Rémy Berthou (SNCF Infra) "Nous avons recours au Big Data pour superviser nos lignes"

Réalisant l'exploitation et la maintenance du réseau ferré national, SNCF Infra affiche de nombreux projets IT stratégiques. Son DSI, également président de l'itSMF France, apporte son soutien à l'APMG-International Showcase.

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Rémy Berthou est DSI de SNCF Infra. © itSMF France

Rémy Berthou est DSI de SNCF Infra. Forte de 55 000 salariés, cette branche de la SNCF réalise la gestion, l'exploitation et la maintenance du réseau ferré national. Rémy Berthou est également président de l'itSMF France, association qui se donne pour mission de promouvoir les bonnes pratiques ITIL dans l'Hexagone. Il répond ici à nos question en amont de l'APMG-International Showcase France. Un événement (organisé par le spécialiste des certifications APMG) qui se tiendra le 18 avril prochain à Paris autour de l'état de l'art de la gestion de projet. Organisée en partenariat avec le JDN, cette journée de formation est également soutenue par l'itSMF France.

 APMG-International Showcase France : informations et inscription

JDN. Quelles sont les principales applications métier du système d'information de SNCF Infra ?

Rémy Berthou. Pour le compte de RFF [NDLR ou Réseau ferré de France], nous opérons la maintenance du réseau ferré national, la surveillance et l'entretien des lignes, des caténaires et des systèmes électriques associés. Nous réalisons aussi de grands travaux, de la construction d'ouvrages d'art à celle de nouvelles lignes à grande vitesse par exemple. Nous gérons également la définition des horaires, la régulation du trafic, et la gestion de la circulation des trains en temps réel quelle que soit la compagnie utilisant le réseau.

Du fait de ces différentes activités, les systèmes d'information que j'ai en charge sont assez variés. Nous disposons de grands ERP. Il s'agit notamment d'applications de GMAO [NDLR Gestion de la maintenance assistée par ordinateur], mais aussi de gestion de la chaine logistique, notamment pour assurer la gestion de l'approvisionnement des chantiers de travaux que nous mettons en œuvre. D'autres systèmes orchestrent la gestion des trains de marchandises chargés d'acheminer le matériel des chantiers. Enfin, une autre catégorie de systèmes est centrée sur la gestion des horaires, des postes d'aiguillage, et de la circulation des trains.

Justement, quel est le rôle de l'informatique dans la gestion de la circulation des trains ?

Il s'agit de la gestion des capacités du réseau ferroviaire, depuis les prévisions long terme jusqu'au temps réel. Les systèmes que nous utilisons dans le cadre de ce processus sont assez complexes. Ils ont pour but de prendre en compte toutes les demandes des entreprises ferroviaires, et gérer finement les capacités du réseau à les absorber en fonction d'un certain nombre de contraintes, liées notamment aux opérations de maintenance et aux grands travaux.

Nous réalisons ainsi pour le compte de RFF une pré-planification jusqu'à 5 ans. Sachant que des modifications peuvent être prises en compte très tard, notamment suite à des demandes relatives à des trains de fret. En cas de retards et autres perturbations sur le réseau, nous devons aussi être capables de redéfinir les horaires sur tout ou partie du réseau. Les technologies auxquelles nous faisons appel embarquent notamment des moteurs de règles et de gestion par contraintes.

Qu'en est-il des dispositif de supervision du réseau ? Avez-vous recours au Big Data ?

Nous récupérons des volumes d'informations importants recueillies par des capteurs situés sur les rames de trains spécialisés, dont une rame de TGV dédiée. Des algorithmes sont appliqués pour traiter ces données. L'objectif est notamment d'aider à la prise de décision concernant les travaux de maintenance. Il peut s'agir par exemple d'interpréter des codes de couleurs sur des relevés réalisés au laser dans le but de détecter d'éventuels défauts de nivellement sur les voies. A cela s'ajoutent des capteurs vibratoires mesurant la résistance des matériaux, qui permettent de repérer des anomalies au niveau des caténaires.

"La gestion de projet présente un impact direct sur la qualité des services IT délivrés"

Nous avons ouvert un chantier de réflexion sur le Big Data. Ces technologies, de type NoSQL par exemple, peuvent en effet nous permettre de répondre au défi de la volumétrie des données à stocker et traiter. Les capteurs situés sur un TGV roulant à 300 kilomètres à l'heure peuvent en effet recueillir plusieurs To de données. Mais, le Big Data apporte aussi des solutions pour améliorer l'efficacité de nos traitements, notamment le rapprochement de données non-structurées, comme des images, avec des données numériques de type signaux faibles, toujours dans l'optique d'aider à la prise de décision.

Cette grande variété de systèmes engendre des problématiques de projet sans doute bien différentes...

C'est effectivement le cas. D'un côté, nous menons de grands programmes de transformation, avec à la clé des déploiements et paramétrages de progiciels très structurants. De l'autre, des projets de développement d'applications très spécifiques, sur des aspects métier pointus, pour lesquels la connaissance et donc l'implication des directions opérationnelles sont indispensables.

Comment structurez-vous la relation avec les métiers au travers de ces projets ?

Nous avons recours aux méthodes agiles. Elles nous permettent de travailler avec les métiers sur des cycles de développement courts, notamment sur des processus complexes qui seraient beaucoup plus difficiles en passant par des méthodes plus classiques. C'est notamment le cas de nos processus de planification des travaux, qui impliquent de nombreuses règles de décision liées à l'expérience terrain. En prenant en compte le point du vue de nos experts métier tout au long d'un projet, ces démarches sont également intéressantes pour améliorer la qualité finale d'un système, et son bon alignement sur les besoins opérationnels.

L'itSMF France, dont vous êtes président, a décidé de s'impliquer dans l'APMG-International Showcase France. Quel est l'intérêt de cet événement pour vous ?

Les méthodes de gestion de projet et leur bonne mise en œuvre présentent un impact direct sur la qualité des services IT délivrés à l'utilisateur final. De ce fait, la frontière entre gestion de projet et production s'estompe. Comme évoqué précédemment, la manière de conduire un développement et un déploiement a des conséquences directes sur la qualité d'un produit tout au long de sa vie. C'est un point de vue que nous défendons à l'itSMF France, et qui est partagé par APMG.

C'est aussi pour cette raison que nous mettons en avant la notion de service agile. Comme la démarche de gestion de projet, le service doit également s'adapter en permanence, notamment pour suivre les évolutions de la valeur fonctionnelle des systèmes et des exigences des utilisateurs en matière de qualité de rendu et de production.

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Biographie professionnelle : Rémy Berthou est DSI de SNCF Infra. Président de l'itSMF France, Rémy Berthou a notamment été précédemment DSI de la branche Voyages de la SNCF. Il a également occupé le poste de DSI de France 3.