Pierre Gatignol (GL Trade) : "Notre réseau privé permet d'envoyer un ordre aux bourses en moins de 20 centièmes"

	Pierre Gatignol (GL Trade)
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Quel est votre cœur d'activité ?

Notre métier est de fournir des solutions de trading aux institutions financières. Ceci comporte à la fois des solutions de frontoffice intégrant des cours de bourse mais aussi l'ensemble des outils de risk management et de backoffice pour le traitement des ordres.

GL Trade a fêté ses 20 ans, quel regard portez-vous sur l'évolution de la société depuis tout ce temps ?

Merci. Nous avons effectivement créé GL Trade en 87. Pour le passé, j'en retire une grande fierté que je partage avec les hommes et les femmes du groupe depuis 20 ans. Pour le futur, car l'aventure n'est pas finie, je sais aujourd'hui que GL Trade a encore le potentiel humain ainsi que les clients pour renforcer sa position d'acteur mondial dans les services financiers.

Toutes les institutions françaises ayant une activité de marché actions ou dérivés sont nos clients potentiels au même titre qu'à l'étranger. En France GL Trade a environ 80% de part de marché, et compte parmi ses clients BNP-Paribas, Calyon, Société Générale, CIC et la plupart des sociétés de bourses.

La France représente aujourd'hui environ 20% de notre activité tandis que 80 % est réalisé dans les 25 pays du monde financiers : Grande Bretagne, Etats-Unis, Europe et Asie, où GL Trade est présent.

La Société Générale vient de mettre en production votre plate-forme d'exécution. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette annonce, les objectifs visés et attendus ?

Nous avons effectivement mis en place en début d'année une plate-forme à la Société Générale qui lui permet de connecter ses clients institutionnels directement sur les marchés mondiaux. Elle intègre les évolutions réglementaires liées notamment aux MIFID, visant à garantir la meilleure exécution possible aux clients finaux.

Quelles sont les caractéristiques du marché sur lequel vous évoluez ?

C'est un marché que nous avons partiellement créé il y a 15 ans et dont nous sommes un des leaders mondiaux. Il est aujourd'hui occupé par d'autres acteurs de notre taille, ou plus petits, en particulier anglo-saxons. Il est aussi la cible de grands groupes comme Reuters ou Bloomberg qui cherchent à intégrer ce type de savoir faire. Comme vous le voyez, c'est un marché qui ne manque pas d'animation !

	Pierre Gatignol © Agathe Azzis
"La perspective de faire l'objet d'un rachat hostile n'est pas crédible"

GL Trade est aujourd'hui français. Ne craignez-vous pas d'être racheté ? Comment est structuré votre capital ?

Le capital de GL Trade est contrôlé aujourd'hui par une holding détenue à 55% par NyseEuronext et 45% par les fondateurs de GL, dont moi-même. Le reste du capital est flottant sur le marché, soit près de 35%. Le rachat par un acteur passerait donc par un partenariat partagé avec des acteurs créant de la valeur pour l'entreprise, ses actionnaires et salariés. Une opération hostile n'étant pas crédible.

Quels sont vos principaux concurrents sur ce marché ?

Sur le marché plus pointu des outils de trading en salle de marché où nous occupons la place de leader, nous sommes en compétition avec l'anglais Fidessa, l'américain Sungard ou encore le suédois Orc software. Et pour ceux qui, comme nous, proposent des solutions globales STP, Sungard, aux Etats-Unis est le plus important avec environ 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires dans le monde.

Quelles sont les spécificités de vos logiciels ? Sont-ils interopérables avec tous les environnements applicatifs et architectures ?

Ce sont des architectures clients serveurs avec client utilisateur PC Windows et serveurs Unix ou Linux essentiellement. Les contraintes techniques lourdes viennent des besoins temps réel en traitant de très importants flux de données bourses, avec parfois plus de 100 000 mises à jour par seconde. Notre réseau privé permet d'envoyer un ordre d'un point quelconque du monde, à toutes les bourses, à l'autre bout de la planète, en moins de 20 centièmes de seconde.

De quelles infrastructures logicielles et matérielles disposez-vous pour permettre la meilleure exécution possible en temps réel du trading ?

En réalité, nous avons nos propres développements logiciels pour répondre à ces contraintes particulières, soit 550 personnes en recherche et développement dans le monde. Pour les infrastructures réseaux elles-mêmes, nous louons des lignes haut débit garanties 10/100 Mbits à travers le monde aux prestataires télécoms et gérons notre propre réseau et adressage pour garantir confidentialité et sécurité des ordres.

Quels sont les investissements que vous consacrez à la R&D ? Sont-ils en augmentation ou bien les rachats que vous avez réalisé vous ont-ils au contraire permis de les faire diminuer ?

Une partie de nos collaborateurs en R&D travaille sur la maintenance de nos logiciels. 600 ingénieurs à travers le monde sont dédiés à la fonction de support de nos solutions. Mais les acquisitions réalisées ayant mené à la consolidation du marché ont effectivement réduits à la marge les équipes de développement des deux entités.

A l'inverse, les acquisitions de sociétés dans de nouveaux domaines tel que FNX pour le Forex par exemple, ont augmenté mécaniquement la part de ceux-ci. Au final, nous investissons environ 40 millions d'euros en R&D, dont la moitié peut être considérée comme de la R&D pure, consacrée à des nouveaux produits.

Vous avez réalisé pas mal de rachats ces derniers temps : quelles synergies envisagez-vous ? Des réductions de frais de fonctionnement sont-elles prévues ?

Certains rachats réalisés depuis 4 ans sont effectivement basés sur des synergies de coûts, en particulier par l'unification des produits. Ceci est vrai pour Mysis dans le passé et plus récemment pour Nyfix.

Par contre, concernant le rachat d'Ubitrade il y a plus de 2 ans, ou FNX et Infotec cette année ce sont des offres complémentaires dont le but est plutôt d'augmenter notre réseau mondial de vente.

	Pierre Gatignol © Agathe Azzis
"Nous allons nous implanter au Moyen-Orient, au Brésil et peut-être en Chine"

Vous avez ouvert de nombreuses filiales à l'étranger, dans quels pays comptez-vous vous étendre ?

L'objectif est d'avoir une présence dés l'instant où l'activité locale justifie une présence mini de 3 ou 4 personnes permanentes. Dans ce cadre, après l'ensemble des places financières occidentales, nous avons investi l'Asie - Tokyo, Hong Kong, Singapore,Taiwan, Coree, Sydney - la Russie et l'Afrique du Sud.

Les étapes suivantes seront fonction des besoins réels : les pays de l'Europe de l'Est, le Moyen-Orient avec Dubaï , le Brésil et peut-être la Chine, si les marchés financiers se libéralisent.

Avec quels intégrateurs travaillez-vous ? Quels partenariats technologiques et commerciaux avez-vous noués ?

Nous en avons noué de nombreux, en particulier avec HP et d'autres intégrateurs, suivant les pays et notamment Capgemini et IBM aux Etats-Unis. Au demeurant, nous laissons le client assez libre de sa stratégie et partenaires pour l'intégration.

Je suis trader au sein de Calyon sur le marché des devises. Quels sont les principaux avantages de vos solutions ?

GL Trade est leader sur le trading des instruments listés, actions, dérives listes, et commodities, ce qui n'est pas aujourd'hui vraiment le cas des devises. Toutefois, nous avons maintenant une solution FNX leader de ce marché OTC par exemple aux Etats-Unis que nous commercialisons aujourd'hui en Europe.

Plus globalement, notre stratégie est de précéder la tendance qui va certainement normaliser les solutions "tous instruments financiers" dans les salles de marché pour les prochaines années.

Pourquoi lancer une plate-forme de déploiement d'algorithmes ?

Bien sûr, on peut penser que c'est pour suivre la mode ! En réalité GL Trade a depuis longtemps proposer des solutions visant à répondre aux besoins d'algorithmic trading. Ceci consiste en fait à permettre aux salles de marchés d'avoir des outils intelligents générant automatiquement des ordres de bourses pour coller au besoin d'exécution du client final.

Que proposez-vous en matière de reporting d'une activité de trading, ou en matière de pilotage pour un responsable de salle de marché ?

Nos solutions proposent des fonctions de supervision temps réel de ses traders pour le responsable de la salle. Il peut de ce fait suivre le ou les risques d'exécution et l'exposition de ses clients.

Quelles sont les solutions phares de votre gammme de produits, celles qui sont les plus vendues et avant-gardistes ?

En dehors de celles d'algorithmic trading déjà citées, nous avons des solutions permettant de traiter le même ordre sur plusieurs bourses en meme temps intégrant des devises différents. Nous avons par ailleurs des solutions modernes de traitement des flux backoffice à haut débits ainsi que des outils de simulations de risques sur des produits dérivés sophistiqués

Le marché sur lequel vous évoluez est-il profitable ?

Ce marché est un marché où les acteurs clients sont profitables, même si leur marge a diminué depuis 10 ans. Les sociétés comme la notre peuvent et doivent être profitables si elle sont bien gérées. A ce titre, notre marge EBITD s'élève à environ 20%, et ce, en moyenne depuis 15 ans.

Votre croissance organique au premier semestre a été de 4%. Je dirai qu'elle n'a été que de 4%. Quels leviers comptez-vous actionner pour la faire remonter ?

L'objectif cette année est effectivement d'avoir une croissance organique de 5%-6% à périmètre et taux de change constant. Ceci est dû en particulier à l'activité en Europe continentale, moins dynamique pour les brokers en pleine consolidation, comme en Italie, Belgique et dans une moindre mesure en France. Une zone où GL Trade réalise environ 50% de son chiffre d'affaires.

	Pierre Gatignol © Agathe Azzis
"Tous nos logiciels sont compatibles avec le mode ASP"

Les leviers pour GL Trade sont de pousser les zones Asie - environ 25% de croissance -, et Amériques -près de 20% - pour atteindre un niveau de croissance organique pour le groupe plus proche de 8/10% dans les 3 prochaines années.

Par ailleurs la croissance organique se pondère avec la croissance externe, les sociétés ne pouvant pas investir massivement sur les deux au même moment. Un niveau de croissance d'au moins 15% combinée organique et externe est à notre portée dans les prochaines années.

Allez-vous recruter cette année. Si oui, quels profils ?

Bien sûr. Nous recrutons dans le monde environ 200 personnes par an. En France pour à peu près un tiers. De plus, nous recherchons souvent des jeunes qui souhaitent une première expérience à l'étranger, via des contrats VIE .

C'est toujours un succès très formateur pour les jeunes ingénieurs et fructueux pour l'entreprise. Faire les 3 premières années de sa vie professionnelle dans un job motivant de l'informatique financière à Sydney, il y a pire !

Vos logiciels sont-ils disponibles en mode ASP ?

Oui, ceci signifie que nous exploitons pour nos clients les infrastructures et qu'il n'y a pas à gérer des PC d'utilisateurs passifs. Tous nos logiciels sont compatibles avec cette formule qui est de plus en plus en vogue chez nos clients qui ne souhaitent pas toujours les gérer.

Vous occupez votre fonction de président depuis longtemps. Avez-vous une recette pour durer aussi longtemps ?

Bien sûr, depuis 20 ans , j'ai eu l'extrême chance d'être le patron de 10 puis 50 puis 200 puis aujourd'hui plus de 1 000 personnes. La passion est intacte. Le secret est facile : jouer franc jeu avec les clients, les actionnaires et les salariés et être passionné du contact avec ses collaborateurs.