Jean-François Boucher (Mr Bricolage) "47% des ventes sur Mr-Bricolage.fr sont retirées en magasin"

L'enseigne a attendu décembre 2012 pour vendre en ligne. Profitant du savoir-faire du Jardin de Catherine, elle déploie désormais massivement le web-to-store, explique son PDG.

JDN. Sur l'exercice 2012, l'activité de vos magasins intégrés a baissé de 4% et celle de vos adhérents n'a augmenté que de 0,7%. Quelles sont vos priorités actuelles et comment s'y intègre Internet ?

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Jean-François Boucher, PDG du groupe Mr Bricolage © S. de P. Mr Bricolage

Jean-François Boucher. Le premier axe est celui de la proximité. Par nos trois enseignes (Mr Bricolage, Briconautes, L'Entrepôt du Bricolage), nos formats de magasins de 1 000 à 10 000 mètres carrés, notre présence en zone rurale comme en centre-ville, nous continuons à nous rapprocher de nos clients. Le second axe réside dans l'animation de notre réseau. Cela passe par l'extension des assortiments, l'accroissement de notre notoriété, l'amélioration de nos outils logistiques ou encore le développement de nos marques de distributeur. Le troisième axe est le web-to-store, qui accompagne l'évolution des comportements des consommateurs.

 

Pourquoi avez-vous racheté le pure player Le Jardin de Catherine, en juillet 2012 ?

La finalité n'était pas d'acquérir une société opérant un ou deux sites e-commerce, mais, bien plus largement d'accompagner la démarche des clients de Mr Bricolage. Le Jardin de Catherine possédait le savoir-faire de la vente en ligne et de la logistique propre à l'e-commerce. Les fondateurs, Catherine et Eric Poncin, sont d'ailleurs toujours dans l'entreprise. Ils nous ont permis de mettre en place la stratégie e-commerce de Mr Bricolage, qui a abouti 4 mois après le rachat au lancement de notre premier site marchand, Mr-Bricolage.fr, en décembre.

 

Vous avez depuis commencé à déployer toute une galaxie de sites marchands correspondant chacun à un magasin...

Nous désirons déployer autant de sites que de magasins. Sur notre objectif de 275 sites en 2013, nous en sommes déjà à 264. Mais pour l'internaute, c'est transparent : il ne voit qu'un seul site. Lorsqu'il se rend sur Mr-Bricolage.fr, on lui demande son code postal et on lui propose les magasins les plus proches de chez lui. S'il accepte d'être ainsi géolocalisé, lorsqu'il recherchera un produit, les résultats liés aux magasins les plus proches apparaîtront en tête des résultats et ceux du site marchand national s'afficheront après. De cette façon, on lui facilite le retrait en magasin sous 2 heures, tout en lui laissant l'accès à toute l'offre. C'est un service supplémentaire pour lui, mais il est bien sûr aussi dans notre intérêt de l'envoyer en magasin.

 

Comment organisez-vous la réservation des articles en magasin, en ne disposant que de l'inventaire de la veille au soir ?

Effectivement, nous balayons tous les soirs les systèmes d'information des magasins pour en remonter le niveau des stocks. Lorsqu'un client choisit le retrait en 2 heures, le magasin en est immédiatement informé. Quelqu'un sur place s'assure que l'article est disponible et, dans les deux cas, l'acheteur reçoit une notification. Si jamais le produit n'est plus en stock, nous annulons la transaction.

 

Dans quelle proportion vos cyberacheteurs se font-ils livrer en point de vente ?

53% des commandes passées sur Mr-Bricolage.fr sont livrées à domicile et 47% sont retirées en magasin : 14% en retrait en 2 heures et 33% ultérieurement. Ces chiffres n'englobent pas le Jardin de Catherine, mais ses deux sites utilisent aussi des magasins Mr Bricolage comme de points de retrait. En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte d'une autre utilisation de la vérification en ligne des stocks en point de vente : les internautes qui voient que le produit est en stock dans leur magasin et s'y déplacent pour effectuer leur achat.

 

Comment est affectée la vente réalisée en ligne mais retirée en magasin ?

C'est celui qui porte le stock qui prend le chiffre d'affaires. Si l'article est pris dans le stock du site marchand national et livré en point de vente, alors le magasin-relais prend une commission chiffrée au poids du colis. Mais cette commission reste epsilonesque, le vrai gain pour le magasin réside dans le trafic qu'il obtient grâce à ces ventes. A lui ensuite de faire valoir ses promotions, d'apporter du conseil, de montrer sa nouvelle façade, etc.

 

Avez-vous formé vos magasins afin qu'ils sachent prendre en charge le click-and-collect ?

Oui, aussi bien sur les aspects techniques de la réception de ces colis et de leur remise aux clients que pour accompagner l'évolution des comportements à adopter avec eux. Car Internet change la façon de commercer, y compris dans la distribution physique ! Ce module d'accompagnement du changement a d'abord été déployé auprès des adhérents, puis des directeurs des magasins intégrés, pour enfin être proposés aux équipes.

 

Quel chiffre d'affaires réalisez-vous sur Internet ?

En 2012, il s'agit donc uniquement des ventes de Le-jardin-de-catherine.com et de La-maison-de-catherine.com, qui s'élevaient à 25 millions d'euros. En 2013, nous nous attendons à un chiffre d'affaires semblable, car la priorité jusqu'ici a été donnée à l'intégration des systèmes d'information, de la logistique et des équipes, sans mentionner la météo très défavorable au secteur. Nous irons chercher la croissance pour ces sites à partir de l'an prochain.

Côté Mr Bricolage, nous attendons de belles perspectives de croissance mais pâtissons également de la mauvaise météo du deuxième trimestre. Notre objectif est que le chiffre d'affaires de Mr-Bricolage.fr atteigne cette année celui d'un magasin moyen et dépasse dans 3 ans 50 millions d'euros, ce qui correspondrait à deux très gros magasins.

Quant aux ventes multicanales web-to-store, nous attendons de voir comment évoluent les comportements des clients pour nous fixer des objectifs précis. Mais nous constatons déjà une belle montée en puissance.

 

Vos points de vente sont-ils confrontés au showrooming et vous intéressez-vous aux possibilités offertes par le mobile, en magasin ou non ?

Nous sommes vigilants mais les équipes disent ne pas être très confrontées encore à ce comportement. Quant à notre utilisation du canal mobile, le sujet est très présent à notre esprit. Il est encore à l'état de projet, mais nous savons d'ores et déjà que même si nous ouvrons la vente sur mobile, notre présence sur ce canal visera avant tout à accroître les ventes en magasin.

 

Avez-vous d'autres projets e-commerce ou multicanaux ?

Nous avons lancé 4 sites thématiques en mai sur le jardinage, la décoration, le bricolage et enfin les économies et l'écologie. L'idée est d'apporter des informations aux clients, de travailler notre référencement et d'apporter du trafic au site marchand.

Plus généralement, j'ai le sentiment que nous sommes en avance, concernant notre approche du commerce. Nous permettons à nos clients d'acheter en ligne, de se faire livrer chez eux, en relais colis ou en magasin, ils ont la possibilité de préparer sur le Web l'achat qu'ils feront en point de vente... Et dans peu de temps, ils pourront en magasin être conseillés par des vendeurs munis de tablettes, qui leur donneront accès à tout le catalogue du site marchand national. Nous avons débuté les tests, le déploiement est planifié pour 2014. Avec le mobile, l'expérience multicanale sera alors complète. D'où notre actuelle priorité : déployer notre réseau de magasins et les convaincre que l'avenir est multicanal.

 

 

Jean-François Boucher est PDG du groupe Mr Bricolage. Enfant, il apprend le métier de commerçant dans la droguerie de ses parents. Ceux-ci adhèrent au groupement ANPF, une coopérative d'exploitants de magasins de bricolage qui crée en 1980 Mr Bricolage. Les magasins des Boucher passent sous enseigne Mr Bricolage. En 1989, à 19 ans, Jean-François Boucher les rejoint dans l'entreprise et crée également un centre auto Feu Vert. En 1997, il est élu représentant des adhérents de la région nord au conseil d'administration de l'ANPF. Sa société Boucher Invest rachète ensuite plusieurs magasins puis, en 2000, se recentre sur le bricolage et cède Feu Vert. En 2007, il devient PDG du groupe Mr Bricolage et directeur général de l'ANPF, tout en continuant à présider Boucher Invest.