ChatOps : faut-il choisir Slack ou l'un de ses clones ?
HipChat, Glip, talkSpirit… Un grand nombre d'outils de collaboration tentent de profiter du marché ouvert par Slack. Sur quels critères choisir le bon ChatOps ?
Le succès de Slack sonne comme un aveu d'échec pour les réseaux sociaux d'entreprise (RSE) généralistes censés libérer l'information en interne. Comme nombre de retours d'expérience l'ont démontré, les employés s'autocensurent dès lors que des règles de communication sont édictées. Il en résulte une prise de parole qui s'institutionnalise au sein de ces outils.
A l'inverse, le concept de ChatOps - que Slack a mis en lumière – repose sur une approche bottom-up. Ce sont en effet les équipes de terrain qui s'approprient ces plateformes de chat professionnel aux interfaces très simples et épurées. De tels outils collaboratifs en mode SaaS, directement opérationnels, ne nécessitent pas (forcément) l'aval de la hiérarchie. Leurs versions d'essai, permettant un nombre d'utilisateurs illimité, amplifient l'effet de viralité. Rompant avec les échanges par mail, les membres d'un même projet discutent en "live" et échangent des fichiers par simples "glisser-déposer". Les organisations n'ont plus alors qu'à entériner le phénomène afin d'éviter le "shadow IT".
Une offre de ChatOps déjà riche
Lancé en 2013 par le fondateur de Flickr, Slack n'est pas le seul sur ce segment. Sa forte médiatisation a permis de mettre en lumière de nombreuses solutions alternatives nées en même temps que lui comme Glip ou Bitrix24. Le site australien Project Management Zone les recense et les compare.
S'inspirant de Slack, Microsoft a intégré des chat rooms à Skype
Des solutions plus anciennes profitent aussi de l'engouement autour de Slack pour se repositionner. HipChat, qui n'était qu'un simple module d'Atlassian, a été mis en avant comme outil à part entière par l'éditeur de Jira. Des applications orientées gestion de projet comme Trello et Asana ont rajouté, de leur côté, une surcouche de chat tandis que Skype for Business (ex Lync) a intégré des chat rooms.
Critère numéro un : le nombre d'applications tierces connectées
Pour Sébastien Louyot, fondateur d'Eldey Consulting, le critère de choix numéro 1 d'une solution de ChatOps porte sur le nombre de connecteurs disponibles. "En greffant des applications à l'outil, on peut faire du ChatOps une fenêtre universelle concentrant divers flux d'information et que l'on ne ferme pas de la journée", souligne l'expert.
Sur leurs places de marché, HipChat et Slack revendiquent de 100 à 160 extensions vers des applications tierces - comme Zendesk, Twitter, Google Hangouts, GitHub ou Trello. Sébastien Louyot utilise Asana comme gestionnaire de tâches qu'il a intégré au chat de Slack. Slack et HipChat proposent aussi une API afin d'intégrer des outils développés en interne par les clients.
Responsable du pôle d'analyse et création du cabinet Lecko, Bastien Le Lann abonde dans le même sens. "Ce qui fait la différence, c'est la capacité de ces solutions à agréger des informations complémentaires de type CRM. Elles amènent du social et de la conversion sur des processus métier. Cela accroît la productivité des équipes qui n'ont pas à se disperser entre différentes applications", estime le consultant.
Le chat vidéo devient un incontournable
Le deuxième critère porte sur la richesse fonctionnelle. Longtemps HipChat ou Bitrix24 pouvaient faire valoir qu'ils proposaient - à la différence de Slack - la visioconférence dans leurs chat rooms. Ce n'est plus le cas, ce dernier vient d'intégrer l'audio en version bêta en attendant la conversation vidéo.
Chaque éditeur joue sur un positionnement particulier pour se différencier. Bien introduit auprès des développeurs grâce à Jira, Atlassian pousse HipChat auprès de cette population en jouant sur l'interopérabilité avec ses autres logiciels. Pour rassurer le DSI, l'éditeur australien propose une version "on premise" qui peut être installée sur serveur. Slack entend aussi donner des gages en matière de sécurité et de disponibilité et dévoilera, cette année, une offre " Enterprise " au tarif particulièrement élevé.
Bitrix24 et Glip tentent, eux, de couvrir un grand nombre d'usages : l'agenda, la gestion, l'intégration du mail…. Seul français de la compétition, talkSpirit accepte la comparaison avec Slack tout en estimant aller plus loin dans le travail collaboratif. "Nous proposons un chat, pour l'immédiateté et la simplicité de l'échange, mais aussi des fonctionnalités de partage de contenus pour la contribution autour d'un document", avance Philippe Pinault, son fondateur.
Le critère d'ergonomie
Un autre critère de choix porte sur l'ergonomie. Tous les éditeurs ont repris les codes des réseaux sociaux pour paraître fun et cool à grands renforts d'arobases, de hashtags et d'emojis. Mais pas avec la même réussite. L'interface de HipChat et de Glip paraît austère face à celles de Slack et de talkSpirit. Ce qui a son importance en termes d'adoption.
Pour Guillaume Gouraud, expert en solutions de collaboration au sein du cabinet Lecko, les usages grand public déteignent tout naturellement sur ces solutions professionnelles. "Dans leur sphère personnelle, les employés ont l'habitude d'utiliser Facebook ou Google Drive. Le monde de l'entreprise complétement fermé et cloisonné, c'est fini", constate-t-il.
Tarif : du simple au triple
La différence peut se faire aussi du côté du porte-monnaie avec des tarifs qui peuvent aller du simple au triple. La première offre de Slack démarre à 6,67 dollars par utilisateur et par mois contre 2 dollars pour HipChat et 3 euros pour talkSpirit. On notera qu'il existe des solutions de ChatOps en open source telles que Mattermost, Zulip ou Kandan.
Se pose la question de la pérennité des acteurs
Enfin, il convient de s'interroger sur la pérennité de tous ses acteurs. Tous ne survivront pas. Le mouvement de consolidation a d'ailleurs commencé avec le rachat de Hall par Atlassian. Après avoir mis la main sur les gestionnaires de tâches Wunderlist et Sunrise, Microsoft aurait envisagé d'acquérir Slack pour 8 milliards de dollars. Une somme ! En 2012, le rachat de Yammer ne s'élevait "qu'à" 1,2 milliard.
Ce pose dès lors la question de la reprise de données, faute de format universel pour l'exportation d'un historique de conversations. Il serait dommageable que le patrimoine informationnel d'une entreprise, bâti sur des années, disparaisse en même temps que l'éditeur.