Déficit public : Bercy contraint de revoir sa copie face au ralentissement économique

Déficit public : Bercy contraint de revoir sa copie face au ralentissement économique Entre recettes fiscales incertaines, inflation plus faible que prévue et charge de la dette alourdie, plusieurs paramètres remettent en cause les équilibres votés.

La croissance française ralentit plus que prévu, compliquant l'application du budget 2025. Les prévisions officielles sont remises en question, et les premières conséquences budgétaires se dessinent.

Des prévisions de croissance revues à la baisse

Le gouvernement tablait sur une croissance du PIB de 0,9% en 2025, chiffre inscrit dans la loi de finances. Cette estimation, appuyée par les projections de la Banque de France, était déjà considérée comme optimiste par plusieurs économistes au début de l'année.

Le 14 mars 2025, la Banque de France a révisé sa prévision et n'anticipe plus qu'une croissance de 0,7%. Ce réajustement fait suite à l'impact rapide et marqué de la guerre commerciale engagée par l'administration Trump. Le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a reconnu devant la commission des Finances du Sénat que le cadre économique était désormais "sous tension". Dans la foulée, l'Insee a confirmé que l'activité resterait modérée sur le premier semestre 2025, rendant improbable toute accélération suffisante en seconde partie d'année.

Le Haut Conseil des finances publiques, qui estimait encore en janvier que l'objectif de 0,9% était "atteignable mais un peu optimiste", semble désormais rejoint par un consensus plus pessimiste, selon Les Echos.

Un impact direct sur le déficit public

Une croissance inférieure aux prévisions réduit les recettes fiscales et sociales, tout en augmentant certaines dépenses. Selon François Ecalle, fondateur de Fipeco, un écart de 0,2 point de PIB se traduit par une dégradation de 0,1 point du déficit, soit environ 3 milliards d'euros à compenser.

L'État doit atteindre un déficit de 5,4% du PIB en 2025, contre 6% en 2024. Si la croissance reste à 0,7%, le gouvernement devra compenser le manque à gagner soit par une réduction supplémentaire des dépenses, soit par une hausse équivalente des recettes. Cette dernière option impliquerait une nouvelle loi de finances.

D'après Charles Sitzenstuhl, député EPR, "le gouvernement va devoir annuler 10 milliards d'euros de crédits, comme l'an passé". Le ministère des Finances doit aussi identifier 5 milliards d'euros d'économies prévues mais non encore précisées dans le budget voté.

Par ailleurs, certains nouveaux prélèvements — contribution sur les hauts revenus, surtaxe sur l'impôt des sociétés, taxation du tabac — pourraient rapporter moins qu'attendu. La faiblesse de l'inflation, inférieure aux prévisions initiales, pourrait aussi réduire les recettes issues de la TVA. En parallèle, la hausse des taux d'intérêt devrait alourdir le coût de la dette.

Des incertitudes multiples sur les finances publiques

Plusieurs éléments restent en suspens pour l'exécution du budget 2025. Le comité d'alerte sur les finances publiques, qui doit se réunir le 10 avril, pourrait être l'occasion d'officialiser de nouvelles projections de croissance. Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, a évoqué dans un entretien au Journal du Dimanche l'existence d'"aléas" sur les perspectives économiques, sans avancer de chiffre alternatif.

La situation reste également dépendante du déficit final de l'année 2024. Selon Anthony Morlet-Lavidalie, économiste à l'institut Rexecode, un déficit légèrement inférieur à 6% du PIB améliorerait mécaniquement la marge de manœuvre pour 2025. "Chaque dixième de point de PIB compte", précise-t-il.

Enfin, le contexte international ajoute de l'incertitude. La situation géopolitique mondiale pourrait continuer d'affecter négativement l'activité économique, ce qui compliquerait davantage la mise en œuvre du budget 2025.