Denise Dresser (CEO de Slack) "Nous voulons rendre les utilisateurs de Slack encore plus efficaces avec l'intégration d'Agentforce"
Avec l'intégration d'Agentforce, Slack veut booster la productivité des entreprises en facilitant la création et l'utilisation d'agents IA autonomes et personnalisés. Le JDN s'est entretenu avec la CEO de la plateforme pour faire le point.
JDN. Cette année, la conférence Dreamforce s'est focalisée essentiellement sur Agentforce, la plateforme d'agents IA autonomes de Salesforce. Comment ces agents IA vont-ils s'intégrer au sein de Slack ?
Denise Dresser. Slack est l'interface conversationnelle de Salesforce et désormais également celle d'Agentforce. Nos clients peuvent concevoir des agents personnalisés à l'aide d'API dédiées, ou installer des agents tiers à partir de notre marketplace. Ces derniers peuvent interagir avec Agentforce directement dans Slack pour obtenir des réponses fiables basées sur leurs conversations et leurs données dans Salesforce. Ces agents peuvent, par exemple, suggérer des étapes à suivre, rédiger des ébauches d'e-mails, ou encore créer des plans d'action. Agentforce est accessible dans le panneau situé sur la droite, aux côtés des canaux Salesforce.
Pouvez-vous citer quelques exemples et cas d'usage concrets pour ces agents, qui peuvent notamment accéder directement aux données CRM ?
L'un des agents que je trouve particulièrement intéressant est Sales Coach. Cet agent permet d'assister les commerciaux en amont de la signature d'un contrat en simulant un jeu de rôle proche de la réalité. Les collaborateurs peuvent ainsi travailler leur pitch, qui est automatiquement converti de l'audio en texte. Cet agent va ensuite simuler des réactions probables des clients et fournir un feedback détaillé. Les vendeurs peuvent ainsi améliorer leurs compétences en négociation et persuasion. Nous avons utilisé une version antérieure de cet agent en interne chez Salesforce à des fins de formation.
Je peux aussi vous citer l'agent Adobe Express qui permet de créer du contenu personnalisé, qu'il s'agisse de présentations, campagnes médias, ou publications sur les réseaux sociaux à partir d'une simple requête depuis Slack. Enfin, un autre exemple est l'agent Box qui permet d'analyser des contenus tels que des contrats, de répondre rapidement à des questions à partir de documents internes ou encore de résumer des rapports.
Pensez-vous que le nombre d'agents créés par des tiers soit amené à augmenter significativement au cours des prochains mois ?
Je crois que beaucoup d'entreprises qui ont créé des applications pour Slack vont créer des agents. Notre volonté est que Slack reste une plateforme ouverte afin de proposer un écosystème complet à nos clients. Notre plateforme est ainsi accessible aux tiers qui souhaitent créer des agents ou des applications IA. Après Adobe Express, Cohere, Box ou encore Writer, d'autres agents seront disponibles prochainement. Parmi eux, celui créé par Perplexity facilitera la recherche sur le Web depuis Slack en se basant sur des sources fiables, et pouvant ainsi fournir des informations précises sur la concurrence mais aussi des recommandations stratégiques. L'agent de Workday fournira aux employés et aux managers un assistant IA pour accéder, via Slack, aux informations concernant des dossiers financiers et RH tels que la paie, les heures passées, les absences, les demandes d'emploi, etc.
Comment vous assurez-vous que ce nouveau mode de travail mêlant humains et agents IA soit rapidement assimilé par les utilisateurs en entreprise ?
Nous avons mis en place des formations pratiques pour apprendre à nos utilisateurs à créer des agents car nous pensons que cette compétence va devenir cruciale. Il faudra du temps pour sensibiliser et éduquer au sein des entreprises et surtout faire comprendre que l'IA n'a pas vocation à faire disparaître des emplois, mais plutôt à nous aider à être plus productifs. Notre conviction est que de nouveaux emplois seront créés grâce à l'IA, impliquant de développer de nouvelles compétences telles que le prompt engineering ou la création d'agents par exemple.
Comment rassurez-vous les entreprises pour les convaincre d'adopter ces nouveaux outils basés sur l'IA, notamment d'un point de vue de la sécurité des données ?
Nous croyons fermement que les données de nos clients leur appartiennent, et aucune donnée client n'est utilisée pour entraîner nos modèles. Par exemple, Slack AI utilise des LLM tiers hébergés dans l'infrastructure sécurisée de Slack afin que les données de nos clients ne quittent jamais la plateforme. Le deuxième point important consiste à offrir de la transparence. Lorsque vous faites une recherche avec Slack AI, vous pouvez voir quelles sources ont été utilisées, au niveau des données ou des conversations. Cela renforce la confiance, car nos clients savent d'où provient l'information. Enfin, nous favorisons l'adoption de toutes ces fonctionnalités en les rendant nativement disponibles et simple d'utilisation. Lorsque nous avons lancé Slack AI, il nous apparaissait crucial que l'IA soit intégrée intuitivement dans tous les flux de travail, sans que l'utilisateur ait besoin de rechercher ces fonctionnalités.
Quel a été l'impact de l'intégration des premières fonctionnalités intégrant l'IA générative avec Slack IA, disponible depuis quelques mois ?
Slack IA s'est concentré sur certaines fonctionnalités comme la recherche, en permettant d'obtenir des réponses personnalisées et intelligentes à des questions mais aussi les résumés des canaux et des fils de discussion qui peuvent être obtenus en un clic. Ces fonctionnalités ont eu un impact considérable. Nos clients ont résumé plus de 600 millions de messages et économisé collectivement 1,1 million d'heures. D'après nos analyses internes, nous avons constaté que les utilisateurs pouvaient gagner en moyenne 97 minutes par semaine grâce aux fonctionnalités de Slack AI. Nous avons également ajouté la possibilité d'obtenir des résumés et même un plan d'action après un Huddle, à savoir une conversation audio. Désormais, nous pensons que le futur sera axé sur les agents. Avec l'intégration d'Agentforce dans Slack, nous voulons rendre nos utilisateurs encore plus productifs et efficaces.
Quelles sont les fonctionnalités de Slack AI que vous utilisez le plus au quotidien dans vos fonctions de CEO ?
Lorsque j'ai été nommée CEO, Slack IA m'a permis d'accéder rapidement à un historique rassemblant une dizaine d'années de conversations et de décisions prises avant ma prise de poste. J'utilise quotidiennement la fonctionnalité générant des récapitulatifs personnalisés, ce qui me permet chaque matin de consulter les résumés des canaux les plus importants afin d'avoir une idée précise de ce qui s'est passé pendant la nuit. Slack IA m'aide aussi à rechercher rapidement des informations. Par exemple, je me souviens d'une occasion où j'avais un appel prévu avec un CEO évoluant dans un secteur avec lequel je suis peu familière. J'ai utilisé Slack IA pour obtenir un brief complet des cas d'utilisation de Slack pour ce secteur.
Quels impacts auront ces nouveaux outils IA sur le travail et la productivité des entreprises ?
Avec l'IA, nous assistons à une nouvelle vague technologique dont les progrès sont extrêmement rapides. D'ici 2030, notre prédiction est que 80% des tâches liées à la gestion de projet pourront être automatisées par l'IA. Le problème est qu'intégrer ces outils d'IA au sein d'un environnement de travail dysfonctionnel ne permet pas d'en tirer pleinement profit et d'obtenir le niveau de productivité escompté. Cela risque, au contraire, d'introduire plus de chaos qu'autre chose. L'IA nous impose de repenser nos méthodes de travail. Parallèlement, le travail devient de plus en plus conversationnel. Ces tendances sont parfaitement alignées avec la vision de Slack visant à créer une plateforme centralisée afin de bâtir le système d'exploitation adapté au monde du travail du futur.
Slack a donc vocation à devenir la principale porte d'entrée vers les solutions de l'écosystème Salesforce ?
Slack est l'interface conversationnelle de Salesforce permettant d'accéder à nos solutions Customer 360, d'Agentforce, mais aussi à tous les outils et applications nécessaires au travail. En moyenne, nos clients intègrent 43 applications différentes dans leur travail quotidien sur Slack, ce qui leur permet de ne pas avoir à quitter la plateforme pour accomplir certaines tâches. Pour exploiter pleinement l'IA, il est primordial de pouvoir centraliser l'ensemble des collaborateurs, données, applications, workflows et agents en un seul endroit. Dans notre dernière étude, nous avons observé que 47% des travailleurs ne trouvent pas les informations dont ils ont besoin pour bien faire leur travail. Raison pour laquelle nous voulons continuer rendre accessible davantage de données structurées et non structurées via la plateforme, notamment avec l'aide de Data Cloud.
Denise Dresser est CEO de Slack depuis novembre 2023. Elle a auparavant occupé le poste de présidente en charge de la division "Accelerated Industries" chez Salesforce. A ce titre, elle dirigeait la stratégie de distribution et de mise sur le marché solutions cloud pour les clients les plus stratégiques. Avant Salesforce, elle a été responsable des ventes chez Oracle. Elle est diplômée de l'Université du Massachusetts Amherst.