L'alerte rouge de la Cour des comptes face au gouffre budgétaire de la sécurité sociale
La Cour des comptes met en garde contre une détérioration rapide et profonde des comptes de la Sécurité sociale. Le déficit s'accroît au-delà des prévisions, la dette s'alourdit, et une crise de liquidité n'est plus exclue à l'horizon 2027.
Des dépenses qui s'envolent, des recettes en repli, une dette qui explose
En 2024, le déficit de la Sécurité sociale a atteint 15,3 milliards d'euros, selon le rapport rendu public par la Cour des comptes le 26 mai. Ce montant marque une hausse de 4,8 milliards par rapport à la prévision initiale, et représente 0,4% du PIB. D'après l'analyse relayée par Le Figaro, cette dégradation s'explique par des dépenses mal maîtrisées, notamment dans la branche maladie, qui concentre 90% du déficit, ainsi que par une surestimation des recettes fiscales.
Le plafond de dépenses de santé (Ondam), fixé à 254,9 milliards d'euros, a été dépassé de 1,5 milliard, en raison d'une progression des soins de ville et d'un déficit hospitalier estimé à 3 milliards d'euros. Parallèlement, les allégements de cotisations patronales non compensés par l'État ont entraîné une perte nette de 5,5 milliards d'euros, sur un total de 77,3 milliards de mesures en 2024.
Du côté des recettes, la croissance de la TVA et de la masse salariale du secteur privé a été inférieure aux hypothèses initiales. Ces écarts ont conduit à un manque à gagner de 3,7 milliards d'euros, selon la Cour.
Une crise de liquidité possible dès 2027 selon les magistrats de la rue Cambon
Le poids de la dette sociale inquiète particulièrement les rapporteurs. Depuis 2024, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ne prend plus en charge les nouveaux déficits, ayant atteint son quota légal. Le fardeau est désormais porté par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). En 2025, elle devra couvrir 41 milliards d'euros, un volume qui pourrait tripler d'ici 2028, selon Le Monde.
L'Acoss finance cette dette sur les marchés à court terme, mais la Cour alerte sur une saturation possible : au-delà de 70 milliards d'euros par an, le marché pourrait ne plus répondre. Ce niveau serait atteint dès 2027, posant un risque de non-financement des prestations sociales.
L'institution rappelle qu'en 2020, en pleine crise sanitaire, l'Acoss avait déjà dû emprunter 20 milliards d'euros à la Caisse des dépôts et consignations et à un pool bancaire, faute de pouvoir lever suffisamment sur les marchés.
Des mesures prévues mais jugées insuffisantes par la Cour des comptes
Pour 2025, la Cour estime que contenir le déficit à 22,1 milliards d'euros supposerait une économie de 5,2 milliards d'euros sur l'assurance maladie. Ce montant est qualifié d'effort "sans précédent" par Pierre Moscovici, président de la Cour, qui a déclaré :
"Il faut que chacun se rende compte de la gravité de la situation", cité par Les Échos lors de la présentation du rapport.
La dérive devrait se poursuivre jusqu'en 2028, avec un déficit attendu à 24,1 milliards d'euros. À cette date, la dette sociale totale dépasserait 180 milliards d'euros. Parmi les leviers évoqués figurent l'extension de la durée de vie de la Cades ou l'attribution de ressources supplémentaires. Mais ces options nécessitent des réformes juridiques complexes, peu assurées d'être votées dans un contexte parlementaire fragmenté.
Enfin, la Cour évoque des actions de contrôle plus efficaces. En 2024, l'Assurance maladie a détecté 628 millions d'euros de fraudes, soit une hausse de 35% par rapport à 2023. Un progrès salué mais jugé marginal face aux montants en jeu.