettre l'émergence de nouveaux acteurs mondiaux, à partir des meilleures PME innovantes d'aujourd'hui. Basé sur une Agence des PME à désigner. Le tout permettant de renforcer le dynamisme de l'ensemble de notre économie qui, rappelons le, ne compte pas suffisamment de leaders mondiaux (2 à 3 fois moins, par habitant, que les Etats-Unis ou le Japon)

Certains grands groupes soutiennent néanmoins les PME innovantes ? Comment travaillez vous avec ?
Nous avons lancé avec OSEO un dispositif intitulé Pacte PME : signé par 28 grands comptes et 6 pôles de compétitivité. Avec indicateurs, échanges d'information sur besoins et compétences...

Quelles ont été vos principales actions en 2006 ?
Deux actions principales : aider à structurer le lobbying en faveur d'un Small Business Act, autour de Christine Lagarde. Et muscler le Pacte PME en passant de 150 à 750 PME participantes.

Combien de membres êtes-vous aujourd'hui ?
150 au Comité Richelieu.

   
  Il nous faut inventer une politique PME moderne, ciblant les meilleures PME et leur transformation en leaders mondiaux"

La présidence du Comité est-elle amenée à changer dans les mois à venir ?
Dans les mois passés: Thierry Gaiffe (IXSEA www.ixsea.com) est devenu notre nouveau Président depuis le 9 octobre.

Ne pensez-vous pas que le small business act date d'une autre époque (1953 !), et que son principe est désormais dépassé dans le contexte d'une économie libérale ?
Oui et non. Non car en plus de 50 ans avec ce Small Business Act, la part des PME américaines dans leurs marchés publics est de 40 % contre 11% pour les PME innovantes françaises. Oui car il nous faut inventer une politique PME moderne, ciblant les meilleures PME et leur transformation en leaders mondiaux (et donc coordonnant différents secteurs d'action, pas seulement les marchés publics).

Vous vous situez plutôt à droite ou à gauche ?
Nous prônons une compétition équitable (certains diraient durable) entre les nouveaux entrants et les entreprises établies. Un libéralisme "bien compris" reconnaissant que la loi du marché n'est pas seulement celle du meilleur mais aussi celle du plus fort. Ce qui est la cause de la polarisation et de l'uniformisation. Nous ne sommes donc pas anti-marché, au contraire, mais demandons sa régulation. Est-ce de gauche, est-ce de droite ?

Est-ce votre seule activité ?
Oui. Le Comité Richelieu fonctionne comme une entreprise, avec 15 salariés et un budget à clôturer.

Merci à tous !

 
Propos recueillis par Antoine CROCHET-DAMAIS, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Emmanuel Leprince, est le délégué général du Comité Richelieu. Il est diplômé de l'école Centrale de Paris.

   
 
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