INTERVIEW 
 
Philippe Castets
DSI
Hospices Civils de Lyon
Philippe Castets
"Nous avons privilégié les choix en rupture avec le client-serveur"
A l'origine d'un des tout premiers projets de système de gestion patients en France, au sein des CHU de Grenoble et de Lyon, le DSI est aujourd'hui amené à intervenir comme consultant dans la mise en place d'une plate-forme régionale.
03/10/2006
 
JDN Solutions. Vous être à la fois DSI des Hospices Civils de Lyon et du CHU de Grenoble. Comment jonglez-vous entre les deux ?
  Le site
CHU de Lyon
Philippe Castets. Depuis quatre ans, j'occupe également la fonction de DSI du CHU de Grenoble ! En tant que responsable du système d'information, je sous-traite la gestion de l'infrastructure à une direction informatique. Cette double casquette m'amène aujourd'hui à animer la politique informatique au niveau régional.

Elle vise à mettre en place une plate-forme de partage d'informations patients. Dans quelques jours, je vais quitter mes fonctions au CHU de Grenoble en vue de consacrer du temps à cette nouvelle mission. Je jouerai le rôle de consultant.

Aujourd'hui, ma mission comme DSI des Hospices Civils de Lyon consiste à couvrir des champs aussi bien fonctionnels que techniques et architecturaux. Dans une organisation comme la nôtre, qui compte environ 22 000 personnes, un DSI doit être un stratège, avec une vision sur 4 ou 5 ans. Il a le devoir de suivre les besoins métier de prés ainsi que les politiques liées à la transformation du système de santé. Mais aussi, et surtout, il doit anticiper. Ne pas anticiper signifierait participer à la ruine de l'organisation.

Quelle est l'origine de ce chantier régional auquel vous collaborez ?
Ce projet régional est né il y a cinq ans. Il s'inscrit dans la suite logique du chantier que j'ai initié à Grenoble dans les années 1990 autour de la gestion du dossier patient. A l'époque, la direction du CHU avait pris conscience de l'importance de développer un SI au-delà de la sphère administrative.

Or, l'offre industrielle disponible à l'époque sur les aspects métier était faible, voire inexistante. Nous avons alors décidé de développer un système ad hoc. L'idée était aussi de montrer qu'un tel projet était à la portée d'un CHU malgré tout. Des industriels se sont engagés depuis. Aujourd'hui, 4 à 5 offres sérieuses sont disponibles sur le marché.

Le projet régional a pour but de créer une porte d'entrée équivalente sur les dossiers patients, mais au niveau régional. Au lieu de proposer une structuration par département, l'idée est de bâtir un portail reposant sur la segmentation des contenus par établissement. L'objectif est d'y associer toutes les composantes et acteurs du système de santé : les agences régionales hospitalières, la sécurité sociale, la médecine de ville, etc. Les représentants des usagers sont également associés à la démarche. C'est un gros chantier qui devrait mettre entre 4 et 5 ans à aboutir.

Le portail régional que nous préparons est une sorte de Google Santé"
Ce portail est une sorte de Google Santé qui ira chercher l'information de façon sécurisée, en fonction des droits des utilisateurs, au sein des différents gisements d'informations locaux. Chaque établissement pourra avoir son système, mais avec des connecteurs adaptés pour assurer ces flux. Dans cette optique, nous travaillons avec les 10 éditeurs les plus présents sur les différents sites régionaux.

Revenons au système de dossiers patients mis en œuvre à Grenoble et à Lyon. Quelles ont été les technologies et méthodes de développement retenues pour ce projet ?
Nous avons décidé de faire des choix en rupture avec les politiques les plus courantes à l'époque. Nous sortions d'une période de 5 ans de système d'information en client / serveur, avec toutes les contraintes de maintenance que cela peut comporter. Quitte à investir sur un domaine à risques, au cœur de notre métier, nous avons pris le risque de retenir la technologie Web qui, à l'époque, restait encore très cantonnée au champ de la gestion de contenu.

Côté mise en œuvre, commençaient à apparaître des méthodes de développement incrémental et de déploiement rapide. C'était une bonne alternative à la méthode Merise qui, certes, contribue au respect des spécifications, mais engendre un allongement des projets, parfois sans fin.

Nous avons entièrement remis à plat notre centre de développement en ce sens. Et très vite les premiers résultats se sont fait sentir. Les développements ne demandaient plus que quelques mois pour aboutir. Au bout d'un an, nous avons enregistré une amélioration très nette de notre productivité, ainsi qu'une réduction des dépenses.

Comment avez-vous élaboré la politique de gouvernance de ce projet ?
En termes fonctionnels, nous avons découpé les modules en deux grandes catégories : d'un côté, les modules dits métiers, correspondant à un domaine clinique, de l'autre, les modules orientés processus transverses, tel le circuit des médicaments. Pour assurer la gouvernance du produit, un dispositif de collaboration entre les Hospices Civils de Lyon et le CHU de Grenoble a été mis en place. Il est basé sur des clubs et autres groupes d'utilisateurs, et vise à mettre les deux communautés au diapason au regard des priorités d'évolution.

Nous réfléchissons également à l'usage des puces RFID"
Une TMA a été en outre mise en œuvre, depuis. Cette politique nous permet de rester centré sur les évolutions de la plate-forme. Nous avons récemment lancé une série de développements innovants autour du système. Nous travaillons notamment sur l'organisation du parcours de soins pour les patients programmés, c'est-à-dire hors urgence.

L'objectif est d'optimiser l'utilisation des ressources internes, de l'accueil au lit d'hôpital en passant par les plateaux d'imagerie. Nous réfléchissons également à l'usage des puces RFID pour suivre les patients et les personnels de santé, toujours dans une logique d'amélioration de la performance des soins.

Quels sont les avantages à avoir opté pour un développement spécifique ?
Cette approche nous permet d'être réactif et de réduire le temps de latence entre l'expression d'un besoin et la concrétisation de la réponse et ce, de façon peut-être plus efficace qu'un éditeur. Sur ce point, nous avons opté pour une internalisation de la conception des produits. Ce qui constitue un segment à très forte plus-value pour nous, et qu'il est assez difficile de sous-traiter. En revanche, 90% des développements sont externalisés.

Dans d'autres domaines du SI, moins liés à notre cœur de métier, nous avons opté - à la différence de cette logique - pour l'externalisation. C'est le cas par exemple de la gestion des feuilles de paie.

Comment êtes-vous parvenu à impliquer le personnel de santé dans cette aventure ?
Nous sommes partis d'un existant de 40 à 60 dossiers médicaux locaux basés sur des logiciels non-communiquants, comme 4D ou File Maker Pro. Nous avons proposé aux cliniciens un atelier pour créer de nouveaux formulaires compatibles avec le système de gestion patients. L'outil génère 95% du code. Les formulaires sont ensuite repris par l'équipe informatique pour finaliser l'intégration.

Ce mécanisme permet d'éradiquer les dossiers patients locaux et de créer une bibliothèque de dossiers offrant une grande granularité dans le niveau de spécialisation médicale. En lien avec les cliniciens, nous avons élaboré un dictionnaire de données spécifiant notamment si des informations sont communes et partageables.

Nos informaticiens associent des compétences techniques à une approche fonctionnelle fruit de l'expérience"
Notre équipe d'informaticiens associe des compétences techniques avec une bonne approche fonctionnelle, fruit de l'expérience. Bien sûr, notre vocation n'est pas de remplacer les spécialistes. Mais nous devons être à leur écoute pour comprendre leurs besoins et être capable de les reformuler.

La réussite de ce projet vous a-t-il amené à couvrir d'autres sujets ?
Lorsque je suis arrivé aux Hospices Civils de Lyon, en 2002, j'ai assez rapidement été amené à initier un projet d'urbanisation. Autour de l'application de gestion des dossiers patients devaient en effet graviter d'autres systèmes. Il était par conséquent nécessaire de réaliser des intégrations, et de les organiser.

Cette réflexion a abouti au lancement d'un projet d'ERP. Nous avons opté pour Oracle. La solution a été mise en exploitation le 1er janvier dernier. Nous achevons aujourd'hui le déploiement des derniers modules.

Système patients, système de gestion économique et financière, gestion des plateaux techniques d'imagerie médicale, etc. Toutes ces briques doivent s'inscrire dans un plan d'urbanisation. Dans une organisation aussi importante que la nôtre, j'ajouterai qu'il est nécessaire d'accompagner les utilisateurs dans la prise en main des outils informatiques en optant pour une démarche industrialisée. Nous avons déployé dans cette optique une plate-forme d'e-learning pour désengorger les formations présencielles.

 
Propos recueillis par Antoine CROCHET-DAMAIS, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Philippe Castets, marié, 3 enfants, est depuis 2006 à temps plein affecté aux Hospices Civils de Lyon en tant que DSI.

2004 L'Agence Régionale d'Hospitalisation, mais aussi les 3 directeurs généraux des CHU de la région, lui demandent d'animer le groupe Convergence, groupe qui va participer à la mise en œuvre du projet régional SISRA.
2002 Après une année comme directeur du centre hospitalier de La Mure (mission de restructuration de ce centre), il intègre les Hospices Civils de Lyon comme DSI, tout en restant également sur la DSIO de Grenoble, "afin de mieux faire perfuser les deux centres informatiques".
1994 Premier poste de directeur de la communication avant de prendre en charge le Centre régional d'informatique hospitalière des Alpes, puis la DSIO du CHU de Grenoble.
1985 Changement de carrière, cours du soir, Sciences-Po, classes préparatoires, il décroche le concours de Directeur d'Hôpital, au sein de l'Ecole nationale de la Santé publique (en 1988).
1977 Il démarre sa carrière comme technicien, puis informaticien, dans les centres de recherches de la météorologie nationale.

   
 
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