Hugo Loriot (fifty-five) "Aux USA, Amazon pèse entre 5 et 7% du marché pub online"
Le patron de la filiale US du spécialiste français du conseil en data nous explique pourquoi Amazon a encore un long chemin à parcourir côté pub, outre-Atlantique.
JDN. Martin Sorrell, l'ancien patron de WPP, annonce qu'Amazon réalisera à terme près de 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Une prédiction qui vous semble possible vue des États-Unis ?
Hugo Loriot. En l'état ça me paraît peu probable… Oui, l'activité d'Amazon connaît une très belle croissance mais elle ne pèse pas plus de 5 à7 % du marché pub online outre-Atlantique. Oui, la plateforme a de quoi séduire tous les annonceurs de la grande conso avec une donnée intentionniste très riche qui peut les aider à mieux vendre. Mais ce sont, dans le même temps, des pans entiers de l'industrie search qui lui échappent encore, comme l'assurance, la banque ou le voyage. Pour être clair, je ne vois pas des Accor, des Allianz et cie investir sur Amazon où le volume de requêtes qui les concerne est dérisoire, voire pas pertinent. Tant qu'Amazon ne se lancera pas dans la distribution de ces verticales, pour les attirer en search, ce sera très compliqué.
Et c'est d'ailleurs le même problème qui se pose pour son activité display. Sa marge de manœuvre y est même encore plus réduite à cause du poids des plateformes "owned et operated" comme Facebook et Google. Aussi efficace soit-elle, la donnée d'Amazon est, et le sera toujours, uniquement activable au sein d'adexchanges médias ou de sa propre plateforme. Ces sources d'inventaires pèsent aujourd'hui trop peu. Pour aller chercher de la croissance en display, Amazon n'aura donc guère d'autre choix que de mieux monétiser son propre inventaire. Le groupe dispose toutefois de certains atouts avec la Fire TV où les publicités ont déjà fait leur apparition et son assistant vocal, Amazon Echo, qui peut révolutionner la relation entre les marques et leurs consommateurs.
Amazon peut tout de même se créer son propre marché avec tous ces annonceurs type FMCG qui investissent massivement en TV mais du bout des lèvres en digital…
Les grandes plateformes digitales n'ont pas encore convaincu ces annonceurs d'investir de manière plus importante, faute d'avoir réussi à prouver leur impact sur les ventes. Beaucoup ne sont pas complètement satisfaits par les offres de Facebook et Google en matière d'attribution, qu'ils jugent pas toujours fiables et compliquées à installer. Amazon, qui a une part de marché importante côté ventes online, a de ce point de vue une vraie carte à jouer. La plateforme a encore beaucoup de chemin à parcourir, en témoigne l'interface de reporting encore très basique qu'elle propose. Mais elle avance et vient de sortir en beta un outil qui permet aux annonceurs de mesurer l'impact sur leurs ventes online. Je pense que cet outil va d'abord être réservé aux clients du DSP d'Amazon puis à tous… s'il permet de montrer que l'offre pub d'Amazon est la plus efficace pour vendre sur Amazon. Il pourrait donc avoir un effet sur la part de marché pub d'Amazon.
Quid de son activité cloud Amazon Web Services ?
C'est un autre atout ! Je pense qu'Amazon va s'inspirer de son homologue chinois Alibaba et proposer aux annonceurs de construire leur propre data lake dans le cloud d'Amazon, de façon à leur permettre de construire eux-mêmes leurs audiences, de les segmenter à leur guise et de les activer en toute sécurité grâce au DSP d'Amazon. Ce sera un vrai avantage concurrentiel pour ce dernier alors que les annonceurs désirent avoir plus de maîtrise sur ce sujet.
Cet article est extrait du dernier numéro d'Adtech News, le supplément trimestriel du JDN et de CB News consacré à l'adtech et au martech. Au programme : une enquête sur la montée en puissance d'Amazon dans le marché pub, un comparatif des solutions de search retargeting, un focus sur le data lake, un guide spécial Adtech Summit...