L’impression 3D sera-t-elle la 4e révolution industrielle ?

Développés dans les années 80, les premiers procédés de l’impression 3D ont beaucoup évolué. Les 30 prochaines années promettent une accélération de son utilisation. Bienvenue dans l’industrie du futur.

La troisième révolution industrielle – celle des nouvelles technologies et d’Internet – n’est pas encore terminée que l’on parle déjà de la quatrième, celle de l’impression 3D. C’est dire si les choses vont plus vite que la musique. Aujourd’hui accessibles au grand public à partir de 300 euros pour les modèles les plus simples, les imprimantes 3D feront partie du quotidien de millions d’individus dans un avenir assez proche. Leur principal avantage : réaliser soi-même des pièces pour réparer un objet défectueux ou simplement créer quelque chose dont l’utilisateur aurait envie/besoin. Elles permettent de produire des objets à l’unité au prix d’une production de masse et de ne plus avoir de stock. Mobiles, elles pourront être utilisées dans des zones dépourvues d’industries. Leur principe de fonctionnement, pour celles et ceux qui ne le sauraient pas ? Elles reproduisent un objet modélisé sur ordinateur en superposant des couches de matière (plastique, métal, argile, béton, résine…) les unes sur les autres à l’aide d’un laser, pour créer des objets en volume.

Des applications à perte de vue

L’histoire de l’impression 3D par couches – appelée aussi stéréolithographie – a été marquée par de grandes avancées depuis son invention par Charles Hull en 1983. En 1999, une première prothèse est implantée sur un être humain (vessie). En 2002, le laboratoire Wake Forest Institute for Regenerative Medicine aux Etats-Unis crée le premier rein fonctionnel, ouvrant d’incroyables perspectives dans le domaine de la chirurgie. En 2005, l’université de Bath au Royaume-Uni met au point une imprimante 3D capable d’imprimer… une imprimante 3D, afin qu’elle se reproduise. En 2009, l’Américain MarkerBot commercialise la première imprimante 3D à installer chez soi. Et cela s’enchaîne : un drone en 2010, une voiture et un avion en 2011, une mâchoire en 2012 et même une arme à feu en 2013.

Alors, quelles nouveautés les années à venir nous réservent-elles ? Elles touchent presque tous les domaines de l’activité humaine. A commencer par celui de la construction qui est amené à se transformer radicalement dans les trente prochaines années. C’est d’ailleurs dans ce secteur que la révolution industrielle à venir est la plus percutante, car l’impression 3D permet de réduire nettement les coûts de fabrication tout en préservant les ressources naturelles localement. Présent sur tous les continents, le géant chinois WinSun ne cesse d’innover en la matière. En 2015, il présentait plusieurs bâtiments construits en béton à l’aide d’une imprimante 3D, dont un immeuble de six étages. Question design, l’imprimante 3D débride aujourd’hui l’imagination des architectes les plus audacieux, qui voyaient déjà dans le béton « l’un des matériaux les plus nobles de l’architecture contemporaine, [car] c’est un matériau malléable, durable, et un allié formidable de l’ingénierie », relève l’auteur de 100 contemporary Concrete Buildings, Philip Jodido.

Dans l’alimentaire également, des chefs pâtissiers utilisent des imprimantes 3D avec, comme matériau sortant des buses, du chocolat. Ces machines peuvent également servir à concevoir les repas à proprement parler, en prenant en compte les doses de chaque aliment pour une nutrition équilibrée. Des applications existent déjà pour l’adaptation de la nourriture aux besoins des personnes âgées, avec des aliments reconstruits à base de purées. Le secteur de l’agroalimentaire regarde d’ailleurs avec intérêt cette révolution avancer. A l’avenir, les aliments reconstitués à partir d’algues, d’insectes ou de carapaces de crustacés feront partie de notre régime.

La haute-couture – avec Iris van Herpen, Chanel ou Alexander McQueen – et l’industrie textile se sont précipitées elles aussi sur les imprimantes 3D et développent des matériaux composites, les imprimantes étant bien évidemment incapables de recréer de la soie par exemple. Dans un futur plus lointain, nos habits seront à la fois synthétiques et organiques. Lors d’un TEDTalk de 2015, l’architecte bioclimatique et designer Neri Oxam a présenté le travail de son équipe du MIT : « Nous sommes déjà en train d’imaginer les combinaisons pour les futurs voyages interstellaires. Ces combinaisons mêleront matériaux inertes et matériaux vivants (des bactéries principalement) et qui prendront soin des corps humains. »

Toujours dans le domaine d’une science-fiction qui se rapproche du réel à grands pas, l’Agence spatiale européenne (ESA) travaille avec la firme britannique Foster & Partners sur la construction de modules d’habitation en béton sur la Lune et sur Mars, imprimés en 3D, en utilisant les matériaux minéraux trouvés sur place (seulement 10% de la matière première serait importée depuis la Terre). Selon Scott Hovland, responsable des vols habités à l’ESA, « l’impression 3D facilitera grandement la colonisation de la Lune par l’homme, en réduisant les besoins logistiques ».

Vers la naissance de nouveaux métiers

Revenons sur Terre, ici et maintenant. Comme toute révolution, celle de l’impression 3D effraie aussi. L’an dernier en France, le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) prévoyait que 50% des emplois existants étaient susceptibles de changer ou de disparaître à cause de la robotique et de l’impression 3D. En même temps, aux Etats-Unis, une étude de Wanted Analytics a limité à 10% le nombre de professions menacées, montrant par ailleurs que le nombre d’emplois directement liés à l’impression 3D avait fortement cru ces cinq dernières années. Mais cette offre demande des compétences bien particulières.

Citée par le site d’informations 3Dnatives, Marine Coré-Baillais, directrice marketing de Sculpteo (un service d’impression 3D à la demande), explique : « Nous cherchons des profils ayant des compétences en code, en interface web, mais aussi en mathématiques et en modélisation ». Des compétences qu’il faudrait presque acquérir au biberon, comme le pense Gesa Schneider de BigRep GmbH, producteur allemand d’imprimantes 3D : « Nous devons tout faire pour que l’impression 3D soit incluse dans le système scolaire et que les enfants apprennent les bases de cette technologie. » En Chine, l’un des pays leaders dans le domaine, des écoles uniquement consacrées à l’impression 3D ont déjà ouvert leurs portes. Aujourd’hui, les profils recherchés par les entreprises sont très spécialisés : experts en matériaux 3D, spécialistes du post-traitement, designers 3D… Des profils qui peuvent s’inscrire dans de nombreuses industries, comme l’automobile, l’ingénierie médicale, l’aérospatiale. Et nul doute que de nombreux métiers en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui…

L’alliée du développement durable

Tous les acteurs – industriels, Etats, designers… – sont unanimes sur un point : l’impression 3D porte en elle tous les éléments pour accompagner la transition vertueuse du développement durable. Par définition, cette technique de fabrication limite les transports et l’utilisation de matières premières, et réduisant ainsi l’emprunte carbone de ladite fabrication. Elle permet également de recycler très facilement les objets usagés. Aux Etats-Unis, durant son second mandat, Barak Obama a pesé de tout son poids pour le développement de l’impression 3D avec, par exemple, la création en 2012 d’un centre de recherche dans l’Etat de l’Ohio uniquement dédié à l’impression 3D, l’une de ses passions. Sur la lancée d’un célèbre discours du président américain en 2013, le ministère de l’Energie de son administration avait même misé sur une baisse drastique des besoins en énergie de 50% et de matériaux de 90% grâce à l’impression 3D. En pensant par exemple au secteur de la construction où l’impression 3D grâce à du béton alvéolaire présente un potentiel considérable. Le locataire de la Maison Blanche a certes changé, mais la révolution est en marche. Les enjeux industriels, eux, sont toujours là. Et ils aiguisent clairement les appétits.