Le secteur de l’assurance face à un nouvel enjeu de fidélisation

Le secteur de l'assurance commence à amorcer sa phase de maturation vis-à-vis de l'Internet : nouveaux acteurs pure players, comparateurs de produits, etc. La fidélisation des assurés devient dès lors un enjeu majeur pour les différents acteurs de l'assurance.

La fin de l'année 2008 a vu émerger de nouveaux canaux de distribution des produits assurantiels. Caractérisés par une grande diversité de structures et de business models (sociétés d'assurance, mutuelles, institutions de prévoyance, de retraite complémentaire, etc.), les acteurs de l'assurance ont massivement investi le canal Web. D'un simple canal de communication institutionnelle et, dans une moindre mesure, de relation client, le Web est très rapidement devenu un outil qui permet des actions sur le contrat : devis en ligne, souscription, gestion, déclaration et suivi des sinistres.

L'adoption de ce nouveau canal aura vraisemblablement des conséquences rapidement mesurables sur la fluidité du marché. En effet, la levée des barrières à la souscription pourrait avoir un effet positif sur le nombre de contrats souscrits. Une facilité accrue de comparaison des offres devrait avoir un impact sur la pression concurrentielle qui s'exerce sur les offreurs. Et enfin, des procédures de résiliation simplifiées peuvent générer un churn [1] supérieur.

Après d'autres industries très concurrentielles ou en phase de le devenir comme les télécoms, l'énergie et la banque, le secteur de l'assurance devra donc bientôt se doter des outils et des méthodes permettant d'optimiser l'usage du canal Web pour un ensemble varié de transactions et d'opérations de communication. Bien sûr, la simple duplication des solutions mises en œuvre dans ces autres secteurs ne pourra qu'imparfaitement prendre en compte la spécificité des métiers de l'assurance : une dématérialisation poussée des échanges trouvera ses limites dans le besoin de contact lors de la gestion des sinistres [2], par exemple. Cependant, la gestion du churn pourra avantageusement s'inspirer des solutions aujourd'hui matures développées dans ces autres secteurs.

Aujourd'hui, le taux de churn moyen du secteur banque - assurance s'élève à environ 5 %, à comparer à plus de 20 % dans le secteur des télécommunications : les clients sont donc encore majoritairement captifs de leurs assureurs, pour des raisons à la fois réglementaires et structurelles. Les raisons majeures du churn, tous secteurs confondus, sont liées dans deux tiers des cas à une relation client insatisfaisante[3] : gestes commerciaux inadaptés, promesses non tenues, etc.

Cette évolution rapide de l'offre sur l'Internet ne pourra que faire accroître le taux de churn, notamment via une meilleure possibilité d'information immédiate sur les offres concurrentes : la comparaison des offres en ligne se développe en effet, avec des sites comme Assurland.com ou Hyperassur.com, même si certains assureurs refusent encore d'être référencés sur ces sites. Sur le premier semestre 2009, 63 % des internautes ayant effectué des recherches en ligne sur les produits bancaires ou assurantiels avaient ainsi utilisé des comparateurs de prix pour s'informer sur les produits d'assurance [4].
 
De façon très standardisée, les approches de gestion du churn se déclineront en quatre grandes étapes :

- La mise en place d'outils de suivi, standards ou spécifiques, interconnectés aux bases commerciales et aux bases de gestion des sinistres, afin de mettre en œuvre les indicateurs métiers permettant de connaître les bases de clients ;

- La segmentation des "churners", a minima selon les causes de churn (abandon involontaire comme la vente du bien assuré, abandon volontaire, passage à la concurrence, ou churn en interne pour une autre offre) mais également selon des critères métiers à identifier : type de contrat et de couverture, bien assuré, éparpillement des contrats chez plusieurs assureurs ou regroupement de tous les contrats chez un seul, éventuellement adossé à un organisme bancaire, etc. ;

- L'identification dans la base clients des profils qui se rapprochent de ces critères segmentants, donc les plus risqués au regard du churn ;

- Enfin, la mise en place d'actions de rétention et de fidélisation adaptées à ces différents profils, avec un souci de mise en cohérence des budgets de rétention à la valeur du client. Le suivi des performances des actions anti-churn mises en œuvre aura un double avantage pour les directions marketing des assureurs : à la fois de limiter le churn, mais également d'accroître leur connaissance des comportements clients, notamment les plus risqués d'entre eux.

On peut donc s'attendre à ce que le second semestre 2009 soit la période où les assureurs fourbissent leur arsenal de rétention afin, dès l'année prochaine, d'être préparés pour la bataille de la fidélisation des clients, qui sera nécessairement rude et durable. A l'exception des acteurs à la fois compétitifs et dotés d'une relation client de très haute qualité, ceux qui négligeront cette étape importante dans la maturation de leur dispositif de fidélisation pourront s'attendre à une dégradation significative de leur activité, voire de leur image.

[1] Le taux de churn, ou d'attrition, est un indicateur de la part du parc d'abonnés qui résilie ses contrats. Il est calculé comme le ratio du nombre de clients qui ont résilié un contrat (ou de contrats résiliés) sur le nombre total de clients (ou de contrats).
[2] 84 % des clients préfèrent le contact direct dans ce cas, source étude Altenor Consulting, Capa Conseil et Market Audit.
[3] Selon une étude du cabinet Kollen Partners / Assistance Marketing.
[4] Source baromètre Fevad – Médiamétrie//NetRatings de juin 2009.