L'Union européenne sort l'arme de la taxe numérique face aux taxes américaines
L'Union européenne prépare une réponse aux nouvelles taxes douanières annoncées par Donald Trump. Les services numériques américains sont désormais au cœur des discussions entre États membres.
Une riposte en deux temps contre les taxes de Donald Trump
Le 2 avril, Donald Trump a signé un décret imposant de nouveaux droits de douane sur les importations aux États-Unis. Le texte prévoit 10% de taxes minimum sur tous les produits étrangers et 20% sur ceux en provenance de l'Union européenne. Ces mesures, qualifiées de "réciproques" par l'exécutif américain, s'appliqueraient dès le 5 avril, avec une mise en œuvre complète à partir du 9 avril.
L'Union européenne a réagi rapidement. La porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, a déclaré sur RTL le 3 avril qu'une "première riposte sera efficiente à peu près à la mi-avril, qui va correspondre à sa première attaque sur l'aluminium et l'acier", citée par Le Figaro. Une seconde série de mesures est attendue "à la fin du mois d'avril sur l'ensemble des produits et des services". Cette réponse progressive est en cours de négociation entre les États membres.
Parmi les secteurs visés dans cette phase, les services numériques tiennent une place centrale. "On va attaquer aussi les services. C'est par exemple les services numériques qui aujourd'hui ne sont pas taxés et qui pourraient l'être, les Gafam par exemple", a précisé Sophie Primas.
Les géants du numérique ciblés par une taxation européenne
Les services numériques américains — plateformes de streaming, services cloud, moteurs de recherche ou réseaux sociaux — sont directement concernés par cette orientation. L'idée d'une taxation de ces acteurs n'est pas nouvelle, mais elle pourrait cette fois s'inscrire dans un cadre de représailles commerciales.
Selon Libération, Marianne Lumeau, enseignante-chercheuse à l'université de Rennes, estime qu'une telle mesure "pourrait se traduire par une taxe supplémentaire sur la publicité en ligne, sur les prestations de mise en relation, c'est-à-dire sur les plateformes comme Amazon". Elle évoque aussi la possibilité d'une extension "au commerce en ligne, au service de cloud ou de messagerie".
En France, une taxe sur les services numériques existe déjà depuis 2019. D'un taux de 3%, elle rapporte environ 800 millions d'euros par an selon les données reprises par BFMTV. Une généralisation de cette imposition au niveau européen est désormais envisagée. Manfred Weber, président du groupe PPE au Parlement européen, a rappelé que "nous avons un excédent sur les produits, mais les États-Unis ont un excédent sur les services numériques. Les géants du numérique paient peu pour notre infrastructure numérique, dont ils bénéficient tant".
Un impact attendu sur les consommateurs et les filières européennes
Les répercussions de ce bras de fer commercial s'annoncent concrètes pour les secteurs exportateurs. La filière vins et spiritueux est particulièrement exposée. "Nous sommes à peu près sûrs qu'effectivement nous allons avoir des effets récessifs sur la production", a alerté Sophie Primas. Le président Emmanuel Macron a convoqué une réunion à l'Élysée ce 3 avril avec les représentants des secteurs potentiellement touchés par les mesures américaines.
À plus long terme, une hausse des prix des services numériques utilisés quotidiennement par les Européens est aussi envisagée. Des inquiétudes grandissent autour des abonnements à Netflix, Disney+ ou aux services de cloud. Les prix pourraient augmenter si de nouvelles taxes venaient à être appliquées.
Marianne Lumeau rappelle que ces évolutions posent aussi "la question de la souveraineté et de la dépendance européenne", notant que l'Europe reste le deuxième marché mondial des services numériques, derrière l'Amérique du Nord.