Christophe Bourbier (Limonetik) "Limonetik lève 1,6 million d'euros et numérise les Chèques Vacances"

Connectant sites marchands et moyens de paiement alternatifs, la start-up va profiter de son nouveau positionnement de facilitateur de paiement pour déployer son offre en Europe.

JDN. Limonetik lève 1,6 million d'euros. Dites-nous en plus sur l'opération...

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Christophe Bourbier, cofondateur et PDG de Limonetik © S. de P. Limonetik

Christophe Bourbier. Nous levons auprès de nos actionnaires existants : les fonds Newfund et Orkos, la financière Norbert Dentressangle, ainsi que les cofondateurs et business angels. Les trois premiers montent à près de la moitié du capital, les cofondateurs en conservent un tiers et les business angels et les investisseurs de love money détiennent le reste.

Notre précédent tour de table, mi-2011, s'élevait à 5,1 millions d'euros. Entre temps, nous avons repositionné notre modèle et notre stratégie. C'est pour pouvoir profiter rapidement de ce travail que nous avons opté pour une levée bouclée en moins de deux mois auprès de nos actionnaires actuels. Maintenant que notre transformation a abouti, cet apport de capital va principalement nous permettre de financer notre développement international. A commencer par l'Allemagne et le Royaume-Uni, où nous avons des correspondants depuis fin 2012.

En quoi consiste ce repositionnement ?

Auparavant, Limonetik était un apporteur d'affaires pour les e-commerçants. Nous générions des transactions supplémentaires en leur permettant d'accepter des moyens de paiement alternatifs à la carte bancaire : cartes cadeaux, cartes prépayées, listes de mariage, Paypal, cartes de crédit Cofidis ou Cofinoga, etc. Notre solution se branchait directement sur le site marchand qui, sans intégration spécifique, pouvait proposer tous ces moyens de paiement à ses acheteurs. Ceux-ci devaient en revanche passer par un portail extérieur au site pour les utiliser.

Aujourd'hui, nous intégrons notre technologie en dur sur les sites marchands. Cela permet d'une part de simplifier le parcours client et d'autre part de proposer des services dédiés à chaque e-commerçant, par exemple une carte cadeau Conforama utilisable uniquement sur Conforama.fr.  Et si le marchand veut rajouter un moyen de paiement, cela reste extrêmement simple, puisque c'est toujours Limonetik qui s'est préalablement chargé de le rendre compatible avec tous les PSP [prestataires de services de paiement, comme Atos, Ogone ou Paybox, ndlr], tous les systèmes d'encaissement... C'est-à-dire toutes les briques de la chaîne de paiement. Notre différenciation provient maintenant de la puissance et de l'agilité de notre technologie, capable d'adresser toutes les problématiques du paiement et de la monétique. En offrant, en outre, des outils de marketing et de fidélisation liés au paiement.

Les e-marchands et les PSP ne pourraient-ils pas réaliser tous ces développements eux-mêmes ?

Si, mais cela leur prendrait une éternité. Chez nous, c'est déjà fait. Le time-to-market est réduit au minimum. Nous nous considérons donc maintenant comme un accélérateur, un facilitateur de paiement. Nous gérons pour ces acteurs toute la complexité, les mélanges de flux, les innovations et les nouvelles pratiques qui ne cessent de se développer dans le monde du paiement.

"Nous avons 100 clients auxquels nous sommes totalement intégrés"

Quelques exemples de ce à quoi vous pouvez être utiles...?

Par exemple, c'est Limonetik qui a porté Paypal sur Voyages-Sncf.com en 2012. Ce site est extrêmement complexe, il est multicanal, présent sur plusieurs pays, le système d'informations qui le soutient est donc long à faire évoluer. De son côté, Paypal est plutôt conçu pour les petits sites marchands. Passer par Limonetik a permis à Voyages-Sncf.com de diviser le temps d'intégration de Paypal par dix.

Plus compliqué. Si Edenred ou Sodexo veulent lancer une carte cadeau valable sur Internet, ils peuvent aller voir les sites marchands et faire intervenir les PSP , mais ce sera très long. Avec Limonetik, la solution sera intégrée immédiatement. Le consommateur pourra utiliser plusieurs cartes à la fois pour régler son achat et même, malgré cela, demander un remboursement.

En quoi ce repositionnement est-il bénéfique pour Limonetik ?

Notre offre est devenue plus autonome. L'amorçage chez le marchand sera plus simple. Et comme nous intéressons davantage d'acteurs, il nous sera aussi plus facile de nous développer dans d'autres pays.

Par ailleurs, notre modèle économique est maintenant plus stable. Historiquement, nous prenions une commission sur les transactions apportées par Limonetik. Aujourd'hui s'ajoute à ce pricing à l'usage une licence mensuelle pour l'utilisation de notre plateforme.

Combien avez-vous de clients e-commerçants et quel est votre chiffre d'affaires ?

Nous avons 100 clients auxquels nous sommes totalement intégrés. Nous ciblons toujours les gros moyens de paiement et les gros sites marchands. En particulier les click-and-mortar, dont les fortes problématiques multicanal nous intéressent, ainsi que les marketplaces, qui doivent composer avec plusieurs systèmes d'encaissement. Nous ciblons également les voyagistes, dont les sites très complexes et les systèmes d'encaissement spécialement sophistiqués présentent un énorme potentiel pour Limonetik. En outre, nous aurons bientôt pour clients des PSP, qui ne nous voient plus comme des concurrents mais bien comme des facilitateurs.

"Quand nous entrons chez un marchand avec un moyen de paiement, nous avons de bonnes chances d'en placer un autre"

Toutefois, plus encore que le nombre de clients, c'est le volume de transactions transitant par Limonetik qui devrait fortement augmenter, au fur et à mesure que nous rajoutons des gros moyens de paiement. Il s'élevait à 4 millions d'euros en 2010, 15 millions en 2011 et autant en 2012 du fait de notre repositionnement.  En 2013 nous tablons sur 35 millions d'euros, montant qui devrait doubler ou tripler en 2014. Notre chiffre d'affaires atteindra 1 million d'euros cette année et sans doute 3 millions en 2014.

En parlant d'e-voyagistes, vous venez d'intégrer à votre solution les Chèques Vacances, qui sont pourtant en papier. Comment vous y êtes-vous pris ?

1,2 milliard d'euros de Chèques Vacances sont émis chaque année par l'ANCV et utilisés exclusivement dans le monde physique. C'est à la fois très contraignant pour le consommateur et très frustrant pour les voyagistes en ligne, qui concentrent pas moins de 40% des transactions sur Internet. Pour ces sites, intégrer les Chèques Vacances nécessite une gestion comptable complexe. Attendre de recevoir les chèques, vérifier qu'il y en a le bon nombre et que le paiement complémentaire par carte bancaire est suffisant, s'assurer qu'il sera possible d'effectuer un remboursement... C'est compliqué pour eux et cela correspond à quelque chose que nous savons très bien faire. Suite à leurs nombreuses demandes, nous avons donc ajouté les Chèques Vacances à notre solution.

Nous avons passé un partenariat avec  Docapost, filiale de La Poste spécialisée dans le traitement de document, qui trie les Chèques Vacances et nous dit si elle les a bien reçus. Pour le reste, le moteur de Limonetik sait gérer différents types de flux, en mettre certains en attente, etc. Trois voyagistes acceptent déjà les Chèques Vacances grâce à Limontik : Belambra, Voyage Privé et Ecotour.

Quelle part des ventes ce moyen de paiement pourrait-il représenter à terme chez les e-voyagistes ?

Ils ne préfèrent pas le communiquer, mais c'est une part très significative. De plus, ce sont des ventes purement incrémentales. Les Chèques Vacances sont prépayés et constituent en quelque sorte une partie du salaire. Donc lorsqu'un consommateur qui en possède ne peut pas les utiliser sur un site de voyages, il renonce à sa réservation et trouve un autre acteur qui les accepte. Proposer les Chèques Vacances permet enfin aux voyagistes d'améliorer leur panier moyen. Car comme dans le cas de n'importe quelle carte cadeau, le consommateur a une impression de non-dépense. Il se fait plaisir et n'hésite pas à arrondir au-dessus.

Côté Limonetik, cela va certes nous apporter des revenus supplémentaires, mais comme à chaque ajout d'un moyen de paiement, nous attendons encore davantage de l'effet boule de neige. Une fois que nous entrons chez un marchand avec un moyen de paiement, nous avons de bonnes chances de pouvoir en placer un autre. Cette offre supplémentaire va donc doper doublement notre chiffre d'affaires.

Christophe Bourbier est cofondateur et PDG de Limonetik. Diplômé de l'Institut national polytechnique de Grenoble et titulaire d'un master Business et Relations internationales de l'Université de San Diego, il débute sa carrière en 1999 en tant que consultant chez Groupe Y, tout en fondant PlastiSynergy, une marketplace pour l'industrie des professionnels de la chirurgie esthétique. En 2000 il rejoint Capgemini et se spécialise dans la stratégie et le marketing des start-up. En 2004 il est nommé directeur associé chez Alteir Consulting et couvre le domaine des MVNO. Parallèlement il fonde une société éditrice de solutions propriétaires de micro-paiement et de paiement mobile ciblant l'industrie de la presse. En 2007 il cofonde Limonetik et prend les fonctions de directeur général. En mars 2012 il en devient le président. Limonetik compte actuellement 22 collaborateurs.