Les dessous technologiques des exosquelettes

Capteur de force, algorithme d'activation de mouvement, puce implantée dans le cerveau... L'informatique embarquée et les technologies de pointe arrivent dans les exosquelettes.

Les ossatures artificielles ou exosquelettes n'appartiennent plus au domaine de la science-fiction. Ils sont même présents depuis une dizaine d'années dans deux secteurs en particulier. Celui du médical tout d'abord, au travers des exosquelettes de rééducation (pour des patients capables de récupérer des capacités neuromotrices) et d'assistance (pour des patients paralysés). Mais également dans le secteur militaire.

Une bonne partie des exosquelettes que l'on trouve actuellement sur le marché, c'est-à-dire ayant dépassé le stade de la recherche en laboratoire, sont en effet destinés à l'augmentation. A savoir : l'accroissement de la capacité de port de charge d'un humain. Il est rendu possible grâce à un exosquelette de paire de jambes ou bien de corps complet.

Dans cette catégorie centrée notamment autour d'applications militaires, on trouve notamment l'exosquelette HULC, développé par le spécialiste américain de la Défense Lockheed Martin, à destination de l'infanterie américaine. Un exosquelette qui permet d'aider le fantassin à transporter son barda et à accroître son endurance.

Les exosquelettes face au défi de la détection de l'intention motrice de l'usager

Mais il y a également l'exosquelette XOS2, dernier-né de Sarcos, une société rachetée en 2007 par Raytheon. La spécialité de ce dernier ? Sa capacité d'assistance à la manipulation de charge lourde mais également au transport de personnes. La France n'est pas en reste : l'exosquelette Hercule développé par le CEA et la PME RB3D constitue à ce titre une référence.

"Un des principaux challenges pour ces exosquelettes d'augmentation est celui de la reproduction de la cinématique du corps humain avec des liaisons mécaniques simples comme les pivots et les rotules. Avec à la clé la conception d'un actionnement puissant afin de démultiplier les efforts. Cet actionnement devant aussi rester non contraignant afin de ne pas gêner et pouvoir détecter l'intention motrice de l'usager", explique Nathanaël Jarrassé, chargé de recherche au CNRS et travaillant à l'Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique de l'Université Pierre et Marie Curie.

Intégrant des moteurs électriques ou bien des vérins hydrauliques, les exosquelettes font également appel de plus en plus à des technologies de pointe. En particulier dans les modèles destinés au secteur médical.

"Les exosquelettes dédiés à des applications médicales sont généralement pilotés par un PC avec un système temps réel. Ils sont épaulés par une électronique de bas niveau et différents capteurs permettant à la fois de détecter l'intention motrice et la posture de l'utilisateur mais aussi de contrôler finement le fonctionnement du robot lié entre autre à la limitation des efforts appliqués, et la stabilisation de sa posture pour éviter le déséquilibre de l'utilisateur", indique Nathanaël Jarrassé.

"Jusqu'alors, on ne pouvait pas vraiment parler de contrôle de l'exosquelette par la pensée" (Nathanaël Jarrassé - Chercheur au CNRS)

Certains exosquelettes de rééducation vont toutefois plus loin. C'est en particulier le cas de HAL, développé par le japonais Cyberdyne, qui exploite un système de capteurs d'électromyographie de surface. Son principe : des électrodes posées sur la peau permettent au système de commande du robot de déduire le mouvement opéré par l'usager afin de mettre l'exosquelette en mouvement en harmonie avec son utilisateur.

Au CEA de Grenoble, un prototype d'exosquelette de corps complet destiné à être utilisé sur des personnes tétraplégiques va encore plus loin : des électrodes vont être implantées dans le cerveau, à la surface du cortex cérébral. "Jusqu'alors, on ne pouvait pas vraiment parler de contrôle de l'exosquelette par la pensée", poursuit Nathanaël Jarrassé. "Les systèmes d'interface cerveau-machine nécessitaient généralement que le patient se concentre sur des pensées précises comme des formes ou des couleurs distinctes par exemple, afin de permettre aux algorithmes d'identifier plus aisément des activations cérébrales distinctes associées à cette pensée pour ensuite activer des actions rudimentaires, comme par exemple faire avancer, reculer ou tourner un fauteuil roulant"

Le décodage des informations liées à ces électrodes et le traitement algorithmique d'activation de mouvement associé demande cependant énormément de ressources. Le futur des exosquelettes passe donc par l'informatique embarquée avec un matériel miniaturisé et des microcontrôleurs beaucoup plus puissants. Des plateformes hybrides telles la Galileo d'Intel pourraient bien à ce titre ouvrir bien des perspectives. Non sans poser toutefois de sérieuses questions en matière de consommation énergétique et d'autonomie. 

"Le décodage d'informations issues de capteurs simples comme des accéléromètres embarqués dans les exosquelettes n'est pas très lourd en calcul, mais ce n'est pas le cas du décodage des signaux cérébraux. Un des dilemmes à résoudre restera de choisir entre un calcul long permettant d'extraire correctement une commande complexe ou une version approximative mais plus rapide à exécuter", prévient Nathanaël Jarrassé.