Appels d'offres publics : des gisements de croissance et de souveraineté captés par les entreprises américaines
Le code des appels d'offres recèle sa part d'ombre : compliqués à formuler et à organiser, lourds à dépouiller, longs. Autant de freins que les entreprises publiques/semi-publiques tentent de lever.
Conçu pour garantir la transparence de la commande publique, le code des appels d'offres recèle sa part d'ombre : compliqués à formuler et à organiser, lourds à dépouiller, longs à finaliser, etc. Autant de freins que les entreprises publiques et semi-publiques tentent de lever en imposant des critères d'accès à la candidature, afin de gagner en agilité. Malheureusement, en imposant des critères tels que chiffre d'affaires, montant des dommages et intérêts, assurances, etc., de nombreuses TPE et PME françaises se retrouvent exclues, laissant la manne de la commande publique et des données qu’elle doit équiper à la portée d’intérêts étrangers.
Les pouvoirs publics ont une opportunité de changer la donne. Monsieur le Président de la République, voici quelques constats et idées.
La taille compte… dans l’économie digitale
Nous vivons un âge d’or de l'économie numérique et vos efforts n’y sont pas étrangers, mais la course à la croissance illustre bien l’importance de la taille pour les éditeurs informatiques sur l’échiquier mondial. Cette course aux levées de fonds, rachats et fusions traduit un besoin impérieux, particulièrement aigu dans le monde du logiciel d’entreprise où nos concurrents anglos-saxons ont quelques longueurs d'avance.
En bref, dans le monde des logiciels "structurants" pour les entreprises (ERP, Ressources Humaines, production, supply chain, paiement, marketplace, etc.) l'hégémonie d’acteurs américains empêchent nos fleurons français d’accéder à la commande de nos entreprises publiques et semi-publiques.
Comment ? En imposant des critères de "taille" aux fournisseurs pour… déposer leur dossier de candidature !
Des associations chères et contre-nature
Le constat est réellement préoccupant. Très régulièrement, des entreprises françaises prometteuses ayant les capacités de concurrencer les acteurs historiques sur leur marché, sont écartées des commandes publiques parce qu’elles ne répondent pas aux critères d’accès imposés par les donneurs d’ordre.
La solution de contournement ? S’associer à de grandes entreprises (souvent) étrangères pour présenter la surface financière et prudentielle exigée. La conséquence ? Des offres de prix finales "gonflées" par les commissions demandées par les entreprises auxquelles nous devons nous associer, qui, régulièrement, rendent la réponse des entreprises françaises non compétitive. C’est la double peine pour les éditeurs français de logiciels d'entreprise. C'est aussi un abandon de souveraineté, quasi systématique. Au-delà, ce sont des surcoûts sans valeur ajoutée pour la commande publique.
Des données françaises aspirées par le soft power des éditeurs américains
Au-delà de l’hébergement des données, qui constitue un énorme problème en soi et que les initiatives de cloud souverain tentent de résoudre avec les difficultés que l’on connait, la souveraineté passe aussi par la restriction d’accès aux données de fonctionnement des entreprises françaises.
La situation géopolitique actuelle renforce malheureusement les inquiétudes en la matière : souhaitons-nous que les données d’EDF, Engie ou la SNCF soient gérées par des solutions logicielles étrangères ? Posons-nous la même question pour les données personnelles des salariés de ces mêmes entreprises (identité, salaire et traitement, impôt etc.). Quand les éditeurs de logiciels français ne peuvent pas accéder aux appels d’offre de ces grands donneurs d’ordre, c’est le choix qui est fait.
Notre économie numérique est un fleuron. Je ne réclame pas de passe-droit, juste quelques idées pour "jouer des muscles" et pouvoir faire valoir notre excellence technologique et fonctionnelle. Des solutions étatiques au service de la compétitivité des entreprises françaises pour changer la donne
Taille, garantie et économies
À l’image du PGE pensé par Emmanuel Macron, l’État pourrait apporter sa garantie aux acteurs logiciels français qui souhaitent se positionner sur les appels d’offres publics. Cette garantie permettrait aux pépites françaises de se développer en renforçant le niveau de confiance des donneurs d'ordre et leur surface économique et leur éviterait d’avoir à s’adosser à de grands acteurs et ainsi épargner des coûts supplémentaires à la commande publique.
Index et Quotas
La discrimination positive a fait ses preuves dans d’autres domaines. Imposer aux entreprises publiques et semi-publiques françaises de respecter des quotas de fournisseurs nationaux sur chacun de leurs appels d’offres ferait immanquablement bouger les lignes. Un index de la commande publique, à l’instar de celui créé pour mesurer l’égalité Femme-Homme en entreprise serait un autre outil très efficace.
Coopération !
Enfin, au-delà de la contrainte, il faut changer de paradigme. Favoriser la coopération grand compte et TPE/PME afin de prolonger le travail accompli par le Small Business Act à la française de 2017, fluidifierait l’accès aux appels d’offres.
Il y a assurément d’autres idées et propositions à imaginer. J’espère, M. Le Président, que cette lettre ouverte amorcera, voire accélèrera, la variété des réponses de l’État en faveur de ses PME et ETI, pour le bien et la souveraineté de tous.