Fonds de litiges : vers une réglementation stricte en Europe
Les fonds de litiges, en forte expansion en Europe, sont devenus des acteurs incontournables des grandes affaires judiciaires. Leur modèle économique, qui consiste à financer les frais de justice en échange d'une part des indemnisations, soulève à la fois des espoirs pour l'accès à la justice et des préoccupations quant aux dérives potentielles. Dans ce contexte, la Commission européenne étudie la possibilité d'une régulation stricte pour encadrer cette pratique.
L'ascension des fonds de litiges en Europe
Les fonds de litiges ont pris une ampleur considérable en Europe, inspirés par un modèle déjà bien implanté aux États-Unis. Ces fonds, qui disposent actuellement de 15 milliards de dollars d'actifs sous gestion, se positionnent comme des alliés pour les plaignants dans des affaires complexes et coûteuses.
Par exemple, le fonds américain Gramercy a récemment investi plus de 550 millions de livres (environ 650 millions d'euros) pour financer une action collective de 700 000 plaignants contre les géants miniers BHP et Vale, illustrant l'ampleur des opérations soutenues par ces entités.
Cette expansion n'est pas sans inquiéter les autorités et les grandes entreprises. En effet, les fonds de litiges se trouvent souvent impliqués dans des affaires sensibles, telles que le "dieselgate", où ils financent les procédures contre des constructeurs automobiles accusés de fraude aux émissions. Les critiques pointent du doigt les commissions prélevées par ces fonds, qui peuvent atteindre 20 à 50% des dommages et intérêts obtenus, ce qui pourrait, selon eux, nuire aux plaignants eux-mêmes.
Selon Neil Purslow, cofondateur de Therium et président de l'International Litigation Funding Association (Ilfa) cité par Les Echos, "L'Europe représente l'un des plus gros potentiels de croissance pour les fonds de litiges, notamment avec la transposition de la directive sur les actions collectives". Cette perspective alimente les discussions sur la nécessité d'une régulation pour éviter les dérives tout en préservant l'accès à la justice pour les plaignants.
Les appels à une régulation européenne
La Commission européenne a lancé un audit sur les fonds de litiges, dont les résultats détermineront si des régulations doivent être mises en place. L'Allemagne a déjà pris des initiatives en plafonnant la part des indemnisations pouvant être reversées aux fonds à 10%, une mesure visant à protéger les plaignants d'une ponction excessive sur leurs gains.
L'American Chamber of Commerce (AmCham), représentant les intérêts des grandes entreprises, est particulièrement critique envers les fonds de litiges selon Economie Matin, qu'elle accuse de faire monter artificiellement les coûts des contentieux.
"Les fonds de litiges agissent pour leur propre intérêt économique plutôt que celui des plaignants", a déclaré Axel Voss, parlementaire européen. Il appelle à plafonner les commissions pour limiter l'influence de ces entités sur le déroulement des procédures judiciaires.
En parallèle, la Chambre de commerce des Etats-Unis souligne le risque que représentent les financements étrangers dans les litiges sensibles, évoquant des cas où des oligarques russes auraient financé des contentieux pour contourner les sanctions internationales.
Vers un avenir régulé pour les fonds de litiges ?
Alors que le débat sur la régulation des fonds de litiges en Europe se poursuit, plusieurs voix s'élèvent pour souligner les risques d'une législation trop stricte. Certains acteurs de l'industrie craignent que des restrictions trop sévères n'entravent l'accès à la justice pour les particuliers et les petites entreprises.
Wieger Wielinga, président de l'European Litigation Funders Association (Elfa), estime que "les fonds de litiges facilitent l'accès à la justice et rétablissent l'équilibre des forces face à des multinationales aux ressources généralement quasi illimitées", une position partagée par plusieurs investisseurs du secteur.
En réponse à ces préoccupations, la Commission européenne devrait bientôt se prononcer sur l'opportunité de légiférer, ce qui pourrait marquer un tournant pour l'industrie des fonds de litiges en Europe.