L'avenir de la conception basée sur la simulation et l'impact de l'informatique quantique sur le monde réel

L'informatique quantique va transformer la mécanique des fluides numérique, avec des simulations plus rapides et précises, ouvrant la voie à des conceptions plus écologiques, fiables et économiques.

En ingénierie, comprendre l’interaction entre les différents éléments physiques peut faire toute la différence entre une piètre conception et des performances supérieures. Qu’il s’agisse de concevoir la résistance d’une bouilloire, le moteur d’un avion ou la turbine d’une centrale électrique, les ingénieurs doivent tout d’abord simuler et analyser la manière dont leur création va réagir dans différentes conditions extrêmes en termes de température, de pression, de bruit et de vibrations.

De nos jours, la mécanique des fluides numérique (MFN) est largement utilisée dans les applications industrielles pour simuler les effets des gaz et des liquides, ainsi que du flux et de l’échange de chaleur, sur une conception. La MFN est essentielle pour aider les constructeurs automobiles à concevoir des véhicules plus aérodynamiques et les sociétés aéronautiques à optimiser le flux d’air sur les ailes d’un avion.

Toutefois, à l’heure où l’informatique quantique se profile à l’horizon (et ce, même s’il faudra peut-être encore patienter quelques années), la MFN pourrait changer du jour au lendemain. En quoi la prochaine évolution de l’informatique va-t-elle impacter la MFN ? Le secteur de l’ingénierie est-il prêt pour ce changement ?

La prochaine étape de la MFN

La MFN implique des simulations informatiques énergivores et complexes des phénomènes physiques qui requièrent des solutions numériques perfectionnées. L’augmentation du nombre de variables prises en compte peut améliorer la précision de la simulation et donc l’efficacité de la conception finale, mais les ordinateurs classiques mettent de plus en plus de temps à les traiter. Même les super-ordinateurs les plus puissants du moment peuvent uniquement simuler ces interactions jusqu’à un certain degré de précision.

Il importe de créer des simulations MFN plus précises et plus sophistiquées non seulement pour optimiser la conception d’équipements avancés en termes d’aérodynamique et de thermodynamique, mais aussi pour améliorer leur fiabilité et leur durabilité. Les entreprises étant nombreuses à viser le zéro émission en matière de CO2, la fabrication de produits plus respectueux de l’environnement est essentielle. Ces produits devront être plus efficients, plus sobres, nécessiter moins de matières premières pour leur fabrication et durer plus longtemps avant de tomber en panne ou de devoir être remplacés. Malheureusement, les améliorations apportées à la sophistication des simulations MFN nécessaires pour atteindre ces objectifs zéro mettent déjà à mal les limites des super-ordinateurs classiques.

De plus, les ressources de supercalculateurs étant limitées, les entreprises doivent souvent faire des choix entre les conceptions et les applications qu’elles souhaitent analyser à l’aide des simulations MFN les plus avancées. Souvent, seuls les éléments les plus critiques d’une conception sont simulés. 

Cependant, avec l’avènement de l’informatique quantique, tout cela pourrait bien changer. Par nature, avec l’informatique quantique, la résolution de ce type de problème (à savoir le traitement de grandes quantités d’équations linéaires) exige beaucoup moins de ressources : elle peut s’adapter plus facilement à mesure que le nombre de variables augmente. En d’autres termes, un problème de simulation qu’un super-ordinateur aurait du mal à traiter pourrait être résolu plus facilement et plus rapidement à l’aide d’un ordinateur quantique.

L’augmentation de l’efficacité de la simulation, associée à la diminution des ressources requises, augmente considérablement les possibilités offertes quant à ce qui peut être simulé et rend les grandes simulations MFN plus abordables. Les entreprises qui ont besoin d’utiliser des simulations MFN peuvent envisager d’analyser leurs conceptions dans leur intégralité et pas seulement les composants les plus critiques. Elles peuvent le faire pour davantage d’applications, mieux maîtriser les coûts impliqués et le temps requis pour produire des résultats, et accélérer le développement de nouveaux produits.

Profiter de l’avantage quantique

Même s’il faudra encore des années pour concevoir un ordinateur quantique en mesure de résoudre un problème plus vite qu’un ordinateur classique (ce qu’on appelle l’avantage quantique), les entreprises doivent être préparées pour le jour J. Les algorithmes quantiques capables d’effectuer des simulations MFN existent déjà.

Le plus connu d’entre eux est l’algorithme HHL qui porte le nom de ses créateurs Harrow, Hassidim et Lloyd. Cet algorithme quantique fondamental conçu pour résoudre des ensembles d’équations linéaires promet des calculs plus rapides que ses homologues classiques. Le niveau de précision d’un circuit exécutant l’algorithme est influencé par divers facteurs, notamment par les différentes mises en œuvre des fonctions quantiques, le nombre de qubits et la complexité du circuit. Néanmoins, une recherche conduite par NVIDIA ayant simulé la durée d’exécution de l’algorithme montre que le fait d’augmenter le nombre de GPU utilisés dans le simulateur quantique d’un nombre fixe de qubits peut réduire la durée des calculs dans un même ordre de grandeur.

En marge de ces développements, de nombreuses entreprises ont pris des mesures afin de s’assurer de disposer des capacités requises pour profiter de l’avantage quantique dès qu’il sera disponible. Le constructeur britannique Rolls-Royce a annoncé l’année dernière qu’à l’aide d’une plateforme informatique quantique, il avait conçu et simulé le plus grand circuit informatique quantique au monde pour la MFN, lequel circuit est constitué de 10 millions de couches et dispose de 39 qubits.

Rolls-Royce prévoit d’utiliser ce circuit pour modéliser les performances de ses conceptions de moteurs d’avion dans le cadre de simulations associant des méthodes de calcul classiques et quantiques. Cela contribuera à réduire les coûts et les problématiques de calcul lors de la conception de moteurs d’avion. À long terme, cela pourrait aussi permettre à la société de concevoir une technologie aéronautique plus durable.

Pour un monde plus vert et plus sûr

En plus d’aider les entreprises à concevoir des produits moins énergivores et plus durables, des simulations améliorées pourraient les rendre plus sûrs.

Dans le monde actuel, les ingénieurs doivent élaborer des modèles de test d’une conception afin de procéder aux contrôles de sécurité avant de pouvoir lancer la production. Souvent, ces modèles échouent, car un détail a été omis dans les calculs. Avec des simulations plus précises capables de traiter simultanément davantage d’interactions entre les variables, il serait possible d’effectuer de nombreux contrôles de sécurité au format informatique, ce qui réduirait les coûts initiaux de ces contrôles tout en faisant gagner du temps. Cela renforcerait la confiance des constructeurs dans leurs conceptions et leur permettrait de lancer la production plus rapidement.

Les simulations physiques optimisées par la technologie quantique portent en elles un formidable potentiel. Les constructeurs doivent réfléchir à la manière dont ils vont intégrer les calculs quantiques dans leur processus de conception afin d’être prêts à profiter de l’avantage quantique le moment venu.