Learning agility officer : un métier d’avenir pour réinventer la formation ?
Les collaborateurs acquièrent la majorité de leurs compétences en situation de travail. Ce qui oblige la formation à se réinventer. Cette tendance peut faire naître un nouveau métier, celui de Learning experience officer.
Dans le petit monde des RH, il ne se passe pas une semaine sans que l’on parle de la learning agility...Mais de quoi s’agit-il exactement ? Il s'agit de la capacité à développer de nouvelles compétences et postures de manière à donner le meilleur de soi-même dans des situations que l’on rencontre pour la toute première fois.
Selon les travaux de l'entreprise Korn Ferry, cette capacité d’apprentissage peut être appréhendée selon cinq facettes distinctes. La plus évidente est certainement l’agilité mentale: synonyme de curiosité intellectuelle, d’aptitude à l’exploration permanente, que l’on retrouve souvent chez des individus qui ne craignent ni la complexité ni l’ambiguïté de leurs environnements. Deuxièmement, elle se traduit par la capacité à embrasser le changement, à s’impliquer dans des démarches d’amélioration continue et à questionner le statu quo. Elle s’appréhende également au travers de l’agilité sociale, celle liée à l’ouverture aux autres, à la capacité d’empathie et d’écoute y compris dans des situations de conflits. Quatrièmement, la conscience et la connaissance de soi sont aussi de bons indices de cette capacité d’apprentissage, comme par exemple l’aptitude à identifier ses axes d’amélioration et ce que l’on peut apporter aux autres. Enfin, les aptitudes de leadership (force d’entraînement et d’inspiration d’autres collaborateurs, capacité à agir avec succès même dans un environnement défavorable...) en sont la cinquième facette.
La capacité d’apprentissage se développe au gré des expériences du collaborateur aussi bien professionnelles que personnelles. Plus celles-ci sont variées, plus la capacité d’apprentissage a de chance de s’épanouir.
Pour mieux comprendre comment développer cette capacité, le modèle du 70-20-10,souvent cité dans l’univers de la formation, est éclairant. Ce modèle montre que 10% de notre apprentissage est le fruit d’un contexte d’apprentissage formel et conscient, tandis que 20% est le résultat de nos interactions sociales et que 70% se fait de manière informelle, au gré de nos expériences quotidiennes.Or traditionnellement, les équipes formation en entreprise se sont concentrées sur les 10% !
Dans les dernières années, de nombreuses tentatives ont été faites pour favoriser l’apprentissage via les interactions sociales (les 20%), en attestent la mise en place de réseaux sociaux d’entreprise et d’autres outils, le design d’espaces physiques encourageant des collaborateurs à se croiser indépendamment de leurs appartenance à un département ou une équipe, la prolifération d’événements internes meetups, conférences, team-buildings ou le développement de programmes d’apprentissage entre pairs (reverse mentoring, compagnonnage …). Cependant dans la mesure où 70% de notre capacité d’apprentissage repose sur nos expériences, le véritable défi réside plutôt dans le développement de l’apprentissage en situation de travail. Plusieurs pistes de réflexion peuvent être esquissées pour adresser ce défi.
Tout d’abord, un bon point de départ pourrait être d’inciter les managers à offrir de manière consciente une diversité de situations et de contextes de travail qui favorisent le développement de leurs équipes au quotidien. Ensuite, la culture test & learn doit être systématisée dans les organisations et les équipes doivent y être sensibilisées au plus tôt, en prenant en compte la possibilité de l’échec. Favoriser la prise de recul continue sur ce que les collaborateurs apprennent de leurs expériences doit en ce sens devenir une priorité pour les entreprises. Elles doivent être capables d’analyser de manière consciente ce qui est appris, aussi bien quand tout fonctionne que quand tout va mal ! Enfin, la modélisation des compétences individuelles présentes dans l’organisation (au-delà de la classique) peut permettre de disposer d’un puissant outil d’aide à la décision stratégique aussi bien pour envisager les mobilités internes, que des actions de montée en compétences (upskilling) ou reconversion (re-skilling) des forces vives internes en situation de travail.
Plus largement, pour favoriser la montée en compétences "on the job", il s’agit de repenser intégralement la formation en entreprise et le rôle des équipes RH-formation. Ces équipes se sont focalisées longtemps sur le contenu apporté en formation (et leur sacro-saint catalogue de formation) au détriment de l’expérience d’apprentissage. Elles vont devoir maintenant se pencher sur le développement d’un environnement d’apprentissage pour les collaborateurs et garantir une expérience d’apprentissage continue et efficace...avec une contrainte majeure : les usages individuels sont en avance sur la formation en entreprise et les technologies qui supportent la formation ont déferlé tellement rapidement qu’elles n’ont pas pu être intégrées en entreprise.Il s’agit bien ici de réfléchir en logique “plateforme” et d’offrir des lieux d’apprentissage physiques et virtuels, formels qu’informels aussi variés que les tâches d'apprentissage des collaborateurs. Ces lieux serviront à favoriser la rencontre, la surprise, l’émotion et la sérendipité.
Pour construire ces environnements d’apprentissage, les équipes formation devront également compter sur leurs “champions”, des collaborateurs relais des transformations internes de l’organisation, dotés d’un potentiel et d’une force d’entraînement hors du commun. Ces champions se distinguent par leur capacité d’apprentissage supérieure à la normale. Les équipes formation devront donc rapidement être en capacité d’identifier en continu ces champions puis d’instaurer des mécanismes de reconnaissance pour leur contribution au développement de la capacité d’apprentissage collective de l’organisation.
En conclusion les équipes formation ont encore de belles années devant elles à condition qu’elles travaillent à la construction d’environnements d’apprentissage pour les collaborateurs et offrent des expériences transformantes bien au-delà du contenu qu’elles apportent. A quand le titre de Learning Agility Officer en entreprise ?