La publicité digitale : son utilité pour la société, ses problèmes actuels, les causes et comment travailler aux solutions

Liste des avantages & inconvénients de la publicité digitale pour la société dans son ensemble. Impact du manque de régulation spécifique et étude des choix d'organisation que nous devons prendre

Je n’aime pas la pub et probablement que vous non plus. C’est normal. La publicité est par nature un message que l’on n’a ni désiré ni provoqué. A l’inverse des stories de nos ami·es Instagram, d’une vidéo sur Youtube que l’on veut regarder, des résultats organiques de notre recherche web avec Google, des produits organiques (= non sponsorisés) que l’on recherche sur Amazon, ou d’un article que l’on souhaite lire sur Le Monde.

Bref la pub c’est pénible. Oui mais c’est grâce à elle que nous ne payons pas pour faire des recherches sur le web, que les réseaux sociaux sont gratuits, tout comme nous pouvons accéder à de l’information rédigée par des journalistes rémunéré·es, gratuitement.

Google maps, Waze, le moteur de recherche de Google, le navigateur web Chrome de Google, Facebook, Instragram, Snapchat, Tiktok, Linkedin, des sites d’informations comme 20 minutes, la liste des outils gratuits que nous utilisons au quotidien et qui sont financés grâce à la publicité digitale est longue.

S’il n’y avait pas de pub, que se passerait-il ? Soit chacun d’entre nous devrait payer pour utiliser ces outils. Combien seriez-vous prêt à payer pour utiliser un navigateur web et y faire des recherches chaque mois ? Soit l’Etat déciderait que ces outils sont d’utilité publique, et il règlerait la facture. Il y a de la marge pour que ce sujet soit à l’ordre du jour bien que quelques avant-gardistes comme Dominique Bouillier évoque l’idée depuis quelques années (lire « Comment sortir de l'emprise des réseaux sociaux »).

Si nous devions payer de notre poche, cela coûterait relativement plus cher aux pauvres qu’aux riches par rapport à leurs revenus (comme c’est le cas pour l’impôt de la TVA). Cela signifie que la gratuité d’outils grâce à la publicité permet de gommer une inégalité qui serait présente autrement. 

Peut-être avez-vous des exemples d’outils/services gratuits/ou moins chers, qui ne sont pas du digital, que nous utilisons au quotidien ? Comme parfois l’art, parfois les évènements sportifs, ou parfois les bus ou le métro par exemple. Je vous serais reconnaissant de les partager en commentaire, comme je ne suis pas expert de la publicité non digitale.

Les problèmes engendrés par la publicité à la société

La publicité contribue à l’hyper consommation, qui engendre elle le dérèglement climatique et plusieurs sortes de pollution (sols, air, océans..). Je n’ai pas le niveau de connaissances sur ce sujet qui me permettrait d’avoir un avis pleinement affirmé en faveur de la croissance ou de la décroissance. Si vous pensez que la décroissance est nécessaire pour l’humanité et la biodiversité, vous avez peut-être raison, et je ne pourrais pas pleinement réfuter votre opinion d’interdire/réduire la quantité de publicités dans la vie.

Je pense tout de même que la publicité est ancrée dans le propre des relations entre nous les humains. Quelqu’un qui vous arrête dans la rue pour vous parler d’un sujet que vous n’avez pas attendu : c’est une forme de publicité (que son message vous intéresse ou non).  C’est la raison pour laquelle je pense que la publicité, bien régulée dans son contenu, sa qualité et sa quantité peut aussi permettre de mieux consommer, plutôt que consommer plus. La publicité permet également d’accélérer la diffusion d’innovations à travers une population mondiale croissante, elle me semble nécessaire pour répondre à nos enjeux de communication.

Quel que soit votre opinion à ce sujet, vous serez probablement tout de même d’accord avec le fait que la publicité provoque le recueil massif de données personnelles de chacun·e de nous. Si ces données sont utilisées un jour pour d’autres finalités, pour de la discrimination par un Etat autoritaire par exemple, cela pourrait nous poser de grands problèmes dont les exemples passés ne manquent pas. Certaines données récoltées actuellement posent déjà problème comme par exemple lorsqu’elles sont utilisées par des campagnes publicitaires personnalisées d’influence sur un vote démocratique, comme c’est légalement le cas aux Etats Unis (Cambridge Analytica est le cas le plus connu à ce sujet, et Barack Obama était l’un des premiers politiques à utiliser ce type de publicités ciblées). 

Un autre problème de la publicité est sa forte consommation d’électricité avec ses serveurs, ce qui contribue au dérèglement climatique. Selon l’entreprise Fifty-Five, en moyenne une campagne de publicité digitale équivaut aux émissions carbone de 35 vols A/R Paris-New York. Par ailleurs, en regardant plus largement, le numérique est plus émetteur de CO2 (3.5% des gaz à effet de serre (GES) de la planète) que l'aviation (2%), selon l’étude de Laurie Marrauld, chercheuse de l'EHESP de Rennes.

Le trop plein de publicité créé également une pollution visuelle/d’information qui peut saturer ce que nos cerveaux ont à penser dans la journée (ce ne serait pas l’anniversaire d’un·e proche aujourd’hui ?). Il est difficile de mesurer l’impact négatif pour la société de l'accaparation de l’attention humaine. La publicité peut aussi nous amener à ne pas comparer suffisamment plusieurs produits/services (l’iphone, what else ?) avant de les acheter. Face à ce défaut d’information, le travail de labels ou d’associations comme UFC que choisir peut vous aider dans vos choix.

La publicité peut parfois nous harceler (cette marque ne quitte pas votre écran depuis ces derniers jours ?) et il n’est pas agréable de se sentir traqué. Le web est par ailleurs un espace en moyenne saturé de publicités, ce qui engendre une attention, considération & mémorisation bien plus faible par rapport à d’autres canaux de communication non-digitale, comme au cinéma (étude : Le β de mémorisation – 2018, de Dentsu).

La publicité digitale est un secteur qui n’est pas assez concurrentiel. Google, Meta & Amazon captent 66% des revenus publicitaires du digital en France (source : SRI – Observatoire ePub 2022- Février 2023). Or un secteur pas assez concurrentiel est considéré comme problématique pour la société, qui plus est, quand les entreprises concernées contrôlent le partage de l’information digitale entre les humains. Ces entreprises privées détiennent un certain pouvoir sur les représentants publics. Par exemple, un réseau social peut exclure un politique comme Donald Trump (que l'on l’aime ou pas cette décision est inquiétante selon moi). De plus, les grands groupes dont les revenus reposent sur la publicité digital (big techs) sont les champions de l’optimisation fiscale, et cela pose problème au niveau européen, en témoigne la directive de l’impôt minimum de 15% votée en 2021 et qui rentre en vigueur à partir du 31 décembre 2023.

Enfin la publicité digitale automatisée (mode d’achat programmatique) est une chaîne de valeur d’entreprises complexes, qui permet de nombreuses fraudes (exemple : publicité affichée à des robots) ou d’entourloupes légales (exemple : part non négligeable de publicités vendues mais qui n’apparaissent jamais à un écran, les fameuses impressions non visibles).

Vous avez peut-être d’autres griefs à faire à la publicité, digitale ou non digitale, n’hésitez pas à partager en commentaire.

Pourquoi tous ces problèmes ?

Principalement  parce que la publicité digitale n’a pas été spécifiquement régulée pendant ses 30 premières années (la première pub web date de 1994, et la première pub de Google de 1998). Or la publicité digitale représente aujourd’hui plus de la moitié des investissements pubs des marques en France, selon le baromètre Unifié du marché publicitaire S1 2021 Francepub / Irep / Kantar.

La première loi impactant spécifiquement son fonctionnement est la loi européenne RGPD, publiée en France depuis 2018. Cette loi a imposé notamment aux entreprises de recueillir un consentement pour l’utilisation des données personnelles. C’est la raison pour laquelle nous voyons des bandeaux cookies régulièrement depuis. Il y a aussi la directive sur le e-commerce publiée par l'Union européenne en 2020.

Les lois européennes DMA / DSA rentrent pleinement en vigueur en France à partir du 17 février 2024. Elles vont imposer des règles distinctes aux grandes entreprises dites Big Techs / Gatekeepers (Google, Meta, Apple notamment). La loi DMA vise à rendre le secteur de la publicité digitale plus concurrentiel, en limitant fortement l’auto-préférence et le partage de données personnelles entre deux produits appartement au même groupe (ex : Facebook & Whatsapp, du groupe Meta). La loi DSA vise à responsabiliser davantage les entreprises ayant plus de 45 millions d'usagers actifs mensuels sur la régulation du contenu partagé sur leur outil.

En complément de la loi, il faut également des organismes de régulation, ainsi que la justice. Actuellement 3 organismes de régulation essayent de reprendre du contrôle dans le far west de la publicité digitale : la Cnil, l’autorité de la concurrence et l’ARCOM (ex CSA-Hadopi). Ces organismes sont aux débuts de leur mission et plusieurs questions d’organisation intra & inter organismes se posent.

Que faire pour conserver l’impact social positif de la publicité digitale, sans engendrer de problème pour notre société (ou en les limitant fortement) ?

Publier et faire respecter des lois adaptées à un secteur qui évolue toujours très rapidement. Cela passe par le fait de former les législateurs et régulateurs aux spécificités techniques et aux enjeux de la publicité digitale.

Vous côtoyez du beau monde, régulateurs, députés ou sénateurs ? Woua ! Invitez-les à lire ma chronique. Ça leur fera un autre son de cloche que les lobbyistes de Google ou Meta (leur travail est utile et important, mais ce n’est pas possible que quasiment seuls quelques groupes d’entreprises parlent à celles et ceux qui font nos lois).

Les rapprochements ces dernières années entre le lobby du secteur de la publicité digitale (l’Alliance Digitale, ex IAB) et les organismes d’état indépendants (Cnil, Autorité de la concurrence & Arcom) sont un premier pas pour une régulation plus efficace. Il a notamment été productif en 2020 concernant l’interprétation et l’application de loi RGPD sur le recueil du consentement des données personnelles.

Est-il nécessaire de créer un organisme d'État indépendant spécifique à la publicité digitale ? Comme cela a été fait pour la finance de marché passé la crise des subprimes de 2008, comme nous le rappelle le livre « Le grand krach de l'attention » de Tim Hwang, qui compare ces deux secteurs ? Est-ce que l’Arcom peut monter au créneau, avec un budget renforcé ? Comment travailler avec la Cnil et l’Autorité de la concurrence, qui ont accéléré leurs travaux pour notre secteur depuis quelques années ? Comment prendre en compte les arguments des associations de protection des données personnelles comme Noyb ? Faut-il espérer créer des big techs européennes, laisser Google Meta Amazon Apple Amazon dominer le secteur, ou favoriser l’entrée des big techs chinois (BATX) ?

Je suis preneur de votre avis en commentaire.

Quel que soit le plan de la solution, il y a beaucoup à faire pour limiter les données personnelles récoltées, afin de conserver une publicité digitale bien ciblée (et donc suffisamment rémunératrice pour nous mettre à disposition des outils qui seront gratuits ou moins chers  - coucou Netflix - pour chacun). De multiples preuves techniques de récolte abusive de données personnelles sont à disposition sur l’excellent site d’un·e développeur anonyme du secteur de la publicité digitale.

Conclusion (personnelle, qui se débat)

La pub, ce n’est ni forcément bon, ni forcément mauvais. Il y a des nuances à prendre en considération, pour que la loi permette d’en tirer ses effets bénéfiques pour la société, sans qu’elle engendre les impacts néfastes actuels.

Je pense que notre société a besoin d’organismes de régulation au niveau, afin de résoudre les problèmes actuels listés dans cet article, et d’anticiper les futurs défis, notamment avec la démocratisation de l’intelligence artificielle générative.

Je n’ai volontairement pas abordé les solutions de régulation à mettre en place. C’est un travail long et complexe, qui se fera avec toutes les parties prenantes. Si vous avez des idées à partager, je serais ravi de les lire en commentaires. J’aimerais beaucoup un jour contribuer à ce travail.

Quant à vous, merci d’être allé jusqu’au bout de l’article. J’espère que vous l’avez trouvé intéressant et utile. Je serais ravi de vous lire et de vous répondre en commentaire.