Défense européenne : l'UE sous pression face aux géants de l'armement mondial

Défense européenne : l'UE sous pression face aux géants de l'armement mondial Face à la hausse des tensions internationales et des budgets militaires, l'industrie de défense européenne peine à rivaliser avec les géants américains et asiatiques.

Dans un contexte de guerre en Ukraine et de tensions en Asie, l'industrie mondiale de l'armement connaît une croissance importante. Pourtant, les industriels européens peinent à transformer l'augmentation des budgets militaires en progression significative de leurs revenus. Face à des défis structurels et une dépendance aux importations, l'autonomie stratégique de l'Union européenne est plus que jamais remise en question.

Une croissance mondiale contrastée

En 2023, le chiffre d'affaires des 100 principaux producteurs d'armement a augmenté de 4,2% pour atteindre 632 milliards de dollars, selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), relayé par Le Figaro. Cependant, les industriels européens se distinguent par leur stagnation. Les 27 groupes européens de ce classement n'ont enregistré qu'une hausse de 0,2%, atteignant 133 milliards de dollars.

Le SIPRI souligne que cette faible performance résulte principalement des délais de production liés à la fabrication de systèmes d'armes complexes. "Ces systèmes d'armes complexes ont des délais de production plus longs (…). Les entreprises qui les produisent sont donc par nature plus lentes à réagir aux changements de la demande" indique le rapport.

Certaines entreprises comme Nexter ont toutefois tenté de s'adapter. Le fabricant du canon Caesar a réduit ses délais de production de 30 à 15 mois et triplé ses cadences pour répondre aux besoins de l'Ukraine. Malgré cela, ces initiatives restent insuffisantes face à la demande croissante et aux performances des concurrents internationaux.

Une dépendance accrue aux importations

Bien que les budgets militaires européens aient augmenté de 31% depuis 2021 pour atteindre 326 milliards d'euros en 2024, selon l'Agence européenne de défense (AED), l'Union européenne reste fortement dépendante des importations. Entre 2022 et 2023, 78% des acquisitions militaires ont été réalisées en dehors de l'UE, dont 63% proviennent des États-Unis.

Cette situation inquiète les responsables européens. "Nous n'avons ni l'argent, ni les stocks, ni les capacités de production", a déclaré Diego De Ojeda Garcia Pardo, chef de la politique de défense de l'UE. La guerre en Ukraine a mis en lumière ces failles, en vidant les stocks européens sans permettre leur reconstitution rapide.

Pour remédier à cette dépendance, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé la rédaction d'un livre blanc sur la défense. Ce document devrait détailler les financements nécessaires pour renforcer les capacités industrielles européennes, estimés à 500 milliards d'euros.

Des concurrents plus dynamiques

Alors que l'Europe reste à la traîne, les industriels américains et asiatiques continuent de progresser. Aux États-Unis, les 41 entreprises classées dans le top 100 ont généré 317 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 2,5%. Bien que certains groupes comme Lockheed Martin et RTX aient vu leurs ventes diminuer légèrement en raison de problèmes d'approvisionnement, la majorité a profité de la hausse des commandes mondiales.

En Asie, la croissance est encore plus marquée. Les entreprises sud-coréennes ont enregistré une augmentation de 39% de leurs revenus, portée par des contrats majeurs avec la Pologne. Parmi ces contrats figurent la vente de plus de 1 000 tanks Black Panther et 300 lance-roquettes Chunmoo. "Les quatre entreprises basées en Corée du Sud ont enregistré une augmentation de 39% de leurs chiffres d'affaires combinés pour atteindre 11,0 milliards de dollars", souligne le SIPRI, cité par Opex360.

Ces chiffres illustrent la réactivité des concurrents internationaux, contrastant avec la lenteur structurelle de l'Europe. Airbus, leader européen, n'a pas bénéficié de l'augmentation de la demande en raison de sa dépendance à des contrats anciens.