Artificielle ou humaine, point de dispositif digital sans intelligence

Dans un monde numérique saturé de sollicitations et de contenus, l’intelligence artificielle permet d’offrir un premier dispositif de tri qui, sans empêcher d’accéder à la profondeur d’un catalogue, propose un filtre correspondant aux goûts de l’utilisateur. Mais, elle ne suffit pas.

Dans un environnement digital saturé de sollicitations et de contenus, les utilisateurs sont pris entre des contradictions qui semblent irréconciliables : désirer un choix aussi large que possible mais avoir du mal à trouver le produit ou contenu recherché ; gagner du temps, grâce à la technologie, pour pouvoir le passer sur de nouvelles applications ; désirer pouvoir profiter de tout ce qu’offrent les dispositifs numériques, sans pour autant en avoir le temps...

La meilleure façon de satisfaire des utilisateurs devenus schizophrènes ? Penser des dispositifs intelligents ! En effet, l’intelligence artificielle permet d’offrir un premier dispositif de tri qui, sans empêcher d’accéder à la profondeur d’un catalogue, propose un filtre correspondant aux goûts de l’utilisateur. Mais comment choisir et doser cette intelligence ? Quelles limites aux algorithmes et aux robots ? Quelle intelligence, humaine ou artificielle, choisir pour un dispositif digital pertinent ?  Face à ceux qui prédisent un monde de plus en plus gouverné par les machines, l’éditorial et la curation faits par des humains font de la résistance. 

La recommandation algorithmique

C'est le premier niveau d'intelligence, historiquement et techniquement. L'efficacité de ces techniques de recommandation n'est d’ailleurs plus à prouver : sans empêcher les internautes d’accéder à l’intégralité d’un catalogue, elles leur permettent d’accéder plus facilement et plus vite à des contenus ou produits plus pertinents (et donc de favoriser le cross-selling ou d’augmenter le temps de visite). Plusieurs acteurs du marché tels qu’ Amazon, Asos, Liligo, YouTube, se sont construit une réelle expertise au fil des ans dans ce domaine : il existe aujourd'hui des spécialistes du sujet, c'est pour cela que même des grands noms choisissent de s'allier à des start-up ou des experts, à l'instar de Voyages-sncf.com allié avec Expedia pour son comparateur de voyages hors train. Pour autant, cette logique algorithmique demeure quelque peu rigide : les données sont combinées en suivant les mêmes méthodes, uniformisant les recommandations au sein de groupes ayant des préférences similaires et masquant, par la même, les nuances humaines, souvent subtiles. Le risque, à terme, est d'enfermer l'internaute dans ses habitudes, et de limiter la découverte inattendue ou accidentelle. Sans remettre pleinement en cause l’intérêt de la recommandation algorithmique, ses limites ne peuvent être ignorées en cas d’intégration dans un dispositif digital.

Les interfaces conversationnelles, nouveau terrain de bataille après la conquête du mobile

Les interactions vocales ou textuelles avec des machines étaient, jusqu’à très récemment, relativement sommaires. Mais, en s’appuyant sur les progrès des intelligences artificielles, le langage naturel est arrivé : Siri, Google Now, Cortana, Facebook M et Amazon Alexa… Aujourd'hui, chaque plateforme majeure compte son assistant personnel, plus ou moins réussi... Avec la domination progressive des appareils mobiles, l’intelligence est alors passée du niveau du site ou de l’application au niveau de la plateforme, une évolution favorisée par deux constats sans appel : au niveau mondial, il y a désormais plus d'utilisateurs sur les messageries instantanées que sur les réseaux sociaux, et les usages sont d’abord mobiles.

Ainsi, Facebook a décidé de privilégier Messenger et ses bots, là où Apple ouvre progressivement ses iMessages et Siri aux développeurs, quand Amazon met le paquet sur Alexa. En effet, il apparaît nécessaire aux marques de privilégier les plateformes où se trouvent déjà les clients et compléter les canaux existants sans les remplacer. Voyages-sncf.com a ainsi mis en place l'envoi de billet par Facebook Messenger plutôt que par email, permettant d'obtenir un service après-vente sans quitter Messenger.

Toutefois, là aussi la machine n’est pas infaillible, et dans de nombreux cas elle échoue à générer un dialogue naturel.  C'est alors à l'humain de prendre le relai notamment par un travail éditorial et de curation souvent plus pertinent qu’un algorithme.

L'éditorialisation humaine non négligeable face à une intelligence parfois trop artificielle

Actuellement aucun dispositif ne permet de répondre pleinement aux questions posées en langage naturel (textuel ou vocal), pour des questions de vocabulaire, d'intonation, de grammaire approximative ou de bruit ambiant. Face aux limites de la recommandation algorithmique, l’éditorial et l’humain font un retour en force, particulièrement dans les domaines des médias, de la culture et du e-commerce où l’ampleur du choix est considérable, et parfois problématique : face aux millions de chansons de Spotify, par où commencer ? C’est là que le travail éditorial, de sélection, de classement, prend tout son sens. Résultat : Spotify affiche aujourd’hui un taux de conversion d’abonnés payants de l’ordre de 27%, alors même que l’industrie digitale du freemium considérait que 4% était un plafond. Un résultat rendu possible par la mise en place d’équipes expertes et autonomes, en mesure de sélectionner des contenus et des produits pour mieux les valoriser auprès de leurs clients.

Pour réussir son projet ou faire évoluer un produit digital, inclure une dose d’intelligence apparaît indispensable - qu’elle soit de nature artificielle ou humaine. Dans une économie où l’attention du consommateur est sur-sollicitée, de tels dispositifs seront la meilleure façon de fidéliser et d’améliorer sa relation à l’utilisateur.