Thierry Klopp (DHL Global Mail) "Les taux de retour de l'e-commerce allemand ne sont élevés que dans l'habillement"

Quelles sont les caractéristiques du marché allemand de la vente en ligne en termes de livraison, de paiement et de législation ? Réponses du DG France et Espagne de DHL Global Mail.

JDN. Quelles sont les principales spécificités logistiques du marché e-commerce allemand ?

Thierry Klopp. Le marché allemand de la vente en ligne se caractérise d'abord par une réglementation très stricte en matière de protection des données, ainsi que par une législation très favorable au consommateur. En particulier, la loi accorde 14 jours au cyberacheteur pour retourner sa commande, aux frais du marchand et sans avoir à se justifier. Pour des raisons qui sont également historiques et culturelles, les clients ont en outre la possibilité d'effectuer leur paiement par facturation, qui constitue le mode de paiement majoritaire.

Concrètement, le cas le plus fréquent est donc le suivant : le client reçoit son colis, la facture y est glissée ou envoyée par la poste, puis il règle son achat par virement ou par chèque. Bien sûr, ces pratiques évoluent avec les générations, les moins de trente ans se montrant plus ouverts au paiement par carte bancaire, qui se développe beaucoup, ainsi qu'à Paypal et au paiement mobile.

 

Les taux de retour sont-ils effectivement bien plus élevés qu'en France ?

C'est surtout vrai sur le segment de l'habillement et des chaussures. Les taux de retour peuvent alors monter jusqu'à 30 ou 40%, car les consommateurs sont tout-à-fait capables de commander plusieurs tailles pour n'en garder qu'une. Souvenons-nous d'ailleurs que cette habitude est héritée de la prédominance de la VPC dans la consommation allemande. Tous les foyers allemands reçoivent 4 ou 5 catalogues. Contrairement à la France, l'Allemagne ne regorge pas de centres commerciaux. Pour pouvoir essayer les produits comme le font les Français en magasin, les Allemands sont donc bien obligés de les essayer chez eux.

C'est toutefois beaucoup moins vrai pour les autres catégories de produits et notamment dans le cas d'achats plus engageants. L'acquisition d'un appareil photo ou d'un réfrigérateur, par exemple, constitue un achat raisonné : il faut vraiment que le produit ne plaise pas à l'acheteur pour qu'il le renvoie. Les taux de retour observés hors secteur textile et VPC sont alors très proches de ceux qu'enregistrent les e-marchands français.

 

Quels atouts voyez-vous au marché e-commerce allemand pour les marchands français ?

D'abord, la taille du marché, qui compte 82 millions d'habitants et 67 millions d'acheteurs potentiels, avec un taux d'équipement Internet parmi les plus élevés d'Europe. Ensuite, les consommateurs sont habitués à la vente à distance et ne vont pas sur Internet uniquement pour rechercher de bonnes affaires. Le prix représente donc une motivation à l'achat en ligne moins marquée que dans les autres pays d'Europe, ce qui est appréciable pour les marchands.

Et puis surtout, le marché allemand est plus facile à livrer que la France. Sa densité est à peu près deux fois supérieure, la population étant davantage concentrée dans les villes. Il n'y a par exemple pas d'équivalent de l'Auvergne, cauchemar des transporteurs! Il en découle un maillage du territoire meilleur qu'en France. Deutsche Post (maison-mère de DHL depuis 2001, ndlr), qui compte 20 000 bureaux, a beaucoup industrialisé ses centres de tri, à tel point qu'elle livre dès le lendemain 90% des colis qui lui sont confiés. De plus, nous avons développé des automates de retrait nommés Packstation, qui marchent très bien. Au total, il est possible de livrer plus de 90% de la population allemande en moins de 48 heures.

 

En quoi consistent ces Packstation ?

Ils constituent en quelque sorte l'équivalent allemand des points relais en France et fonctionnent sur un modèle semblable à Cityssimo de La Poste. Lorsque la commande est livrée dans l'un des casiers qui compose la Packstation, l'acheteur reçoit un SMS lui indiquant le code à renseigner pour ouvrir le casier. Livrés 6 jours sur 7 et utilisables 24 heures sur 24 par les acheteurs, ils permettent aussi bien de retirer des achats que de les retourner. Il existe 2500 Packstation en Allemagne : chaque consommateur en a nécessairement une à moins de 10 minutes de chez lui. En fonction du volume à livrer, il nous est possible de leur rajouter des casiers.

 

Comment évaluer le coût de l'expédition d'un entrepôt français jusqu'à un consommateur allemand ?

La première composante est liée à la distance séparant les deux pays, or le plus souvent la distance France-Allemagne est inférieure à la distance France-Espagne, notamment au départ de Paris. S'y ajoute le coût de la distribution domestique. Parmi les pays frontaliers de la France, l'Italie et le Royaume-Uni sont les plus chers, l'Allemagne et l'Espagne les moins chers.

 

Au total, sur quelle durée de livraison faut-il compter ?

Pour se rendre en Allemagne, un camion partant de France mettra entre 24 et 48 heures. Pour que le colis arrive jusqu'au client, il faut donc compter 3 ou 4 jours au total, 2 ou 3 jours en partant de Paris, une journée en partant d'Alsace. Tout ceci sans compter le délai de préparation de commande, bien entendu.

 

Logistique mise à part, à quoi les e-marchands français désirant vendre en Allemagne doivent-ils prêter une attention particulière ?

Comme dans la plupart des pays, l'achat transfrontalier n'est pas naturel. Il faut donc absolument fournir au client une bonne première expérience d'achat. Cela passe par un respect absolu du délai de livraison, par un service client véritablement local et par un site inspirant toute confiance notamment parce qu'il est rédigé en bon allemand et qu'il apporte toutes les précisions nécessaires en matière de paiement, de livraison, de description des produits ou encore de respect des données. En bref, il convient d'adopter une démarche marketing entièrement dédiée au marché allemand. Le retour sur investissement sera peut-être plus long, mais il s'agit d'un marché incontournable présentant de nombreux avantages pour un e-commerçant français qui désire exporter.

 

 

Thierry Klopp est country manager France et Espagne de DHL Global Mail. Il a effectué l'ensemble de sa carrière chez DHL, gravissant progressivement les échelons. Directeur des opérations Paris de DHL International de 2000 à 2003, il est ensuite directeur de la plateforme DHL Express jusqu'en 2007. Directeur des services clients de DHL Express Messagerie pendant un an, il est nommé directeur général de DHL Global Mail Services en 2008, puis devient PDG de Deutsche Post Global Mail France en 2009.