Laurent Broca (Havas Media Network) "Havas Media Network finit 2024 en croissance"

Laurent Broca, CEO de Havas Media Network France, entité qui regroupe une dizaine d'agences chez Havas, partage sa prudence vis-à-vis de 2025.

JDN. Le vote de la scission de Vivendi aura lieu lundi 9 décembre. Quelles perspectives la création de Havas en tant que société à part entière ouvre pour Havas Media Network ?

Laurent Broca. Ce projet de scission est très positif pour Havas et les autres entités du groupe Vivendi, vu que chacune d'entre elles pourra valoriser ses actifs à leur juste niveau et disposera de plus de moyens de poursuivre des trajectoires de croissance et d'internationalisation. Nous pouvons même imaginer demain pour Havas des projets d'expansion à travers des alliances ou des acquisitions. Certes, rien n'est prévu pour le moment, mais ce processus ouvre de belles perspectives pour ce type de scénario tout en protégeant davantage l'actionnariat grâce notamment au choix d'Amsterdam où la règlementation est plus protectrice contre les OPA hostiles. Ce choix a également l'intérêt de renforcer la dimension internationale de Havas.

2024, est-ce une bonne année pour vous ?

Nous allons boucler une bonne année 2024, en croissance et avec un bon dernier trimestre. Nous avons vécu une année avec des vents porteurs très forts, favorisés par les Jeux olympiques et l'accélération de certaines de nos activités. Notre métier historique, de conseil média (avec Havas Media, Arena Media, Havas International, Havas City et 79, ndlr), qui représente 55% de notre activité, a été solidement porté par un certain nombre de nouveaux comptes, gagnés progressivement depuis mi-2023. Nous avons également été très offensifs commercialement sur le digital. Sur nos activités de diversification, qui pèsent pour 45%, comme le consulting tech et data (DBI) ou la création de contenus (Havas Play), là aussi 2024 a été une très bonne année.

Difficile de faire pareil en 2025 ?

Nul doute que Havas Play, qui a réalisé une année exceptionnelle en accompagnant des sponsors clés des Jeux, sentira cet impact. Cela étant, nous avons largement de quoi faire contrepoids à ces effets conjoncturels d'accélération et décélération d'une année sur l'autre. Nos activités de consulting tech et data se trouvent en forte croissance et de manière structurelle depuis plusieurs années.

"Le premier trimestre 2025 s'annonce morne"

Nous avons mis au cœur de notre proposition de valeur ce que nous appelons la business science. Cela consiste à mesurer et à comprendre l'impact des moyens marketing sur les performances médias et busines des entreprises que nous accompagnons en plaçant l'IA dans tous nos produits. Converged, notre plateforme d'audiences alimentée par l'IA, en est un bon exemple. Notre mesure par modélisation économétrique en est un autre. Troisième illustration : l'acquisition que nous avons réalisée cette année de Ted, spécialisée en RPIA (robotic process through IA).

Mais il n'y a pas que nos produits qui doivent être alimentés par l'IA : toute la chaîne des opérations de nos agences doit être revue, analysée et transformée en intégrant les capacités de l'IA. Nous avons encore beaucoup à faire pour libérer nos ressources humaines vers des activités de réflexion afin de délivrer encore plus d'intelligence et de proactivité au conseil. Nous continuerons de stimuler cette croissance que ce soit de manière organique ou à travers de nouvelles acquisitions.

Et pour le marché, comment voyez-vous venir 2025 ?

Nous observons déjà un retour à la réalité en cette fin d'année un peu plus tendu notamment du côté des régies. Cela s'explique par une attitude sans doute plus prudente des annonceurs, ce qui contraste avec la première partie de l'année marquée par l'euphorie des Jeux. Le premier trimestre 2025 s'annonce morne. Traditionnellement déjà, le premier trimestre n'est pas une période de forts investissements pour la plupart des marques sur le digital. S'y ajoutent les incertitudes politiques et économiques, avec bon nombre d'annonces de plans sociaux qui s'enchainent. On entend que l'inflation serait en perte de vitesse, pour autant la consommation n'est toujours pas véritablement repartie, elle est même en rétraction pour ce qui est du panier moyen. Tout cela n'est pas très encourageant pour le secteur de la communication d'une manière générale. 2025 est une année qui exigera encore plus de fermeté sur ses convictions et de courage pour ses orientations stratégiques afin de ne surtout pas arrêter de se transformer.