Andrew Ng (Coursera.org) "Nous voulons offrir gratuitement des cours de qualité partout dans le monde"

Fer de lance des sites de cours en ligne nouvelle génération, l'américain Coursera.org propose à ses 3,3 millions d'étudiants des cours provenant de 62 universités. Son fondateur explique la révolution des MOOC.

JDN. Qu'est-ce que Coursera et qu'est-ce qui vous a motivé à cofonder ce projet ?

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Andrew Ng est fondateur et co-CEO de Coursera.org. © S. de P. Coursera

Andrew Ng. L'idée d'origine de Coursera est de mettre à disposition gratuitement sur le web des cours issus de grandes Universités. Lancé il y a près d'un an, le service propose aujourd'hui près de plus de 300 cours et compte 62 écoles partenaires, dont Princeton, Stanford, Columbia, ou les universités des sciences de Hong Kong, l'université technique de Munich, ou l'Ecole Polytechnique. Après avoir mis au point la technologie derrière Coursera, nous avons effectué un premier test sur le campus de l'Université de Stanford, où je travaille en tant que professeur, et il s'est révélé être un véritable succès. Nous avons rapidement réalisé que cette technologie permettrait de changer la vie de beaucoup de personnes en proposant gratuitement une éducation de qualité à n'importe qui dans le monde.

Suivre des cours en ligne offre-t-il la même qualité d'apprentissage qu'un enseignement classique dans une salle de classe avec un professeur ?

Je dirais que cela dépend de la matière. Prenons par exemple le cas d'un cours où il s'agit simplement pour un étudiant de s'asseoir et d'écouter plusieurs heures un professeur lire son cours. Dans ce cas là, je pense que certains aspects de Coursera, comme le fait de proposer des vidéos de courte durée et de permettre des avances rapides, peuvent aider à améliorer l'expérience d'apprentissage. Les cours sur Coursera ne se résument pas simplement à visionner des vidéos ou lire des slides puisque des exercices sont également proposés pour s'entrainer et donc aider à mieux mémoriser.

Par ailleurs, je ne pense pas que la plupart des étudiants s'inscrivent dans de grandes écoles uniquement pour le contenu des cours. Désormais, ce contenu est de plus en plus disponible en accès gratuit. A mon sens, ils le font avant tout pour les professeurs et le réseau d'élèves. Aujourd'hui beaucoup de professeurs de Stanford et d'autres universités utilisent le web pour diffuser le contenu de leurs cours et réservent ainsi le temps en classe pour les échanges et les discussions. Cette technologie bénéficie donc à la fois aux élèves de ces grandes écoles mais aussi à tous les autres qui n'y ont pas accès.

Quel est le profil de vos utilisateurs et quelles sont leurs motivations lorsqu'ils s'inscrivent à un cours sur Coursera ?

Nous avons en fait un peu de tout. Cela peut aller du jeune lycéen qui souhaite utiliser ces cours pour s'entrainer dans le cadre de ses études, en passant par un professionnel qui veut acquérir de nouvelles connaissances dans un domaine précis en vue d'une opportunité de carrière ou encore une personne plus âgée qui souhaite simplement apprendre quelque chose de nouveau. Malgré tout, la grande majorité de nos utilisateurs a entre 20 et 30 ans et notre population d'utilisateurs est très internationale puisque 35% d'entre eux viennent des Etats-Unis, 30% d'Europe et 20% d'Asie. En tout, nous comptons près de 3,3 millions d'étudiants répartis dans 196 pays.

Des cours sont désormais proposés en Français via notamment l'Ecole Polytechnique ou encore l'Université de Genève...

"Le français a d'ailleurs été la deuxième langue à faire son entrée sur Coursera"

Oui, le français a d'ailleurs été la deuxième langue à faire son entrée sur Coursera. La raison à cela est, qu'à travers cette langue, nous souhaitons notamment venir en aide à une partie de l'Afrique francophone qui n'a bien souvent pas accès à l'éducation et encore moins à ces enseignements de prestige. Après tout, n'est-ce pas en France qu'est née l'idée que tout le monde doive recevoir une éducation gratuitement ? C'est la mission que s'est fixée Coursera et désormais, la technologie nous permet de mettre en œuvre cette idée. Nous espérons que d'autres Universités françaises nous apporteront leur aide pour la concrétiser.

Comment Coursera gagne-t-il de l'argent ?

Nous pensons que d'ici les deux prochaines années l'essentiel de nos revenus proviendra de nos "signatures tracks". Il s'agit de notre système de vérification d'identité qui permet de délivrer des "certificats vérifiés" aux étudiants qui suivent un cours en ligne sur Coursera. Pour vérifier une identité, nous utilisons une combinaison de données et de moyens comme la webcam ou encore le recours à des données biométriques obtenues, par exemple, par la reconnaissance d'un individu à sa manière de taper sur un clavier.

Une fois que le cours a été suivi avec succès, nous proposons ces certificats à la vente, entre 30 et 100 dollars dans la plupart des cas. Bien sûr, même si le nom de l'université qui a rédigé le cours apparait sur le certificat, cela n'est pas un diplôme délivré par celle-ci. Enfin, à chaque fois que nous gagnons de l'argent, nous partageons ces revenus avec les écoles qui ont participé à la production des contenus.

Le fait d'obtenir l'un de ces certificats  peut-il aider à trouver un emploi ?

Beaucoup d'étudiants sont désormais fiers de faire apparaitre l'obtention de ces certificats dans leurs CVs. Même si c'est encore un peu tôt, je connais à titre personnel un certain nombre d'étudiants qui ont trouvé du travail grâce à leurs certificats Coursera. Il faut dire que suivre des cours comme ceux de Stanford ou d'autres grandes écoles n'est pas toujours chose facile, et lorsqu'un étudiant va au bout et qu'il obtient un certificat prouvant sa réussite, cela aide à attirer l'attention d'un employeur.

Pensez-vous qu'à l'avenir il sera possible d'obtenir un diplôme reconnu et délivré par l'une de ces grandes écoles à travers Coursera ?

"Il ne faut pas sous-estimer la valeur de la relation élève -professeur"

Je ne le pense pas, même si aujourd'hui certaines écoles délivrent des crédits pour des cours suivis sur Coursera. Elles sont cinq à avoir reçu l'accréditation américaine leur permettant de le faire. A mon sens il existe malgré tout une différence entre faire sa scolarité à Stanford en personne et suivre des cours en ligne. Il ne faut pas sous-estimer la valeur du suivi et de l'échange entre élève et professeur, ce que ne propose pas Coursera.

Selon vous, les MOOC (massive open online course) représentent-ils le futur de l'éducation ?

C'est une question intéressante à laquelle il est difficile de répondre. Je pense que pour ceux qui n'ont pas de diplôme, suivre une scolarité dans une école ou université afin de pouvoir échanger avec un professeur est le meilleur choix d'apprentissage. Le contenu en ligne sera lui toujours disponible en complément en cas de besoin.

A l'inverse, pour les professionnels et ceux qui possèdent déjà un diplôme, je pense que l'éducation en ligne représente un choix plus intéressant que de retourner dans une école deux fois par semaine. Il faut dire que le nombre de professionnels qui poursuivent leurs études connait une croissance très importante. Si de plus en plus de professionnels retournent dans le système éducatif, alors peut être que le marché de l'éducation se fera principalement en ligne dans les prochaines années...

Depuis sa création Coursera a levé près de 22 millions de dollars. Comment comptez-vous dépenser cet argent et quels sont vos objectifs ?

La plupart de nos dépenses sont aujourd'hui consacrées au recrutement, afin d'étoffer notre équipe composée de 24 ingénieurs en charge d'améliorer la plateforme. Enfin, nous avons également pris conscience qu'il nous serait difficile, voire impossible, de développer toutes nos idées en interne. C'est pourquoi nous avons développé une API permettant à des développeurs de construire des applications au sein de notre propre plateforme et ainsi de pouvoir potentiellement s'adresser à notre audience de plus de 3 millions d'étudiants.

Professeur associé au département des Sciences-Informatiques de Stanford, Andrew Ng devient responsable du développement de plateforme d'éducation en ligne de l'Université en 2001. A travers cette plateforme, il donne un cours sur l'intelligence artificielle qui réunit près de 100 000 étudiants. Suite à ce succès qu'Andrew cofonde Coursera en 2012, une plateforme dont le but est de proposer gratuitement en ligne des cours issus de grandes écoles.