Deux sénateurs UMP font de l'e-commerce transfrontalier un "gisement fiscal"

Deux sénateurs UMP font de l'e-commerce transfrontalier un "gisement fiscal" Deux sénateurs UMP ont examiné l'action des douanes et de l'administration fiscale en matière d'e-commerce. Ils proposent plusieurs instruments juridiques pour mieux taxer le secteur.

"Le secteur [de la vente en ligne de biens matériels], en pleine expansion, est l'objet de fraudes fiscales massives, qui concernent presque tous les impôts : TVA, droits de douane, impôt sur les sociétés, impôt sur le revenu, etc.", affirment deux sénateurs UMP dans un rapport qu'ils remettaient ce matin au Sénat. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier estiment que contrairement aux idées reçues, l'e-commerce n'est pas moins sujet à l'évasion fiscale que la vente de biens immatériels. Et constitue donc "un formidable gisement de ressources fiscales, qui demeure inexploité faute d'instruments juridiques et de priorité politique".

Les deux rapporteurs se sont d'abord intéressés à l'action de la douane. Celle-ci "concentre ses efforts sur sa mission de protection et de lutte contre les trafics" (contrefaçons, stupéfiants, armes...) mais ne parvient pas à assurer sa mission fiscale : percevoir les droits de douane et la TVA à l'importation. En effet, les informations fournies par les transporteurs de fret postal ou express sont déclaratives et peu précises, limitant donc la possibilité de cibler les contrôles de colis à risque. Résultat : "les droits et taxes ne sont de toute évidence pas recouvrés à leur juste niveau". Et comme les envois sont grandement morcelés, "il n'y a guère d'intérêt à lancer une procédure pour récupérer quelques euros auprès d'un client individuel."

L'e-commerce, un "formidable gisement fiscal" ?

Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier se sont également penchés sur le rôle de l'administration fiscale, pour la constater "tout aussi impuissante". La direction générale des finances publiques est censée recouvrer la TVA sur les ventes intra Union européenne et l'impôt sur les sociétés ou l'impôt sur le revenu des vendeurs. D'après les rapporteurs, il lui est toutefois impossible de connaître les fraudes à la TVA ou "le nombre de professionnels se faisant passer pour des particuliers". De plus, "lorsque le site Internet est hébergé à l'étranger, elle ne peut ni opérer de redressement, ni exercer son droit de communication".

Les deux sénateurs s'appuient donc sur ce constat pour qualifier de "formidable" le gisement fiscal que constituent ces ventes à distance. Formidable, mais ni mesuré ni même estimé pour autant. Les rapporteurs n'apportent en effet aucun élément d'appréciation sur cette affirmation. Ils se réfèrent par exemple au poids des ventes en ligne réalisées à l'intérieur du territoire français - 45 milliards d'euros en 2012 selon la Fevad - pour évoquer les fraudes douanières. Mais ne disent même pas combien de Français achètent en dehors de l'Union. Ils évoquent en outre des données brutes de fret qui englobent tous les envois et ne se limitent pas aux commandes d'articles en BtoC.

En résultent six propositions dont les professionnels du secteur risquent fort de remettre en cause la pertinence.

1) Obliger les intermédiaires du commerce en ligne (opérateurs de fret, FAI, intermédiaires de paiement...) à transmettre automatiquement leurs données aux services de l'Etat, pour leur permettre d'améliorer leur ciblage des contrôles.

2) Prélever à la source la TVA à l'importation. Donc au moment où l'achat est finalisé en ligne, plutôt qu'à l'arrivée du colis en douane. Les deux sénateurs imaginent que les intermédiaires de paiement prélèvent le montant de la TVA sur le compte de l'acheteur au moment où la transaction est effectuée, puis le reversent sur le compte de l'Etat.

3) Remettre en question le système de franchise qui permet aujourd'hui de fluidifier les échanges en exemptant de TVA le fret postal et les marchandises de moins de 22 euros en fret express.

4) Elargir aux produits légaux le dispositif des "coups d'achats", par lequel les douaniers achètent anonymement des marchandises illicites ou fortement taxées dans le but d'identifier le vendeur et de stopper le flux.

5) Adapter les systèmes d'information de la direction générale des douanes pour l'adapter aux volumes des envois de l'e-commerce et aux spécificités de la fraude en ligne.

6) Redéployer ses effectifs vers la lutte contre la fraude sur Internet, qui n'est actuellement traitée que par une quinzaine d'agents sur les 17 000 de cette direction.