Marques, soignez vos salariés plutôt que votre discours

Les avis de salariés intéressent de plus en plus les consommateurs. Ils considèrent ces avis avec plus de confiance que les discours officiels de marque.

Les marques ont tout intérêt à afficher les avis modérés et vérifiés, de leurs collaborateurs. Elles ne peuvent continuer à laisser le champ libre à des plates-formes extérieures, sur lesquelles n’importe qui peut déposer un « avis salarié » non authentifié.

Pourquoi consulter les avis de salariés d’une entreprise ? Longtemps, ces témoignages n’ont intéressé que les DRH des entreprises concernées, ou encore les candidats en recherche d’emploi. Mais les temps changent : aujourd’hui, les avis de salariés d’une entreprise intéressent de plus en plus, également, ses clients potentiels. Ces avis « de l’intérieur » représentent désormais 21% des requêtes effectuées par les consommateurs cherchant à se renseigner sur une marque, tous secteurs confondus[1]. Le discours officiel de la marque, lui, ne concerne que 36% des requêtes. Autant dire que les prises de parole des marques autour de leurs valeurs, de leurs engagements et de leur raison d’être, pourtant travaillées au cordeau, n’influencent que modérément le grand public. Il leur préfère, de plus en plus, le ressenti des salariés, ceux qui travaillent au quotidien pour l’entreprise en question. Ces avis refléteraient, de manière complémentaire au discours de la marque, une autre vérité, perçue comme plus sincère, moins filtrée.

Pourquoi cet intérêt du consommateur pour le bien-être de salariés qu’il ne connaît pas ? Sans doute pas uniquement par pur altruisme : c’est avant tout parce que le consommateur potentiel considère qu’un salarié satisfait lui délivrera un meilleur produit ou service, cherchera mieux à le contenter. Voire, dans l’agro-alimentaire ou le service à la personne par exemple, que ce salarié bien considéré appliquera mieux les conditions d’hygiène et de sécurité, lui garantissant une consommation plus sûre.

Choisir de consommer auprès d’entreprises traitant bien leurs salariés

Mais au-delà de cette raison purement pratique, le consommateur cherche aussi, de plus en plus, à s’assurer qu’il ne cautionne pas, par son achat, les pratiques contestables d’une entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs. En témoigne, par exemple, le spectaculaire effondrement des entreprises de « quick commerce ». Après des débuts tonitruants, elles ont aujourd’hui toutes abandonné le marché français. En cause, outre une flopée de difficultés économiques et réglementaires, un problème majeur d’image : une bonne partie des consommateurs culpabilisaient quant aux conditions de travail difficiles des livreurs et des logisticiens de ces entreprises, amplement relayées par les médias. Comment en effet ne pas percevoir de hiatus entre le discours de ces marques prônant le plaisir au quotidien pour le client, livré en quelques minutes, et le quotidien éprouvant de leurs collaborateurs ?

Cet exemple, pour extrême qu’il soit, illustre bien la nécessité d’un alignement, ou du moins d’une non-contradiction, entre avis des salariés et discours de la marque. Ce qui supposerait, au minimum, que les avis de salariés soient rendus publics par les entreprises, au même titre que les avis de leurs clients. Or, ce n’est en général pas le cas : les résultats des enquêtes de satisfaction menées par les entreprises auprès de leurs collaborateurs restent « à usage interne ». Du coup, les seuls avis salariés disponibles publiquement se trouvent sur des plates-formes ouvertes aux quatre vents, sur lesquelles n’importe qui peut déposer un avis, sans que personne ne vérifie que ces avis émanent de « vrais » salariés. A contrario, les avis clients, autrefois peu contrôlés, proviennent aujourd’hui d’authentiques consommateurs, sollicités après un achat récent.

Bilan : les entreprises ont tout intérêt à partager les avis de leurs salariés, rigoureusement vérifiés, sollicités par leurs services RH. Ces salariés doivent bien sûr pouvoir répondre anonymement, et leurs propos ne doivent ni diffamer, ni porter atteinte à la réputation de l’entreprise. Tous ne chanteront évidemment pas les louanges de leur employeur, la plupart se contenteront d’une tiède acceptation de leurs conditions de travail. Mais le consommateur, souvent lui-même salarié, saura faire la part des choses. Continuer à lui cacher ces avis ne pourra que le frustrer, à l’heure où l’exigence de transparence devient chaque jour plus impérieuse.

[1] Etude Custplace septembre 2023 portant sur plus d’1M de requêtes Google en France