Urgent : la souveraineté numérique est maintenant une question de sécurité nationale
Un récent mémorandum signé par Donald Trump plaide pour des actions contraignantes contre les taxes, lois et régulations internationales visant les entreprises technologiques américaines...
Ce qui se joue actuellement aux États-Unis sonne comme un signal d'alarme. Et le réveil est brutal. Dans son mémorandum, le Président américain, reproche aux gouvernements européens d'instaurer des règles « inéquitables » et de chercher à s'approprier une part des revenus générés par les géants américains de la tech.
Ce sont le Digital Services Act (DSA), l’AI Act et le RGPD qui sont visés. En résumé : les textes de lois qui réglementent la confidentialité des données et la protection de la vie privée en Europe. Déjà préoccupante sous l'administration précédente, la situation l'est d'autant plus à l'heure où le contexte géopolitique se dégrade. Au total, ce sont 92% des données des Européens qui sont hébergées aux États-Unis.
Que se passera-t-il si les relations entre les États-Unis et l'Europe se détériorent encore davantage ?
Nos données médicales, industrielles ou personnelles seront-elles utilisées comme moyen de pression ?
À ce mémorandum s’ajoute le désordre causé par le Department of Government Efficiency (DOGE), mis en place par l'administration Trump et dirigé par Elon Musk. Ce dernier a obtenu un accès sans précédent aux données sensibles du gouvernement américain. Des informations confidentielles du Trésor, dont des données fiscales de millions de citoyens, ont même été divulguées publiquement. Cette situation pose une question cruciale : si le gouvernement américain ne parvient pas à protéger ses propres données, comment pourrions-nous lui faire confiance avec les nôtres ?
Face au risque, le constat est clair : il faut repenser en profondeur et immédiatement notre modèle pour sortir de la dépendance numérique dans laquelle nous nous sommes collectivement enfermés.
Il ne s'agit pas simplement d'autonomie stratégique, mais de sécurité nationale
Nos données les plus sensibles - qu'elles concernent notre défense, notre recherche, notre industrie ou notre santé - sont aujourd'hui en danger. Cette vulnérabilité met en péril notre capacité à protéger nos intérêts vitaux et à garantir notre indépendance technologique.
Cette tribune est un appel à créer un cordon sanitaire autour de nos données les plus sensibles en les rapatriant immédiatement sur des infrastructures européennes.
Mais comment y parvenir ? Le rapatriement massif de données est techniquement faisable, mais il nécessite une coordination à grande échelle et des investissements substantiels. Le coût financier immédiat sera certes significatif – probablement plusieurs milliards d'euros pour l'ensemble de l'écosystème – mais il doit être mis en balance avec le prix bien plus élevé de l'inaction. Car au-delà des aspects techniques, c'est la question de notre indépendance économique et politique qui est en jeu. Continuer à confier nos données les plus précieuses à des puissances étrangères, c'est accepter une forme de vassalisation numérique. Les États-Unis n'hésitent plus à utiliser leur avance technologique comme arme géopolitique, comme l'illustrent les restrictions sur les exportations de semi-conducteurs vers la Chine. Qui peut garantir que nos propres données ne seront pas demain instrumentalisées dans le cadre d'un conflit commercial ou diplomatique ?
La crise du Covid a démontré notre capacité à agir rapidement et efficacement face à un enjeu majeur : en quelques mois, la France et l’Europe ont su par exemple mettre en place une stratégie commune de vaccination, mobilisant des ressources considérables. Cette même détermination doit s'appliquer à la protection de nos données, tant dans le secteur public que privé. Les défis techniques sont importants, mais comme l'a prouvé notre histoire, impossible n'est pas français.
Cette transition vers une souveraineté numérique réelle provoquera inévitablement des tensions avec nos alliés américains. Mais cette démarche n'est pas anti-américaine : elle doit être vue comme une normalisation de nos relations fondées sur la réciprocité et non pas comme une rupture.
L'enjeu dépasse largement la simple question technologique. Il s'agit de notre capacité à maîtriser notre destin en tant que nation et en tant qu'union continentale. La dépendance numérique d'aujourd'hui sera la servitude politique de demain. Pour l'éviter, un concept : l'autonomie stratégique. Les solutions existent, les compétences sont là. Les événements nous donnent une fenêtre pour agir. Demain, il sera trop tard.