La coédition, nouveau modèle économique des Mooc
En s'associant avec des concepteurs de Mooc, les marques peuvent devenir incontournables sur un sujet donné tout en monétisant leur expertise.
Quel est le point commun entre le portail Internet Auféminin et ZeVillage, un site spécialisé dans les nouvelles formes de travail ? Toutes ces entreprises ont décidé de partager un de leur savoir-faire particulier au grand public grâce à un Mooc conçu par des sociétés spécialisées dans le e-learning.
Delphine Groll, directrice de la communication du groupe Auféminin, le justifie ainsi : "Nous sommes un média féminin digital qui a pour objectif d'accompagner les femmes, y compris dans leur vie professionnelle. Notre PDG et nos journalistes ont beaucoup à dire sur ce que l'on appelle l'empowerment féminin".
Le site a opté pour une stratégie de brand content orientée sur ce domaine de prédilection. Et elle s'est notamment tournée vers le format Mooc. Intitulé "S'affirmer au féminin", son Mooc est en ligne depuis le mois de mai 2016 : "Cela nous permet de préempter un territoire vierge en matière de leadership féminin, d'être dans la continuité de notre stratégie qui est celle d'un pure player. Les femmes qui suivent le Mooc ont souvent des postes de cadres, ne nous connaissent pas toujours, mais nous associent à un média favorisant le coaching et l'empowerment féminin", explique Delphine Groll.
Les concepteurs de Mooc apportent leur technique, les marques leur connaissance d'un sujet donné
Du côté de Ze Village, c'est sur les nouveaux modes de travail (freelance ou encore télétravail) que l'on a souhaité se positionner, avec la création en octobre d'un Mooc sur le travail flexible. "Nous dispensons déjà des formations en présentiel sur le sujet. Créer une formation digitale permet d'étendre notre audience", témoigne le directeur Xavier de Mazenod, qui avait cette idée en tête depuis deux ans mais qui ne pouvait pas se lancer faute de ressources techniques en interne.
C'est là que le modèle de la coédition intervient. Pour mener à bien ces stratégies, les marques s'associent avec des concepteurs de Mooc. Cela tombe bien, ils n'attendent que ça.
"Les Mooc sont achetés par des entreprises qui veulent former leurs salariés ou par des salariés qui veulent améliorer leur employabilité. Tous veulent un contenu professionnalisant, concret et en phase avec les meilleures pratiques actuelles", explique Jérémie Sicsic directeur de Unow, un des leaders français des Mooc. Selon lui, s'associer avec une entreprise est un label qui garantit la qualité autant voire plus qu'un partenariat avec une école ou des intervenants externes.
"La coédition est un modèle qui garantit un contenu en phase avec les meilleures pratiques actuelles"
Un avis partagé par Arnaud Mitre, l'un des trois fondateurs de Coorpacademy, leader du Mooc francophone qui a récemment lancé "Esprit du temps", un catalogue d'une douzaine de Mooc qui a pour but de décrypter les enjeux du monde du travail et de l'innovation. "Pour atteindre cet objectif, nous n'avons pas le choix, il faut s'associer avec les entreprises qui possèdent des connaissances rares", estime l'entrepreneur, dont la société a levé 10 millions d'euros il y a un mois, notamment pour accélérer sur la coédition. Pour le moment Coorpacademy s'est associé avec Auféminin pour des formations sur le leadership féminin mais aussi avec We Demain pour l'efficacité énergétique, Fym conseil pour la RSE ou encore prochainement TedX pour la prise de parole en public.
L'association entre les concepteurs de Mooc et les marques est simple. Les premiers apportent leurs compétences techniques : conception et gestion de la plateforme LMS, réalisation des vidéos (le Mooc sur l'empowerment féminin en comporte par exemple dix-neuf), administration technique, ingénierie pédagogique, conception de KPI…Les seconds apportent leur expertise et leur image de marque sur un sujet de fond. Concernant la communication et le marketing, la synergie de deux savoir-faire permet d'améliorer la notoriété et l'efficacité commerciale. Les profits générés par les Mooc sont partagés entre les deux acteurs.
"Esprit du temps a été lancé en septembre. L'initiative est déjà rentable", assure-t-on du côté de Coorpacademy, qui partage les revenus générés par les inscriptions à la plateforme avec les entreprises partenaires. En plus d'une forte visibilité les entreprises coéditées bénéficient de ce que Delphine Groll qualifie d'une "source de monétisation d'avenir".
Visibilité, gains financiers, les entreprises coéditées ont tout à gagner
Cette stratégie de partage des recettes est la même dans le cadre du partenariat entre Ze Village et Unow qui reverse la moitié des bénéfices à son partenaire. Le Mooc a été lancé fin octobre. Il est donc trop tôt pour tirer des conclusions. Mais selon Xavier de Mazenod, le début de cette formation dont les inscriptions ont commencé fin juillet est prometteur.
En plus d'un partage des recettes générées par la plateforme, les entreprises et les concepteurs disposent d'une seconde source de revenus. Les Mooc étant conçus pour être un contenu de référence, ils peuvent être vendus "sur étagère" à des entreprises qui s'en servent ensuite pour former leurs salariés dans le cadre de plans de formation. Ainsi, ZeVillage déclare être en négociation avec deux groupes du CAC 40 qui souhaitent acquérir des licences pour accompagner le déploiement du télétravail en interne.