Paiements en ligne : l'Europe cible Visa, MasterCard et Apple Pay
En Europe, les paiements numériques se sont imposés comme une solution de référence pour des millions de consommateurs et de commerçants. Cependant, les géants du secteur comme Visa, MasterCard et les portefeuilles numériques tels qu'Apple Pay ne bénéficient pas encore d'un cadre réglementaire strict. L'Union européenne travaille sur des réformes pour instaurer davantage de transparence et mieux superviser ces acteurs, dont l'influence sur le marché ne cesse de croître.
Encadrement des paiements numériques
Les portefeuilles électroniques, tels qu'Apple Pay, Google Pay et Samsung Pay, sont aujourd'hui régis par les règles de l'Eurosystème applicables aux instruments, schémas et solutions de paiement. Toutefois, ce cadre, appelé PISA (Payment Instruments, Schemes and Arrangements), se limite à des exigences légères, sans sanctions spécifiques.
La révision en cours de la directive sur les services de paiement (DSP3) et du règlement sur les services de paiement (PSR) vise à instaurer un cadre spécifique pour ces acteurs. Cela inclurait des règles adaptées à leur rôle de plus en plus central dans le système financier, notamment en matière de prévention des fraudes et de lutte contre le blanchiment.
Selon un rapport récent de l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), ces acteurs soulèvent des problématiques spécifiques liées aux risques opérationnels et au respect des exigences réglementaires.
En parallèle, la position française, soutenue par l'Italie et le Portugal d'après Les Echos, plaide pour que ces acteurs soient soumis à des obligations accrues de transparence. Il s'agirait, par exemple, de clarifier les conditions imposées aux banques pour intégrer leurs services et garantir la sécurité des accès.
Frais de paiement, un débat européen et mondial
Les frais appliqués par les réseaux de cartes comme Visa et MasterCard sont également au cœur des préoccupations. Si les frais d'interchange ont été plafonnés à 0,2% pour les cartes de débit et 0,3% pour les cartes de crédit par un règlement européen en 2015, les frais de réseaux, eux, restent non régulés. Ces coûts, supportés par les commerçants, ont augmenté ces dernières années, selon des plaintes relayées auprès de la Commission européenne.
L'association Ecommerce Europe, qui regroupe des enseignes comme Ikea et H&M, a récemment appelé à une transparence accrue des frais facturés par ces réseaux. Cela permettrait une meilleure comparabilité entre les offres et inciterait les prestataires à ajuster leurs prix en fonction des coûts réels, plutôt que de maximiser leurs marges.
Aux États-Unis, un débat similaire fait rage. Une proposition de loi, le Credit Card Competition Act, cherche à limiter le duopole de Visa et MasterCard, qui contrôlent 80% du marché américain. Ce texte obligerait les banques ayant plus de 100 milliards de dollars d'actifs à proposer au moins un réseau alternatif. Ce modèle s'inspire notamment de la France, où les banques utilisent également le réseau domestique CB.
L'Europe face à ses enjeux de souveraineté et d'harmonisation
Au-delà des problématiques financières, cette régulation pose des questions stratégiques pour l'Union européenne. L'objectif est double : réduire la dépendance envers des entreprises américaines comme Visa et Apple Pay, et favoriser l'émergence d'alternatives locales. Cette démarche vise aussi à harmoniser les pratiques réglementaires entre États membres, afin de garantir un cadre unifié pour l'ensemble des acteurs du marché.
Dans ce contexte, la France pousse pour une action rapide, sans attendre les conclusions des enquêtes en cours. Toutefois, cette approche se heurte à des résistances, notamment de l'Allemagne et des pays nordiques, qui privilégient une démarche plus progressive.