Influenceurs et TikTokeuses, les maoïstes 2.0
Vous souhaitez apprendre le chinois, mais vous n'avez pas assez d'argent pour vous inscrire à des cours classiques ? Pas de problème, vous allez suivre des cours en ligne. Très vite, vous tombez sur des profils TikTok, Youtube ou Meta de jeunes Chinoises qui proposent de courtes vidéos pour enseigner leur langue. Vous apprenez facilement des phrases mais parfois ces cours de langue sont suivis par des vidéos troublantes. Dans l'une, votre professeure justifie l'ethnocide des Tibétains, dans une autre, la mise en camps de concentration des Ouighours. Elle accuse aussi l'Occident décadent d'être responsable de toutes les guerres ayant lieu en ce moment.
Félicitations ! Vous venez de vous faire hameçonner par le département de la propagande de la Chine (CCPPD). Les pontes du CCPPD ont compris que la propagande chinoise manquait de modernité et devait désormais s'étendre aux pays étrangers. Pour remplir ces objectifs, une nouvelle stratégie a été lancée. Elle repose sur l'utilisation d'influenceurs de tous horizons : lifestyle, vlog, cours de langue, etc. Un grand nombre de sujets anodins sont abordés, mais le tout est émaillé de propagande prochinoise.
Une majorité de ces influenceurs sont des jeunes femmes, la plus connue étant Vica Li, qui réunit sur ses réseaux sociaux 1,5 million de followers, sous couvert de cours de mandarin. La jeune femme explique à son audience occidentale que les Tibétains et les Ouighours ne subissent aucune répression de la part du parti communiste. L'autre porte-étendard se nomme Li Jingjing, elle est une influenceuse lifestyle. Elles sont la partie émergée de l'iceberg car bien d'autres influenceuses du même genre existent, et contrairement à nos deux exemples, toutes n'ont pas identifiées comme organes de propagande de la Chine.
L'autre axe du CCPPD est de tout simplement recruter des influenceurs occidentaux pour qu'ils mènent des opérations sponsorisées par le gouvernement chinois. C'est ce qu'a révélé le FBI lors de l'affaire Vippi. Vippi Media est une agence de management des influenceurs, elle sert d'intermédiaire avec les marques souhaitant faire des placements de produits.
C'est en 2021 qu'un nouveau type de clients est venu taper à la porte de Vippi : le Consul chinois de New York. Il souhaite alors que Vippi organise une campagne de promotion de la Chine en vue des JO d'hiver de 2022 qui doivent se dérouler à Pékin. Très vite, les deux parties tombent sur un accord, pour 300 000 dollars dont 210 000 payés en avance. Vippi via ses influenceurs va promouvoir la Chine. Mais voilà, les deux parties ignoraient que le FBI les surveillait et la sanction tombe : Vippi reçoit une lettre du département de la Justice américaine. L'entreprise doit changer de statut et s'enregistrer en tant qu'agent étranger et doit fournir le contrat qui l'a lié au consulat chinois.
Vippi continue son travail pour la Chine mais il est désormais connu de tous. D'après le gouvernement américain, au moins 4 millions d'Occidentaux ont été ciblés par la campagne Vippi. Une autre campagne découverte fut celle qu'a tenté de mener la compagnie Hong Kong Pear Technology, Celle-ci a envoyé une offre alléchante à plusieurs influenceurs qui devaient tourner une vidéo pour promouvoir la province du Hainan en échange d'une rémunération. Mais pour ces deux campagnes découvertes, combien passent sous les radars des médias et services de renseignement occidentaux ?
D'autres influenceurs occidentaux sont recrutés à plein temps par Pékin, comme le journaliste néo-zélandais Andy Borheman ou bien le youtubeur Jason Lightfoot, spécialisé dans le vloging de destinations touristiques. Ils mettent en ligne des vidéos dans lesquelles ils dénigrent le mode vie occidental, vantent le mode de vie de la Chine communiste et appellent à abandonner Taiwan.
Car l'objectif final de Pékin avec cette nouvelle stratégie est de faire basculer les opinions publiques occidentales en faveur de sa politique. Mais contrairement à Moscou qui tente de faire basculer ses opinions par le haut en se créant un réseau d'influence auprès des élites politiques et économiques, Pékin attaque par le bas en s'adressant directement à la population. L'objectif secondaire est de fracturer au maximum les sociétés occidentales, entre les Baizuo (mot chinois qui désigne les progressistes occidentaux) et le reste de la population. Plus les pays occidentaux seront divisés en interne, moins ils pourront réagir aux incidents internationaux créés par Pékin.