Coronavirus : les droits des travailleurs et les mesures à prendre par les employeurs
"Le virus circule sur notre territoire et nous devons freiner sa diffusion", a déclaré Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé. Comment faire face à cette épidémie en entreprise ?
I. Le droit aux indemnités journalières en cas d'isolement
Les dispositions du Décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 fixent les règles d’attribution des indemnités journalières de sécurité sociale pour les assurés sociaux qui se trouvent dans l’impossibilité de travailler mais qui ne sont pas malades.
Ce décret, non applicable aux fonctionnaires, a été pris en application de l’article L16-10-1 du Code de la sécurité sociale qui dispose : "Lorsque la protection de la santé publique le justifie, en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d’épidémie, nécessitant l’adoption en urgence de règles de prise en charge renforcée des frais de santé ainsi que des conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèce, dérogatoires au droit commun, celles-ci peuvent être prévues par décret, pour une durée limitée qui ne peut excéder une année ( ...)".
Par ailleurs, le décret 2020-193 du 4 mars 2020 supprime le délai de carence applicable à l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière maladie pour les personnes exposées au coronavirus.
Qui est concerné ?
Sont visés par les dispositions du décret, les assurés du régime général et les agents de la fonction publique relevant du régime général (contractuels de droit public, fonctionnaires des collectivités territoriales, à temps non complet, dont la durée de travail est inférieure à 28 heures par semaine), qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler.
Il s’agit des personnes mis en isolement, contraints de garder leurs enfants ou malades.
Qui délivre l’arrêt de travail ?
Initialement c’était le médecin de l’ARS qui délivrait l’arrêt de travail mais le décret 2020-227 du 9 mars 2020 a modifié la procédure. Désormais l’arrêt de travail doit être établi par la CPAM dont dépend l’assuré, ou le cas échéant, par les médecins conseils de la caisse nationale d’assurance maladie qui le transmettent à l’employeur.
En outre, le décret 2020-227 du 9 mars 2020 facilite la prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au coronavirus. Les patients présentant les symptômes du coronavirus ou qui sont porteurs du virus peuvent, dans le cadre de leurs parcours de soins, accéder à la télémédecine avec n’importe quel médecin généraliste téléconsultant. Leurs soins seront pris en charge par l’Assurance Maladie, jusqu’au 30 avril 2020.
Concrètement quelle est la démarche à suivre pour obtenir un arrêt de travail ?
Le site de l’ARS décrit la procédure :
- " Vous êtes considéré comme une personne présentant un risque de développer une forme sévère de la maladie (…) vous devez faire votre demande de mise en arrêt de travail pour une durée initiale de 21 jours via le téléservice de l’Assurance maladie de déclaration en ligne : declare.ameli.fr.
Les fonctionnaires concernés par cette situation sont placés, quant à eux en autorisation spéciale d’absence (ASA).
- Vous présentez des symptômes du COVID19 (toux, fièvre…) ou avez été diagnostiqué comme porteur Covid-19, seul un médecin peut vous prescrire un arrêt de travail. En cas d’indisponibilité de votre médecin, vous pouvez recourir à la téléconsultation via un moteur de recherche internet pour accéder aux coordonnées des plateformes spécialisées".
Que doit faire l’employeur ?
A compter de la réception de l’arrêt de travail, l’employeur transmet l’attestation de salaire sans délai à l’organisme d’assurance-maladie de l’assuré.
Est -il possible de bénéficier d’indemnités journalières de la sécurité sociale lorsque les enfants sont confinés à domicile ?
Oui le décret 2020-227 du 9 mars 2020 élargit la procédure de versement des indemnités journalières de sécurité sociale sans délai de carence aux parents contraints de garder un enfant de moins de 16 ans, ne bénéficiant pas de télétravail . Une procédure simplifiée a été mise en place et c'est à l’employeur de déclarer l’arrêt de travail sur un formulaire accessible sur le site Améli.
II. Quelle est la situation des fonctionnaires au regard des mesures d’isolement ?
La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a transmis aux ministères, aux collectivités et aux établissements de santé une note en date du 3 mars 2020 qui apporte des précisions. Il est conseillé, aux administrations, de faciliter l’accès au télétravail, mais lorsque cela n’est pas possible, l’administration dispose de deux options :
- Accorder une autorisation spéciale d’absence en cas de suspicion de maladie contagieuse. Ce dispositif protège les droits des agents (maintien de la rémunération et des droits à pension et à avancement) ;
- Placer l’agent public en congé de maladie ordinaire (CMO) "sur la base d’un arrêt de travail établi par le médecin assurant le contrôle médical de la mesure d’isolement, d’éviction et de maintien à domicile".
III. Dans quelles situations le travailleur exerce t-il son droit de retrait?
Ce droit permet aux travailleurs de se retirer de leur travail en cas de danger, en informant leur employeur. Dans le cadre de l'actuelle épidémie, le droit de retrait peut être légitime et apprécié au cas par cas et notamment face à une situation de risque possible (contact avec des personnes potentiellement infectées; déplacement dans une zone infectée, employeur ne donnant pas de protections individuelles...) .
En d'autres termes, il faut des motifs raisonnables de penser que la situation au travail présente un danger grave et imminent pour sa santé. La Cour de cassation considère que " l'appréciation du danger doit être subjective, la croyance, même erronée, du salarié qu'il court un danger, pourvu qu'elle soit raisonnable et sincère, suffisant, pour lui permettre de quitter son poste de travail". Ce droit ne peut pas être invoqué sans raison (par exemple par peur).
L'employeur peut contester l'exercice de ce droit devant les tribunaux en considérant qu'il a été exercé de manière illégitime. En conséquence, le retrait d'un salarié de son poste sans motif légitime l'expose a une retenue de salaire ou à des sanctions disciplinaires allant jusqu’au licenciement.
Le salarié a également des obligations et doit accepter les mesures de confinement : "il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions" (article L4 122-1 du Code du travail) .
IV. Quelles actions peuvent prendre les employeurs ?
En cas de risque, les employeurs doivent informer leurs collaborateurs sur la réalité et les conditions d'une possible contamination ainsi que des mesures adoptées pour éviter la contamination. En outre, ils doivent engager des mesures dans le cadre de leurs obligations en matière de santé et sécurité au travail.
Ainsi certaines actions peuvent être mises en place en entreprise :
- Favoriser le recours au télétravail ;
- Mettre en place des actions d’information, sensibilisation ou formation aux risques ;
- Annuler les déplacements professionnels dans les zones à risque (zones affichées sur le site Santé Publique) ;
- Demander aux collaborateurs de retour des zones, de respecter la période de 14 jours à leur domicile ;
- Sensibiliser au respecter les règles d’hygiène (se laver fréquemment les mains avec du savon ou une solution hydro-alcoolique, éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs jetables, porter un masque, se saluer sans se serrer les mains ou s'embrasser ...); une note de l'employeur semble utile.
- Afficher le numéro d’information sur le Coronavirus Covid-19, 0800 130 000 (appel gratuit). En cas de doute sur une potentielle contamination, les travailleurs doivent contacter ce numéro.
L’employeur doit mettre en œuvre les recommandations du gouvernement, disponibles et actualisées sur la page suivante : www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
Les mesures de prévention favoriseront la qualité du climat social et permettent de prévenir les risques liés à l’absentéisme. Pour en savoir davantage sur les actions en entreprises / le ministère du Travail et des Solidarités propose un guide de questions/réponses à destination des entreprises et des salariés.
Le guide apporte des réponses aux questions suivantes :
Je suis salarié
1. Quelles sont les précautions à prendre dans le cadre de mon travail ?
2. Que dois-je faire si je ne dispose pas de solution de garde pour mon enfant de moins de 16 ans ?
3. Je suis travailleur indépendant ou exploitant agricole parent d’un enfant de moins de 16 ans concerné par une mesure de fermeture de son établissement scolaire, quelle démarche suivre ?
4. Quels sont les droits à indemnisation du salarié au titre de ces arrêts de travail ?
5. Que faire si mon employeur me demande de me déplacer ?
6. Quelles mesures doivent être prises si je suis affecté à un poste de travail me mettant en contact avec le public ?
7. Quelles mesures doivent être prises si un de mes collègues est contaminé ?
Je suis employeur
8. Que dois-je faire pour assurer la sécurité et la santé de mon personnel ?
9. Pourquoi et comment puis-je actualiser le document unique d’évaluation des risques ?
10. Quelles sont les recommandations sanitaires pour les entreprises en France ?
11. Quelles mesures prendre pour les salariés affectés à un poste de travail en contact avec le public ?
12. Quelles mesures prendre si un de mes salariés est contaminé ?
13. Comment mettre en œuvre le télétravail ?
14. Puis-je imposer la prise de congés ou de jours de réduction du temps de travail (JRTT) à mes salariés ?
15. Que faire si un salarié de votre entreprise doit garder son enfant de moins de 16 ans
16. Que faire si mon salarié présente des symptômes ?
17. Quel est le rôle du médecin du travail ?
18. Quels outils puis-je mobiliser en cas de variation de mon activité du fait de la crise ?
Comment puis-je adapter mon activité à la baisse ? ACTIVITÉ PARTIELLE
Quelles conséquences sur le contrat de travail ? Quelle compensation financière pour l’employeur ? Comment faire une demande d’activité partielle ? Quel est le délai d’instruction de la demande d’activité partielle ?
Quels sont les cas éligibles à l’activité partielle ? Quelles sont les formations éligibles ? Quelle est la prise en charge de l’État ? Puis-je moduler les durées du travail pour répondre à une hausse d’activité ?
19. Quelles sont les règles générales relatives à l’exercice du droit de retrait ?
20. Quel est le rôle du comité social et économique et dans quels cas dois-je l’informer/le consulter ?
Le Ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé que le coronavirus sera considéré comme "un cas de force majeure" pour les entreprises. Elles pourront donc recourir à l’activité partielle, étaler le paiement des charges sociales et fiscales, si besoin, et ne se verront pas appliquer de pénalités en cas de retards des marchés publics de l’État.