La Cour suprême des Etats-Unis examine l'appel de Nvidia dans une affaire de fraude financière
Au cœur d'une bataille judiciaire complexe, Nvidia fait face à des accusations d'avoir dissimulé l'influence du marché des cryptomonnaies sur ses résultats, un enjeu crucial pour les droits des investisseurs.
Nvidia, leader des puces d'intelligence artificielle, est accusé d'avoir trompé ses investisseurs en sous-estimant l'impact de ses ventes liées aux cryptomonnaies. Cette affaire, portée par des investisseurs menés par une société suédoise, met en lumière des questions centrales de transparence financière et de protection des droits des actionnaires privés. Alors que la Cour suprême doit se prononcer, ce cas pourrait redéfinir les critères de poursuites en matière de fraude financière.
Une accusation de fraude fondée sur la dépendance aux cryptomonnaies
L'affaire remonte à 2018, lorsque les investisseurs ont intenté une action collective contre Nvidia pour avoir, selon eux, dissimulé l'importance de ses ventes de puces destinées au minage de cryptomonnaies, en plein essor à l'époque.
Entre 2017 et 2018, alors que les prix des cryptomonnaies comme le bitcoin et l'ether montaient en flèche, Nvidia a enregistré une forte demande pour ses puces, particulièrement adaptées au cryptomining. Cette activité, très consommatrice en matériel informatique, impliquait des équations complexes pour sécuriser des transactions sur des blockchains.
La hausse de la demande pour ces puces, bien que lucrative à court terme, était intrinsèquement risquée, le marché des cryptomonnaies étant marqué par une volatilité importante. Lorsque la rentabilité du minage a chuté en 2018, les ventes de Nvidia ont été impactées, et ses actions ont perdu en valeur. Les investisseurs reprochent à Nvidia et à son PDG, Jensen Huang, d'avoir minimisé l'impact de cette chute pour rassurer les marchés, les induisant ainsi en erreur sur la véritable santé financière de l'entreprise.
Les recours juridiques et le soutien de l'administration Biden
Les plaignants, dirigés par la société de gestion suédoise E. Ohman J:or Fonder AB, ont initialement vu leur plainte rejetée par un tribunal fédéral, mais elle a été relancée par la 9e Cour d'appel des États-Unis à San Francisco. Cette cour a jugé que les plaignants avaient présenté suffisamment d'éléments pour accuser Nvidia de déclarations "fausses ou trompeuses", faites avec "connaissance de cause ou imprudence", selon Reuters. Les plaignants s'appuient sur des témoignages d'anciens employés, des analyses de marché et des avis d'experts pour étayer leur argument.
Pour sa défense, Nvidia conteste l'interprétation des plaignants en affirmant que les déclarations incriminées ne constituent pas une fraude, et que la société n'avait pas l'obligation de détailler la part de son activité liée aux cryptomonnaies. Nvidia a souligné que les déclarations faites en 2017 et 2018 ne satisfaisaient pas le seuil juridique de preuve exigé par la loi fédérale de 1995, le Private Securities Litigation Reform Act, qui impose des critères stricts pour éviter les recours abusifs.
Notamment, l'administration Biden soutient les actionnaires dans cette affaire, arguant que des protections doivent rester accessibles aux investisseurs privés. Cette intervention fédérale pourrait influencer la décision de la Cour suprême, en soulignant l'importance de la transparence dans les marchés financiers.
Un précédent potentiel pour les litiges financiers
L'enjeu de cette affaire va au-delà de la simple accusation de fraude financière : il pourrait redéfinir les règles d'engagement des actions collectives en matière de valeurs mobilières. Les récents jugements de la Cour suprême, désormais à majorité conservatrice, tendent à limiter les recours juridiques des investisseurs privés, et l'issue de ce cas pourrait renforcer cette tendance. En juin, des décisions de la Cour avaient déjà affaibli les pouvoirs de la Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme fédéral chargé de réguler le secteur boursier.
Dans un contexte où la capacité des agences fédérales à surveiller les fraudes est limitée par des moyens financiers restreints, les actions collectives constituent un mécanisme essentiel pour les investisseurs. En cas de succès pour Nvidia, ce verdict pourrait ainsi poser des barrières supplémentaires pour d'autres investisseurs cherchant à obtenir réparation pour des pratiques financières qu'ils considèrent trompeuses.
Enfin, ce procès pourrait également affecter d'autres grandes entreprises de la tech qui, comme Nvidia, opèrent dans des secteurs souvent marqués par la volatilité des marchés. La décision de la Cour, attendue d'ici la fin juin, pourrait ainsi résonner dans l'ensemble du secteur, redéfinissant les responsabilités des entreprises face à leurs actionnaires.