Cyber résilience : l'urgence d'une Europe souveraine

Cybermenaces en hausse, tensions géopolitiques : l'Europe doit faire de la cyber résilience une priorité stratégique pour préserver sa souveraineté technologique.

Jamais les entreprises n’ont été aussi exposées aux cybermenaces. Selon l’Observatoire 2024 des cybermenaces d’Almond, le nombre de victimes de ransomwares dans le monde a bondi de près de 30 % entre 2023 et 2024. La France est particulièrement touchée avec une augmentation de près de 82 % en un an.

Les cyberattaques se multiplient, portées par l’essor de l’intelligence artificielle générative et l’instabilité géopolitique croissante. Hacktivisme et cybercriminalité convergent : chaque tension diplomatique devient un prétexte pour frapper les infrastructures stratégiques. En France, les ETI, PME, administrations, les hôpitaux et les collectivités figurent parmi les cibles les plus vulnérables et se retrouvent fortement exposées.

Un réveil réglementaire, une résilience cyber encore en sommeil

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont contribué à renforcer la prise de conscience collective face aux cybermenaces. Les réglementations évoluent : le projet de loi « Résilience », actuellement en examen à l’Assemblée nationale, devra permettre de rehausser fortement le niveau de sécurité de nos infrastructures numériques.

Ce texte vise à transposer trois directives européennes majeures (DORA, NIS 2 et REC) dans le droit français, traduisant ainsi une volonté d'harmonisation à l'échelle européenne. Cette approche coordonnée est indispensable pour faire face à une menace qui ne connaît pas de frontières, et pour favoriser la collaboration de l’écosystème cybersécurité européen.

En renforçant les obligations des organisations en matière d’analyse des risques, d’hygiène de sécurité et de résilience, cette loi peut également accélérer leur digitalisation tout en instaurant un climat de confiance entre clients, partenaires et investisseurs. Certes, la mise en conformité représente un effort significatif à court terme, mais elle constitue à moyen et long terme un véritable atout concurrentiel, notamment dans les secteurs où la sécurité est un facteur différenciant (finance, industrie, cloud, etc.).

Pourtant, seuls 2 % des entreprises ont déployé un plan de cyber résilience global. Le coût de la mise en conformité et la complexité juridique des dispositifs freinent encore de nombreuses organisations. Le passage à l’échelle est donc un des enjeux qu’il faudra collectivement relever.

Le règlement DORA pose par ailleurs un défi supplémentaire : il impose des exigences strictes aux prestataires de services informatiques, conduisant l'industrie à redéfinir ses relations avec ses partenaires. Cette réglementation marque une nouvelle étape dans la responsabilisation des entreprises financières qui doivent renforcer leur gestion des risques tiers auprès de milliers de prestataires IT avec des niveaux de maturité très variables.

La cyber résilience, une transformation stratégique et culturelle

Bâtir une cyber résilience efficace ne se limite pas à protéger des systèmes informatiques. C’est une transformation économique, organisationnelle et humaine. Un système numérique doit pouvoir absorber les chocs, à l’image d’un écosystème naturel ou d’une équipe. Une cyberattaque peut avoir des conséquences psychologiques lourdes sur les salariés, déstabiliser les chaînes d'approvisionnement et freiner l'innovation.

Loin d’être une simple obligation technique ou réglementaire, la cybersécurité est un levier de transformation. Dans un contexte de tensions budgétaires dans les entreprises, la révolution de l’IA – avec ses risques et ses opportunités – place le RSSI comme un catalyseur d'innovation et un garant de la résilience numérique. L'image du RSSI comme centre de coûts appartient au passé : c’est aujourd’hui un acteur stratégique, capable de protéger les actifs, développer de nouveaux marchés et créer de la valeur.

Comme l’écrit Mario Draghi dans son rapport : l'autonomie stratégique européenne repose sur la maîtrise de son infrastructure numérique. Sans cyber résilience, il n’y a ni compétitivité économique, ni souveraineté. La question n’est plus de savoir si l’Europe doit se renforcer ; elle doit agir en stratège sans attendre d’être la cible des prochaines cyberattaques.