Logiciels professionnels : la beauté compte !
Et si la beauté était la nouvelle frontière des créateurs de logiciels ? Faire du beau, c’est garantir des gains de productivité à la digitalisation de l’entreprise. Une piste de travail que la French Tech ne doit pas négliger.
Dans les grottes de Lascaux, nos ancêtres peignaient des animaux et des scènes de vie… Confrontés à des conditions de survie très difficiles, ils ont laissé de véritables œuvres d’art, et transmis aux générations futures l’idée que l’attrait pour le beau n’est pas culturel mais bien inhérent à la nature humaine.18 000 ans plus tard, l’importance accordée à la beauté n’est pas moindre. Plusieurs études montrent que les étudiants au physique avantageux bénéficient de plus d’attention et de meilleures notations de la part de leurs professeurs[1].Un logiciel sous-exploité nuit à la productivité
Quel que soit leur secteur d’activité, les professionnels sont tous pratiquants du digital. Facebook, Tinder, Vine ou WhatsApp sont leur quotidien, la technologie ne leur fait donc pas peur. Comment expliquer, alors, qu’ils sont nombreux à sous-exploiter, voire délaisser les logiciels professionnels mis à leur disposition dans leur entreprise ? La plupart des logiciels RH ne sont ainsi utilisés qu’à 15% de leur potentiel, les outils de pige sont relégués à l’état de simples moteurs de recherches, etc.Or, il ne faut pas oublier que le coût d’achat de ces logiciels professionnels n’est pas neutre. Le retour sur investissement attendu doit, si ce n’est être rapide, s’effectuer dans un délai maîtrisé. Et ce retour sur investissement ne pourra être effectif que si les outils sont correctement utilisés, au maximum de leur potentiel.N’en déplaise à Susan Boyle, le beau abaisse des barrières inconscientes
C’est ici que l’esthétique entre en jeu. On utilisera plus volontiers un logiciel attirant et intuitif (les deux vont souvent de pair !), qu’un outil qu’on aurait oublié de rendre beau. N’est-ce pas, au moins en partie, ce qui a permis à Internet de prendre le pas sur le Minitel ?L’exemple d’Airbnb montre également qu’il est possible de rendre pratiquants des millions de personnes, d’âges, de cultures et de formations différents en très peu de temps. Fondée en 2008, la société propose aujourd’hui 1 200 000 logements dans 190 pays. Le succès d’Airbnb est bien sûr intimement lié au fait qu’il apporte une source de revenu supplémentaire, mais pas seulement. Le site est beau, simple et engageant : même pour les novices, la prise en main est immédiate.Ce qui vaut à la maison, vaut également dans l’entreprise. Il est illusoire de penser que des salariés vont "faire un effort" pour apprendre à maîtriser les interfaces rébarbatives d’un logiciel laid. Autant que de penser qu’il suffit de taper du point sur la table. En revanche, si la pratique est agréable, et l’esthétique est un facteur déterminant, la productivité et la créativité devraient en être directement impactées.
Dans La Révolution du Don, le management repensé à la lumière de l’anthropologie, Alain Caillé et Jean-Edouard Grésy mettent en lumière la puissance de l’autonomie. On y apprend ainsi que le travail accompli est une motivation en soi, parfois plus forte que l’incentive financière. Et il suffit parfois d’un petit coup de pouce, un simple plaisir ou confort visuel, pour qu’une contrainte se transforme en action spontanée et satisfaisante.
Créer des synergies métiers pour développer des avantages compétitifs
Voilà qui devrait être une source d’inspiration pour la "French Tech". Concevoir du beau, sans négliger l’ergonomie – elle est certes importante mais ne peut se suffire à elle-même – et non pas adapter dans un deuxième temps des interfaces à des fonctionnalités.Pour les créateurs de logiciels, c’est le moment de s’adjoindre les compétences de directeurs artistiques, de designers, d’illustrateurs talentueux dès les premières étapes de la conception. Travailler en co-création avec des métiers différents permet de donner vie à des produits inédits face à la rude concurrence internationale. C’est aussi le moyen de donner à des produits immatériels une identité suffisamment forte pour être préférés. Un défi du numérique auquel les start-up françaises ont les moyens de répondre.[1] Beauty, Productivity, and Discrimination: Lawyers' Looks and Lucre, Jeff E. Biddle, Daniel S. Hamermesh[2] La Révolution du Don, Caillé et Grésy, Seuil, 2014.