Google+ en entreprise : nouveaux usages. Mais nouveaux risques ?

C'est désormais au tour des professionnels de voir le réseau social Google+ intégré aux Google Apps for Business. Un pari osé. Qui gomme un peu plus la frontière perso/pro sur les réseaux sociaux et fait des salariés des prescripteurs auprès du public des marques de leur employeur.

Dans le paysage actuel des réseaux sociaux, la frontière entre réseau personnel et professionnel est marquée par un parti pris des outils eux-mêmes. C’est d’ailleurs bien pour cela que dans ce paysage, on distingue la famille des RSE (réseaux sociaux d’entreprise) voués à une utilisation dans un cadre professionnel.
Chaque usage trouve alors réponse par l’intermédiaire de fonctionnalités et d’outils différents :
  • en tant que personne privée je gère une identité personnelle : j’utilise un profil Facebook
  • en tant que marque, je vais à la rencontre de mes clients & prospects : j’anime une page fan Facebook, ou publie sur un compte Twitter de marque
  • en tant que professionnel, je rend visible mon expérience ou mon expertise : j’entretiens mon profil Linkedin ou publie sur un compte Twitter personnel
  • en tant qu’entreprise je m’adresse à mes employés et à mon réseau BtoB qui communiquent eux-mêmes entre eux : j’utilise une plateforme interne telles que blueKiwi, Yammer ou Jive...
Google+ propose de fusionner l’ensemble de ces cas d’usage par l’intermédiaire d’un seul et même outil, destiné tant à un usage personnel que professionnel.

Qu’implique cette posture pour l’entreprise et ses employés ?

Aujourd’hui, une personne désirant se rendre professionnellement visible sur les médias sociaux peut utiliser les RSP (réseaux sociaux professionnels) tels que LinkedIn ou Viadéo ou encore créer un compte Twitter. Elle peut ainsi valoriser son expérience, partager son expertise et démontrer sa valeur en ne se préoccupant uniquement que de son “personal branding”.
L’opportunité offerte par Google+ de voir sa visibilité augmentée de par la notoriété de son entreprise est tentante. Mais est-ce le même enjeux de s’exprimer en son nom propre (voir anonymement) que de donner un avis certes personnel mais dans le cadre d’une communication d’entreprise ? Garde-t-on la même spontanéité, la même liberté de ton ?
Et pour les personne qui ne sont pas forcément rompus à l’usage des médias sociaux qu’en est-il ? On observe dans le cadre de projets de déploiement de RSE, que le collaborateur peut avoir des réticences à prendre la parole en interne, de peur du jugement de ses pairs. Dans le cas de Google+ ou la prise de parole est potentiellement publique, le collaborateur sera-t-il enclin à se prêter à l’exercice ?
Le réseau social tel qu’il est appréhendé par Google, mixant univers sociaux personnels et professionnels, laisse imaginer de nouvelles interactions. Le client ne s’adresse plus seulement à la marque mais aussi à ses employés.
Dans la sphère privée, le réseau est constitué de personnes qui se connaissaient plus ou moins directement mais dont la mise en relation est établie selon des critères subjectifs ou des intérêts personnels. Les interactions y sont basées sur l’arbitraire.
Dans un RSE, la création de valeur, la qualité des échanges passe par l’expérience, l’objectivité et l’expertise de ses membres. La mise en relation ne se fait plus sur la base d’affinités personnelles mais en fonction d’intérêts professionnels communs  : je rends visible et partage mon expertise et je bénéficie de celle des autres.
On peut alors se poser la question de savoir si, clients comme employés sauront appréhender ce nouveau territoire de communication et s’ils parviendront à dissocier, d’un côté marque et employés, de l’autre, identité personnelle et identité professionnelle.

Au niveau de l’entreprise, les questions peuvent s’avérer aussi nombreuses. Toutes ne sont déjà pas converties à l’utilisation des RSE et convaincues des bénéfices qu’apporte la mise en relation des collaborateurs. Quelles barrières vont-elles avoir encore à franchir si elles veulent exploiter Google+ dans son ensemble ?
Au delà des possibilités internes de collaboration, le réseau social par Google permet à la marque de faire de ses employés des prescripteurs de celle-ci, capables de prendre la parole au nom de l’entreprise, d'interagir avec ses cibles et de les influencer.
En valorisant son personnel, c’est l’entreprise qui se valorise elle-même. Permettre la mise en relation directe entre le client ou le prospect et l’employé directement concerné donc compétent peut permettre l’établissement d’une relation de confiance accrue basée sur un service sur mesure et donc une satisfaction des interlocuteurs. Pour le BtoB, c’est d’ores et déjà le cas, les solutions RSE du marché offrent souvent l’ouverture d’une “porte vers l’extérieur” permettant aux clients et prospects de rentrer en relation et de dialoguer avec les employés.
Dans le cas du BtoC la tâche parait plus ardue : on ne peut pas mettre un employé derrière chaque consommateur. Par contre, on peut exploiter les expertises personnelles comme ambassadrices de la marque sur des pans précis de son activité. De la sorte, on permet la réassurance du consommateur, on favorise la transparence en positionnant le dialogue non plus au niveau de la communication mais de la compétence métier.
Ici encore, on n’invente rien, on transpose les modèles existants : quand je me rends chez un équipementier sportif acheter du matériel d’alpinisme, je préfère être conseillé par une personne qui a gravit le Mont-Blanc et qui saura me faire part de sa propre expérience plutôt que par une personne du service communication.

Cette évolution n’est cependant pas anodine ! Pour l’entreprise, elle implique une nouvelle gouvernance. De même qu’à l'avènement du web 2.0, elle se voit encore un peu plus dépossédée de sa marque.
Une telle décentralisation de la communication ajoute un risque supplémentaire à celui que représente aujourd’hui celui d’un “bad buzz” provoqué par la communauté des consommateurs : un “bad buzz” venant de l’intérieur...
Il y a donc du chemin à faire avant que les usages soient adoptés par l’entreprise et les utilisateurs formés et en confiance face aux subtilités de l’exercice. Les PME, plus agiles, seraient peut-être les premières à se laisser séduire. 
Quoi qu’il en soit, afin de participer à l’appropriation de ces pratiques, ce sera certainement à Google+ de faire le premier pas en optimisant sa plateforme afin qu’elle réponde aux exigences des professionnels.

Quelques pistes d’évolution qu’il semblerait pertinent d’envisager :
  • interdire l’anonymat des membres et l’utilisation de pseudonymes
  • adapter le profil utilisateur au contexte de l’entreprise
  • proposer une meilleure gestion des droits, notamment dans la prise de parole externe
  • mettre à disposition des outils d’animation transverse du réseau.
Mais ne doutons pas un seul instant que Google a déjà son avis sur la question et que Google+ n’en restera pas là...