Face à Donald Trump, l'Union européenne brandit son arme commerciale la plus redoutée

Adrien Bar Hiyé

Face à Donald Trump, l'Union européenne brandit son arme commerciale la plus redoutée Les négociations en cours à Washington n'empêchent pas les Vingt-Sept d'élaborer un plan de riposte, qui inclurait des restrictions sur les services financiers et numériques venus d'outre-Atlantique.

L'Union européenne prépare une réponse graduée à l'instauration par les États-Unis de droits de douane de 30% sur ses importations. En parallèle des discussions engagées avec Washington, l'exécutif européen envisage, pour la première fois, de recourir à un outil adopté en 2024. L'instrument anti-coercition.

Les services américains ciblés en cas d'échec des négociations

Le 12 juillet, Donald Trump a annoncé l'imposition de droits de douane de 30% sur l'ensemble des importations en provenance de l'Union européenne à compter du 1er août. Cette mesure unilatérale a surpris les Vingt-Sept, qui misent encore sur une issue négociée. Le vice-président de la Commission européenne chargé du commerce, Maros Sefcovic, s'est rendu à Washington le 16 juillet pour rencontrer ses homologues américains. Aucun détail n'a été communiqué par la Commission sur le contenu des échanges.

L'Union européenne a établi une première liste de biens susceptibles d'être taxés en retour, incluant les avions, les voitures et le bourbon. Mais les discussions en cours entre États membres évoquent désormais une extension aux services, y compris les entreprises technologiques et les institutions financières américaines. Selon des diplomates européens cités par BFMTV, ces secteurs pourraient faire l'objet de restrictions d'accès aux marchés publics européens.

Cette riposte pourrait se faire de manière progressive. L'un des diplomates, relayé par La Presse, évoque la possibilité de commencer par taxer progressivement les produits américains, avant de passer aux services si nécessaire. À l'inverse, un autre représentant juge que l'Union n'a d'autre choix que de répondre de façon ferme. À ce stade, tous les scénarios sont envisagés, tout en poursuivant les démarches diplomatiques.

L'instrument anti-coercition, une réponse inédite envisagée par Bruxelles

En arrière-plan de cette montée des tensions, un dispositif réglementaire jusque-là jamais utilisé est évoqué par plusieurs États membres, dont la France : l'instrument anti-coercition. Ce texte européen, validé en 2024, repose sur l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il permet à l'UE de réagir lorsqu'un pays tiers exerce une pression économique pour influencer ses décisions politiques.

Plusieurs mesures sont envisagées. Certaines entreprises étrangères pourraient perdre leurs autorisations ou voir leurs projets gelés. D'autres pourraient se voir exclues des marchés publics. Ce mécanisme n'est ni une taxe ni un outil fiscal. Pourtant, il peut viser tout type de produit ou service. Il a été pensé après des tensions comme le conflit commercial entre la Chine et la Lituanie. Il répond aussi aux sanctions russes sur l'énergie.

La France encourage une application concrète de ce règlement si les négociations échouent. Benjamin Haddad, ministre chargé des Affaires européennes, a déclaré : "Dans cette négociation, vous devez faire preuve de force, de force, d'unité et de détermination". Il estime que "nous pouvons aller plus loin" que les contre-mesures déjà envisagées par la Commission européenne, qui couvriraient près de 100 milliards d'euros d'échanges commerciaux.

L'exécutif européen temporise. S'exprimant devant des journalistes le 14 juillet, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a rappelé que "l'ACI a été créé pour les situations exceptionnelles" et que "nous n'en sommes pas encore là". En raison de sa complexité juridique, cet outil nécessite plusieurs mois de procédure avant toute entrée en vigueur.

Une riposte encore en suspens à deux semaines de l'échéance

Alors que la date du 1er août approche, l'Union européenne temporise, mais prépare un éventail de mesures susceptibles d'être mises en œuvre rapidement. La Commission européenne poursuit ses consultations internes avec les États membres pour définir une réponse proportionnée et juridiquement solide. Le déclenchement de l'instrument anti-coercition reste à ce stade conditionné à l'échec formel des discussions en cours avec l'administration américaine.

À Bruxelles, la possibilité d'un affrontement commercial prolongé n'est pas écartée, même si plusieurs capitales espèrent encore parvenir à un compromis à l'issue des discussions entamées par Maros Sefcovic. Dans l'immédiat, aucune mesure concrète n'a encore été adoptée, mais la préparation logistique et juridique est en cours.