Search ads : Apple passe à l'offensive en France

Search ads : Apple passe à l'offensive en France La firme à la pomme vient de recruter quatre collaborateurs à Paris pour accompagner les agences dans la prise en main de son offre de liens sponsorisés affichés dans l'App Store.

10 ans après une première incursion (ratée) dans le secteur de la publicité, Apple retente sa chance. Mais le groupe, qui s'était résolu à fermer sa régie publicitaire display iAd en 2016, change cette fois de stratégie. Il se concentre désormais sur le secteur du search, avec une offre baptisée Apple Search Ads qui permet aux éditeurs d'application de payer pour faire apparaître leur annonce en haut des résultats de recherche de l'App Store. Un modèle d'enchères facturées au clic qui a fait les beaux jours de Google et sa plateforme Adwords. 

"Nous avons multiplié les investissements consacrés à ce format par trois entre 2018 et 2019 en Europe"

Lancée début 2017, dans quelques pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, la plateforme Apple Search Ads est loin d'être aussi aboutie que la vache à lait publicitaire de Google. L'offre publicitaire n'est d'ailleurs arrivée en France qu'en août 2018. Encore embryonnaire, elle génère néanmoins une belle traction chez quelques spécialistes français de la promotion d'applications qui y voient l'occasion d'être moins Facebook dépendants. "Nous avons multiplié les investissements consacrés à ce format par trois entre 2018 et 2019 en Europe", révèle Manuel Pacreau, user acquisition director chez Addict Mobile.

Alors qu'elles étaient jusque-là accompagnées par des collaborateurs basés au siège londonien d'Apple, les agences françaises vont bénéficier d'un soutien plus appuyé. Apple a, en effet, recruté quatre client partners Search Ads pour son bureau parisien. Arrivés entre mars et mai 2020 à en croire leurs comptes LinkedIn, ces experts (notamment Thomas Ducret, Grégory Cirou et Constance Dadoun) ont été débauchés chez des poids lourds du secteur dont Amazon, Criteo et Facebook. Ils devraient, selon nos informations, être rejoints par quatre ou cinq nouveaux arrivants d'ici la fin de l'année. "Cela va permettre à Apple de booster le business en France, en étant plus proche de ses clients", estime Manuel Pacreau. L'ouverture d'un bureau en local est indispensable pour permettre une plateforme publicitaire d'évangéliser le marché. Facebook et Snapchat sont aussi passés par là.

"Les client partners nous donnent accès à des outils et des insights qui ne sont pour l'instant pas encore intégrés à la plateforme"

"Ces clients partners aident les agences françaises dans l'optimisation de leurs campagnes Search Ads. "Ils nous donnent accès à des outils et des insights qui ne sont pour l'instant pas encore intégrés à la plateforme", explique un patron d'agence. Il s'agit notamment de bénéficier de recommandations sur la stratégie d'enchère à mettre en place ou d'un accès à des fonctionnalités uniquement disponibles en beta. Côté agences, l'intérêt est réel. Il faut dire qu'Apple Search Ads a de quoi susciter la convoitise des spécialistes de la promotion d'applications. "C'est pour l'instant le seul emplacement publicitaire au sein de l'AppStore", rappelle Manuel Pacreau. Alors qu'Apple a tué les cookies tiers sur Safari, c'est aussi, avec la publicité in-app, un des meilleurs moyens de toucher les utilisateurs IOS. "Ces derniers sont très recherchés pour leur pouvoir d'achat supérieur à la moyenne", explique Manuel Pacreau. C'est d'autant plus vrai pour ceux qui se rendent au sein de l'App Store et qui sont, comme sur Google, en phase de recherche active. "Ce sont des utilisateurs fortement susceptibles de télécharger une application après avoir vu l'annonce", confirme Manuel Pacreau.

Apple ne dévoile pas le nombre d'utilisateurs qui se rendent quotidiennement ou mensuellement sur son App Store. La société précise toutefois que 70% des visiteurs de son store s'y rendent pour chercher une nouvelle application. Surtout, elle assure que 65% des téléchargements s'effectuent suite à une recherche au sein de l'App Store. La perspective est d'autant plus alléchante qu'Apple promet un taux de conversion de l'ordre de 50% pour son format publicitaire. Bien sûr, la performance est à relativiser au vu du nombre de conversions permises par les campagnes Search Ads. Car la plateforme ne permet évidemment pas de générer autant de volume qu'un Facebook. "On reste dépendant des requêtes réalisées par les utilisateurs, rappelle Manuel Pacreau. On ne peut pas faire de push comme en display." Et puis il faut ajouter que le parc iOS représente moins de 20% des smartphones en France. "Il faut donc passer par d'autres plateformes pour toucher les utilisateurs Android", ajoute Manuel Pacreau.

Exemple de campagne Search Ads. © Capture d'écran

Search Ads peut néanmoins permettre aux annonceurs qui se positionnent sur des mots clés très recherchés (et qui sont prêts à y mettre le prix) de générer une dizaine de milliers d'installations par mois en France, selon les estimations de Manuel Pacreau. Cela comprend les requêtes sur sa propre marque qu'il faut défendre à tout prix, pour éviter qu'un concurrent ne pique une partie de l'audience, comme les requêtes plus génériques, qui permettent de faire de l'acquisition. Tout cela a néanmoins un coût. "L'emplacement publicitaire est plus onéreux que sur Facebook parce que la concurrence est rude", chiffre Manuel Pacreau. Il n'y a pour l'instant qu'un seul emplacement publicitaire par requête. Le coût par téléchargement varie sensiblement en fonction des marques et des projets, allant de 30 centimes à 2 euros selon les calculs d'Addict Mobile.

Apple promet un taux de conversion de l'ordre de 50% pour son format publicitaire

Comme sur la plupart des environnements publicitaires, les acheteurs accèdent à de nombreuses possibilités de ciblage : socio-démo (âge, sexe), géolocalisation (pays, ville), par device (tablette ou téléphone) et par type de client (nouveaux ou existant). Ils bénéficient également de recommandations de prix d'enchères et de mots clés à cibler. "La plateforme se perfectionne au fil des jours, on accède à de plus en plus de fonctionnalités", précise Manuel Pacreau. Côté tracking, c'est encore un peu léger, avec une solution native qui permet de voir le nombre d'installations générées par campagne mais ne permet pas d'aller plus loin. "Il faut passer par une solution tierce comme Adjust, Kochava ou Appsflyer pour optimiser sa campagne en fonction des conversions in-app après l'installation", prévient Manuel Pacreau. Des mesureurs tiers qui pourraient toutefois pâtir des restrictions imposées par Apple concernant l'utilisation de l'IDFA. Elle vient en effet d'imposer aux éditeurs d'application de récolter le consentement des utilisateurs pour accéder à leur identifiant publicitaire sur iOS. De quoi susciter l'ire des principales associations du marché publicitaire européen qui crient à la pratique anti-concurrentielle. En restreignant l'utilisation de l'IDFA, Apple nuirait à l'efficacité des spécialistes du marketing mobile et favoriserait indirectement son propre service, Search Ads. Mais Manuel Pacreau n'est pas convaincu. "Search Ads pâtirait aussi de la disparition des mesureurs tiers, qui permettent à un annonceur d'avoir une vision globale et de mieux juger de son efficacité. Je pense qu'il est trop tôt pour juger des conséquences de cette annonce. Les modalités ne sont pas encore bien définies."

Une certitude toutefois, Apple va devoir faire évoluer son offre publicitaire s'il veut jouer des coudes avec le géant du secteur, Facebook. "Même en ouvrant plus d'emplacements au sein de son AppStore et en s'attaquant à de nouveaux pays, les perspectives de développement sont limitées", estime Manuel Pacreau. Reste une possibilité. Revenir à ses premiers amours : le display. "Apple est en train de se construire une base utilisateurs extrêmement fournie. Il pourrait en profiter pour mettre sur pied une régie publicitaire qui propose d'autres sources de trafic que le search." Cela constituerait néanmoins une vraie rupture avec la stratégie marketing de la firme de Cupertino, qui a fait de la vie privée des utilisateurs son premier argument commercial.